Du 28 au 30 décembre, Essaouira a proposé un nouveau rendez-vous musical, histoire d'adoucir les mœurs et de répondre en musique à toute l'atrocité que vit le monde. Jazz sous l'arganier, pour sa première édition, a fait rêver, fait sourire et fait chanter. Un festival qui promet de grandir et qui se nourrit de la passion d'un homme pour sa ville natale. Une première édition à travers le regard du président de l'Association Essaouira Mogador et conseiller du roi : André Azoulay. Coulisses. Une lumière comme elle se fait rare, un soleil qui brille, un ciel bleu et une mer pleine d'éclat, c'est comme cela qu'Essaouira a accueilli les festivaliers en cette fin d'année et période de fêtes, souvent synonyme de neige et de froid. C'est dans cette ambiance, également, que la famille marocaine du jazz a trouvé refuge, le temps de 3 jours du festival, dans un festival qui vient de marquer les esprits et qui a déjà commencé à tracer sa route pour de nombreuses éditions : le Festival du Jazz sous l'arganier. Du 28 au 30 décembre dernier, les festivaliers et les Souiris ont découvert ou redécouvert des groupes qui les ont séduits; ils ont partagé, écouté et surtout vécu de beaux moments de musique, de jolis instants de jazz. Le jazz a retrouvé sa maison... Ancré dans les racines africaines, il était tout a fait naturel que le jazz ait un festival en son honneur dans la ville berceau de l'Afrique. «Pour moi, c'est un vieux rêve qui aujourd'hui devient réalité, c'est un grand bonheur en ce qui me concerne, personnellement. Pour Essaouira aussi, et toutes ses musiques qu'on est allé rencontrer, il y a très longtemps maintenant, le jazz était inscrit, depuis le départ sur cette route. Cela s'est fait après les autres mais c'est fait maintenant», confie André Azoulay, président de l'Association Essaouira Mogador et conseiller du roi, qui a baptisé le festival et qui l'a longtemps imaginé. «Je tenais à montrer qu'il y avait à la fois une école, une famille et des musiciens marocains, dans tout le répertoire du jazz, qui méritaient d'être entendus, qui méritaient d'être connus, qui méritaient d'avoir une adresse quelque part au Maroc». Et voilà c'est chose faite, puisqu'en 3 jours, des musiciens marocains ont proposé le jazz qui les inspirait tantôt venu d'Afrique, d'Inde, d'Andalousie, d'Orient, d'Europe, d'Amérique ou encore du Maroc ! Le jazz est écouté ailleurs et il y a beaucoup de festivals ailleurs qui ont beaucoup de mérite mais je voulais qu'il y ait ce Maroc du jazz ! Notre rêve à tous était de l'accueillir à Essaouira, et avec l'engagement de tous, nous sommes sur la bonne voie. Les musiciens ont très bien compris ! Mahmoud, Majid et Othman avaient le sentiment de ne pas être reconnus pour ce qu'ils sont, quand ils parlent de jazz. El Kheloufi me disait, à la fois, sollicité et écouté avec plus d'attention à l'étranger que chez lui. J'ai trouvé, en eux, beaucoup de fierté de savoir qu'une scène leur donnait toute la légitimité dans ce qu'ils font. La qualité de cette première édition est exceptionnelle !». Une édition qui a permis à des artistes reconnus et moins reconnus, comme Majid Bekkas, Othman El Kheloufi, Mahmoud Chouki, Tarik Hila, les Frères Souissi ou encore les Why Not, de se révéler sur une scène qui leur ressemble. «Comme toujours à Essaouira, il y a cette chimique qui se met en place tout de suite et qui fait que nous allons encore plus loin que nous aurions pu espérer. Il y a cette muse souirie qui ne fait qu'attendre ceux qui lui rendent visite. Essaouira aime toutes les musiques et toutes les musiques aiment Essaouira». Essaouira, terre de jazz «Essaouira était l'adresse de plusieurs grands du jazz dans les années 60 et 70. Pharoah Sanders était venu dans les années 70 déjà à la rencontre de Mahmoud Guinéa. Les hippies du monde étaient venus à la rencontre du jazz à Essaouira, du jazz européen, américain et canadien. J'ai vécu cela dans mon enfance et adolescence. J'ai connu un Maroc où le jazz avait un droit de cité dans nos radios nationales avec des émissions régulières et de grands animateurs ! Il y avait un jazz marocain !», continue André Azoulay qui précise, aussi, que ces jazzmen ne venaient pas seulement pour se produire, mais pour se ressourcer à Essaouira ! «Et j'ai toujours pensé que le guembri avec ses 3 cordes était au cœur du blues, quand on écoute nos maalems, on peut s'imaginer dans le café ou l'endroit le plus séduisant à Chicago ou ailleurs». En effet, cela se voit au festival Gnaoua, devenu mondial, que cette alchimie entre le jazz et la musique traditionnelle est possible et même naturelle. Quand Nabyla Maan et Tarik Hilal la marient au patrimoine andalou, quand Othman El Kheloufi la fait danser aux rythmes châabi, quand Mahmoud Chouki lui propose une escale à Azrou ou encore quand Majid Bekkas la fait voyager dans le monde, on comprend que le jazz aime l'aventure. «Il y a cette capillarité qui se marie très bien avec l'andalou, le chaâbi, les gnaoua, avec nos musiques en général. Cela se fait avec beaucoup d'élégance, de légèreté, de naturel. Ce n'est pas quelque chose d'artificiel ou de convenu recomposé pour la cause. C'est quasi-spontané et naturel». Ce sont tous ses ingrédients qui font que la première édition du Jazz sous l'arganier a touché, surpris et séduit. Une première ébauche qui révèle que ce festival n'est pas comme les autres, qu'il a sa place et une place particulière. «Il est hors de question de partir en compétition avec les autres festivals de jazz. On a choisi un espace, cette famille marocaine du jazz qui pourrait inviter, au fil des années, ceux qu'elle veut. Mais les autres viendront nous écouter, pas le contraire. Les jeunes, qui ont cet appétit de donner avec une très grande générosité, qui sont restés longtemps sur scène, qui ont fait de beaux cadeaux à la ville», avoue André Azoulay qui compte miser sur le même esprit que les autres festivals d'Essaouira : monter en puissance progressive, grandir doucement. «Il est né et va grandir tout en restant, en tout cas cela est mon souhait, dans ce double postulat : la famille marocaine du jazz et la jeunesse créative». Longue vie au Jazz sous l'arganier !