La nature même des banques participatives est un risque pour leur activité. Plongée dans la salle des machines d'une activité dont le succès ne tient qu'à très peu de détails. Une banque participative, une vraie, celle qui offre des produits compatibles avec la Charia à ses clients, se rapproche plus dans son fonctionnement d'un capitalinvestisseur que d'une banque conventionnelle : le traditionnel «risque de crédit», tel que défini par les règles bâloises, est plus marqué chez ces établissements. Et dans la réglementation Bâle, qui dit plus de risques, dit plus de fonds propres. Au niveau international, malgré le développement rapide des banques participatives, la réglementation n'a pas prévu de traitement particulier pour cette catégorie de banques. Les banques participatives doivent prendre en compte les exigences liées aux normes de Bâle III destinées à mieux appréhender les risques bancaires, et principalement le risque de liquidité et des exigences en fonds propres. En effet, les normes prudentielles obligent les banques à avoir une certaine quantité d'actif liquide de haute qualité afin de pouvoir faire face à une sortie brutale de liquidité en cas de stress sur une période de 30 jours. Cette exigence réglementaire est, rappelons-le, entrée en vigueur l'an dernier pour les banques conventionnelles marocaines. Les banques participatives ont également besoin de ce type de papier, à la différence qu'il doit être conforme à la charia. Obstacle ! Pour ce qui est des capitaux propres, les banques participatives, et pour assurer le développement et la croissance de leur activité dans le respect des règles prudentielles, ont besoin d'émettre des sukuks. Néanmoins, en l'état actuel de la réglementation, une telle émission de sukuks par les futures banques participatives n'est pas encore possible. Les banques devront attendre en effet un arrêté du ministère des Finances pour être en mesure d'émettre ce genre d'instruments. Norfadelizan Bin Abdul Rahman, ancien président du groupe bancaire maybank, spécialisé dans la finance islamique, et aujourd'hui consultant à travers le monde, explique ce qu'il faut absolument faire pour réussir ce projet : «Il faut que les banques participatives, filiales ou fenêtres, soient suffisamment capitalisées pour faire face à Bâle III. Autrement, elles seront incapables de financer les projets de leurs clients». Pour lui, lancer des banques participatives sous-capitalisées ferait de cette activité un marché anecdotique qui tombera rapidement dans les oubliettes, avec beaucoup de rejets de dossiers. Norfadelizan explique, par ailleurs, que «le meilleur lancement possible passe par l'offre de produits simples, charia compatibles et proches des produits bancaires classiques». Réussir le marché interbancaire participatif Les banques participatives devront se financer quotidiennement. Norfadelizan dirigeait une banque en Malaisie qui traitait sur un marché interbancaire islamique près de 50 Mds de dirhams par jour. Ce marché est tellement liquide qu'il arrive des fois que le coût de refinancement des banques islamiques soit inférieur à celui des banques classiques. Résultat : ces banques deviennent compétitives. Le Maroc a l'avantage de lancer plusieurs banques participatives en même temps, en plus de trois fenêtres. D'autres pays ont démarré avec une seule banque, poussant leurs Banques centrales à intervenir comme contrepartie immédiate pour assurer le refinancement. Selon Anas Belkhadir, de la Direction de la supervision bancaire à Bank Al-Maghrib, «la Banque centrale n'aura pas vocation à intervenir sur ce marché. Son rôle est d'éviter les périodes de stress, le marché devra s'autofinancer». A noter que les fenêtres participatives des filiales de groupes français pourront également se refinancer auprès de leurs maisons-mères à travers des certificats conformes à la Charia. Le marché interbancaire participatif devra donc trouver le moyen de se financer de manière hermétique. Le Tawarruq, étant jugé non conforme à la Charia au Maroc, cèdera sa place au financement exclusif par sukuks. Le Trésor sera alors dans l'obligation de multiplier ses sorties en sukuks pour s'assurer de la liquidité et de la pérennité du développement de ces banques. La première émission de sukuks souverains en dirhams sur le marché domestique aura lieu avant la fin du premier semestre 2017. Par Adil Hlimi Comment rendre les produits participatifs moins chers En principe, les produits proposés par les banques participatives sont plus chers que ceux proposés par les banques classiques, car le recours à des subterfuges pour contourner l'interdiction d'intérêt rend les produits et services bancaires participatifs coûteux. Au Maroc, les produits islamiques sont deux à trois fois plus coûteux que les produits classiques pour l'instant. L'assurance Takaful permettra de réduire ces écarts en apportant de la liquidité sur le marché interbancaire participatif et en investissant dans des sukuks, d'où l'intérêt d'un écosystème participatif complet.