Plus les élections approchent, plus nous devrions entrer dans cette zone de béatitude où des discours lénifiants nous promettent des jours meilleurs. C'est une constante de tous les discours électoraux. Mais il faut reconnaître que malgré la proximité des élections, l'inflation discursive n'a pas encore commencé. Nos partis, comme des acteurs avant la levée du rideau, se préoccupent plus de leurs toilettes que des programmes qu'ils vont nous présenter. Pour l'instant, ils définissent les alliances, gèrent la délicate question des désignations des têtes de listes et s'indignent du peu de temps dont ils disposent pour faire tout cela. Ils sont unanimes à condamner avec vigueur les pratiques antidémocratiques comme la corruption ou l'achat des voix. On se demande d'ailleurs qui utilise ces méthodes si tous les partis les condamnent. Si vous demandez à un homme politique pourquoi son parti accepte qu'un député, élu sous une autre étiquette, le rejoigne et pourquoi il met sur ses listes des notables qui apportent de l'argent sans apporter d'idées, il vous expliquera que le système est ainsi fait et qu'on ne peut pas être vertueux tant que les autres ne le sont pas. Autant dire qu'il ne le sera jamais, puisque «l'intelligence» impose souvent la malhonnêteté quand la vertu ne permet pas d'atteindre les objectifs. En l'absence de programmes, nous nous amusons des chamailleries des politiques et poursuivons avec curiosité leurs déboires avec les candidats frondeurs qui plus ils descendent dans la liste plus ils se montrent rouspéteurs. Il n'y a pas de doute, ce sont bien nos partis qui constituent le plus grand défi à nos aspirations démocratiques. Si les discours politiques n'incitent pas encore à l'enthousiasme, ils ne manquent pas parfois de cocasserie. Il en est ainsi de cette question de quota qu'on voudrait mettre à toutes les sauces. En principe, la démocratie repose sur le choix libre des représentants en dehors de considérations d'âge, de couleur ou de sexe. Mais, dans beaucoup de pays du monde, on accepte que l'injustice faite aux femmes soit contrebalancée par des quotas imposés. Les femmes ont trop longtemps été maintenues à l'écart de la politique et continuent de souffrir de préjugés sexistes. Elles ont pour cette raison moins de chance que leurs collègues masculins d'accéder à la députation. Il fallait donc forcer les choses. La politique des quotas reste une correction artificielle qu'il faudrait accepter le temps que la société mûrisse. En Europe, ces quotas sont soit imposés par la loi, comme en France et en Espagne, soit ils relèvent d'une décision volontaire qui émane des partis politiques, comme en Allemagne et au Royaume-Uni. La Suède, avec ses 47% de femmes au Parlement, n'a pas mis en place un système de quota par voie législative. Ce sont les partis suédois qui s'imposent cette règle et offrent autant de chances aux femmes qu'aux hommes. Nous en sommes encore loin, c'est pourquoi cette liste nationale, exclusivement féminine, est une décision courageuse. Mais elle exonère en même temps les partis politiques d'un débat fondamental sur le courage politique qui devrait les inciter à faire plus confiance aux femmes, en les mettant dans toutes les listes et surtout en les impliquant plus fortement dans toutes les instances du parti. Cependant, si l'on peut comprendre le débat sur la représentation des femmes au Parlement, on ne peut que s'étonner de la dimension hypertrophiée que prend la question des quotas aujourd'hui. Il semble ainsi que nos concitoyens vivant à l'étranger souhaitent se réserver par ce biais une place dans le futur Parlement. Ils se considèrent certainement comme une minorité dans leur pays d'origine et croient qu'ils méritent à ce titre d'être discriminés positivement. Mais ils ne sont pas les seuls à avoir vu dans ce système une manière d'augmenter leur chance de réussite électorale. Certaines voix s'élèvent déjà pour réclamer un quota pour les jeunes et un autre pour les cadres. Deux notions floues s'il en est. S'il est facile de définir les candidats pour les quotas de genre, il est particulièrement ardu d'assigner avec précision une limite à la jeunesse, et toute définition de cadre restera abusive. Et voilà qu'un mouvement pour la démocratie et l'égalité, invoquant l'égalité des chances, remet tout le concept en cause. Ces appels nous mettent néanmoins devant une singulière réalité. Si les Marocains ne sont portés à voter spontanément ni pour les jeunes, ni pour les femmes, ni même pour les intellectuels ou cadres, de qui est constitué alors notre Parlement ? Il vaudrait mieux ne pas pousser l'investigation trop loin. Le Parlement a pour fonction de voter des lois et de contrôler l'action du gouvernement. Mais comme il est aussi une représentation populaire, on pense qu'il serait juste qu'il reflète la société dans sa diversité. Cette idée part du postulat que pour défendre les intérêts d'une communauté ou d'un groupe, il faudrait mieux en faire partie. C'est un raisonnement qu'il conviendrait de nuancer. Une femme ou un homme politique n'ont pas besoin d'être chômeurs pour comprendre les problèmes des chômeurs, ni être expatriés pour défendre les intérêts des MRE. Autrement, il faudrait réserver un quota aux retraités, aux handicapés, aux étudiants, etc. Avouez que notre Parlement gagnerait en couleur, mais sa pâle réputation risque d'en être encore plus ternie.