Nous avons publié, dans notre édition de mercredi dernier, la première partie de l'étide récente de la BAD (Banque Africaine de Développement) intitulé »Services bancaires et Finance islamique en Afrique du Nord Evolution et perspectives ». La seconde partie de cette étude traite du développement de la Finance islamique dans cette régionde et des facteurs qui expliquent son sousdéveloppement relatif. Eb effet, les services bancaires islamiques la Finance islamiqueLa finance islamique est moins développée en Afrique du Nord que dans la région du Golfe et en Asie du Sud-Est. Mais, ce qui est peut-être surprenant est que l'Afrique du Nord est à la traîne à l'heure actuelle par rapport au Royaume-Uni où cette industrie est en pleine expansion. Tel qu'il ressort du Tableau 1 ci-dessous, les pays d'Afrique du Nord ne figurent même pas parmi les 10 premiers au monde en termes d'actif conforme à la Charia, l'Égypte – pays où la finance islamique est le plus développée – ne se classant qu'au douzième rang. En République islamique d'Iran, toute l'activité bancaire doit être conforme à la Charia en vertu d'une loi adoptée en 1983. Ainsi, le pays se classe au premier rang, notamment pour l'actif de l'ensemble du système bancaire. En Arabie saoudite, où les banques classiques et islamiques sont en concurrence et où les clients ont donc le choix, l'essentiel de l'actif est détenu par les banques islamiques. Al Rajhi Bank, le leader du marché, est la banque islamique cotée en bourse la plus importante au monde et se classe au deuxième rang après Bank Melli, une banque publique iranienne, en termes d'actif conforme à la Charia. La Malaisie, bien qu'abritant une importante population non musulmane, se classe au troisième rang en termes d'actif conforme à la Charia, soit près de 30 pour cent du volume total de l'actif bancaire. Le classement de l'actif bancaire islamique dans les pays musulmans de la Méditerranée est très peu honorable et sa part dans l'actif total nettement à la traîne. La Turquie se classe au premier rang en ce qui concerne l'actif conforme à la Charia, bien que l'Égypte représente une part légèrement plus élevée de l'actif total des banques islamiques. Les parts de l'Algérie et de la Tunisie ne s'élèvent qu'à 1,1 et 2,2 pour cent, respectivement. La Libye et le Maroc ne comptent aucune banque islamique. S'agissant de la Mauritanie, il existe peu de données. Les autres banques, notamment la Banque Al Wava de Mauritanie, font toutes partie du groupe Al Baraka. De toute évidence, il existe de la place pour de nouveaux venus sur ces marchés car, à l'heure actuelle, la fourniture des services bancaires islamiques fait l'objet d'un monopole en général et, dans le cas de l'Égypte, d'un duopole, ce qui rend le cadre peu propice à l'innovation et à la mise au point des produits. La concurrence pourrait venir soit de la création de nouvelles banques soit de la reconversion des banques existantes en banques entièrement islamiques, comme ce fut le cas lorsque National Bank of Sharjah est devenue Sharjah Islamic Bank. Ceci pourrait découler d'initiatives financées au niveau local ou être le fruit d'un investissement direct étranger effectué par des banques islamiques basées dans d'autres régions, très probablement le GCC.. L'actif de National Bank of Egypt est neuf fois supérieur à celui de Faisal Islamic Bank of Egypt. La taille limitée des banques islamiques en Afrique du Nord réduit les possibilités pour les économies d'échelle et le développement des activités. Raisons du sous-développement des services bancaires islamiques en Afrique du Nord Trois facteurs expliquent le caractère relativement sous-développé des services bancaires islamiques en Afrique du Nord : tout d'abord, le développement limité des activités bancaires de détail d'une manière générale ; ensuite, la faible familiarisation des clients potentiels avec les services bancaires islamiques ; et troisièmement, le manque de soutien de l'État. Ce dernier facteur sera examiné de manière plus détaillée dans la section suivante sur les aspects juridiques et réglementaires. Il convient de souligner, cependant, que les services bancaires d'une manière générale, et pas seulement les services bancaires islamiques, sont relativement moins développés en Afrique du Nord, comme en témoigne l'actif bancaire Les services bancaires commerciaux prédominent en Afrique du Nord, par rapport aux services bancaires de détail, les banques desservant les entreprises publiques et un secteur privé restreint. Les services bancaires de détail qui satisfont les besoins personnels des classes moyennes sont moins développés que dans le Golfe ou en Malaisie, ce qui reflète en partie la situation économique moins aisée de la majorité de la population. Cependant, dans le Golfe et en Malaisie, c'est le modèle islamique de détail qui a été couronné de succès, les fonctionnaires et les gestionnaires du secteur privé recevant leurs salaires par le truchement de comptes bancaires personnels et recherchant des financements pour l'achat de logements et de véhicules. Les banques islamiques ont mis l'accent sur ce type d'activité, mais l'expérience du Golfe ne peut être transférée facilement dans un environnement financier aussi différent que celui de l'Afrique du Nord. Le manque de familiarisation avec les services bancaires islamiques en Afrique du Nord constitue également un problème, en partie parce que les quelques banques islamiques créées ont mené peu de campagnes de promotion. Dans le Golfe et en Malaisie, les banques islamiques ont un profil public plus important, notamment parce que, en tant que principales institutions de détail, elles doivent faire face à une concurrence serrée. Par ailleurs, les banques classiques proposent des contrats générateurs d'intérêts et de recettes. Dans le Golfe et en Malaisie, les médias couvrent abondamment les événements relatifs aux services bancaires islamiques. Cette couverture est moindre dans les pays d'Afrique du Nord. Dans les pays du Maghreb, l'accent a été mis davantage sur la France, où il n'existe pratiquement aucun service bancaire islamique, au détriment de la région du Golfe ou d'autres régions plus éloignées du monde islamique où la finance islamique est plus développée. Deux problèmes spécifiques dans un environnement financier classique : la gestion de la liquidité et les lois anti-trust Dans certains pays tels que l'Iran31 et la Malaisie, il existe des lois bancaires islamiques spécifiques, tandis que dans d'autres, notamment le Koweït, des dispositions séparées ont été ajoutées à la loi bancaire afin de prendre en compte la finance islamique. Dans la plupart des pays arabes, la finance islamique est régie par des règles. La Banque centrale de Bahreïn dispose de la réglementation la plus complète, mise au point dans le cadre de ses efforts visant à faire de l'île une plateforme financière islamique. En Afrique du Nord, il n'existe pas de loi bancaire islamique complète, hormis les quelques dispositions adoptées en Égypte au titre de la loi n° 48 de 1977, qui est examinée ci-dessous dans la section consacrée aux différents pays. Les exigences relatives à l'octroi d'agréments pour les banques islamiques, notamment en ce qui concerne le capital, les ratios de liquidité et l'établissement de rapports financiers, sont identiques à celles des banques classiques. Cependant, ces dispositions ne sont pas toujours utiles pour les banques islamiques, car celles-ci sont souvent défavorisées par rapport aux banques classiques en matière d'exigences réglementaires. Les exigences de capital ne constituent pas un problème majeur, dans la mesure où toutes les banques islamiques respectent les exigences de Bâle II. Par conséquent, le respect des exigences de Bâle III ne devrait pas constituer une difficulté supplémentaire. Les banques islamiques sont confrontées à deux problèmes spécifiques dans un environnement financier classique : la gestion de la liquidité et les lois anti-trust. Les banques islamiques ne peuvent détenir des bons du Trésor créditeurs d'intérêts ni accepter le paiement d'intérêts sur leurs dépôts auprès de la banque centrale. Il s'ensuit que ces institutions ne tirent aucun bénéfice de l'acquisition de bons du Trésor contrairement à leurs concurrentes classiques. Une solution consiste pour le gouvernement à émettre des sukuk souverains à court terme ou des titres islamiques que les banques islamiques peuvent détenir en toute légitimité et dont elles peuvent tirer un revenu modeste. Ces sukuk sont émis en Malaisie et à Bahreïn,et il est prévu d'en émettre dans d'autres pays, mais pas encore en Afrique du Nord. La gestion des paiements au titre des sukuk et la propriété de l'actif sous-jacent requièrent, en principe, l'adoption d'une loi anti-trustsimilaire à celles en vigueur dans les pays de la Common Law anglaise, mais pas toujours dans les pays de droit civil qui existent dans le monde arabe, à moins que des dispositions spéciales ne soient prises. C'est le cas à Bahreïn, mais en Afrique du Nord, la question n'a pas encore été étudiée.