«On revient de loin. En 1997, le parlement ne comptait que deux femmes députés. Aujourd'hui, nous sommes 34, ce qui représente 10% de l'hémicycle. Mais c'est à 1/3 que nous atteignons ce que l'on appelle la masse critique, qui nous permet d'influer réellement sur les politiques publiques», Latifa Jbabdi, parlementaire du quartier de l'Océan à Rabat, plante d'emblée le décor. On est donc loin des 50% de la parité, objectif que se fixent les militantes féministes. «La démocratie n'a aucun sens, si elle exclut la moitié de la population !», soutient la ministre du Développement social, de la famille et de la solidarité. Première femme candidate aux élections en 1977, Nouzha Skalli se rappelle parfaitement de l'étonnement que sa candidature avait suscitée à l'époque. «Les gens couraient, criaient...venez voir, c'est une femme. À l'époque, c'était un événement». Mais, si la présence de femmes en politique ne choque plus, celle-ci reste toujours un domaine réservé aux hommes. «Il y a toujours beaucoup de discriminations envers les femmes. La politique est un monde d'hommes au Maroc et il y a encore trop peu de femmes tête de liste aux élections», déplore de son côté Naima Bayad, élue communale dans l'arrondissement de Bernoussi. Pour elle, les femmes doivent encore prouver leurs compétences. Des négociations permanentes Les mouvements féministes ont dû batailler pour modifier le code électoral et imposer des mesures comme les quotas et des outils comme les listes auxiliaires pour les communales et les listes nationales pour les législatives. «Mais, les directions locales des partis ne mettent pas de femmes où elles pourraient être élues», s'indigne Skalli. Il n'y a, en effet, que 15 femmes présidentes de commune, soit environ 1% des personnes élues par listes principales. Quant aux quelques 3.600 femmes (12%) qui étaient sur les listes auxiliaires, combien siègent-elles réellement au conseil des communes ? «Les femmes élues par les listes auxiliaires ne peuvent être présidente de commune. Mais, un accord tacite prévoit que les femmes élues par listes auxiliaires soient représentées au conseil communal, mais les partis n'ont pas suivi» souligne Bayad. Aucune mesure n'ayant été prise au niveau du gouvernement, c'est au parlement que la question a été tranchée. Mais, même au parlement où les quotas négociés sont respectés, les pourcentages n'ont pas bougé depuis 2002. «Nous étions mal préparées lors des élections de 2007 et les négociations pour augmenter le quota n'ont pas abouti. Mais, nous sommes déjà entrain de préparer 2012», s'explique Jbabdi. Et d'ajouter : «nous n'aurons de toutes les façons pas le choix. 30%, c'est le taux de participation des femmes en politique fixé par les objectifs du millénaire pour 2015». En attendant le changement des mentalités... «La seule proclamation de l'égalité des hommes et des femmes dans la loi n'est pas suffisante pour faire de cette égalité une réalité vécue», déclarait Zineb Touimi Benjelloun, directrice régionale des Programmes UNIFEM pour l'Afrique du Nord. En effet, l'UNIFEM met l'accent sur la nécessité de la mise en place de mécanismes tels que les quotas ou la parité pour arriver à l'égalité en politique. Ces instruments permettent d'accorder temporairement un traitement préférentiel aux femmes en attendant l'élimination des facteurs discriminants ancrés dans les mentalités. Cependant, ces objectifs chiffrés ne peuvent être atteints en l'absence d'une volonté politique forte.