Bon dieu, quelle semaine ! Si pour le commun des mortels, tout drame humain, qu'il se passe ici ou ailleurs, est perçu comme un événement tragique, pour un chroniqueur de mon espèce, c'est-à-dire satirique, c'est toujours une vraie catastrophe. En effet, comment voulez-vous que je vous fasse rigoler alors qu'il il y a eu d'abord Oslo, ensuite Guelmim et, enfin, dans un autre registre tout aussi bouleversant, Moulouya. Comme vous – croyez-moi, je ne suis pas tout à fait un martien – j'ai reçu tout ça comme des coups de poing dans la gu..., pardon, dans la tronche. J'ai encaissé tous ces coups comme je sais si mal le faire, et je suis obligé, à mon corps meurtri et mon cœur brisé défendant, de me présenter à vous aujourd'hui, comme je le fais chaque semaine, le sourire forcé aux lèvres. Je m'en excuse profondément, mais, comme on dit : à la guerre comme à la guerre ! Tenez, à propos de guerre – je n'aime pas du tout cette transition –, celle qui se déroule en Lybie sous nos regards hagards de vacanciers contrariés m'arrache personnellement chaque jour des fous rires nerveux, je ne vous dis pas ! Nous voyons, d'une part, un peuple qui se révolte si maladroitement, mais si hardiment contre des décennies d'oppression et de répression, et, d'autre part, un fou furieux qui se terre quelque part, on ne sait où, mais ne veut toujours pas se taire. Pourtant, depuis le temps qu'on l'entend, on aurait dû ne plus l'entendre depuis longtemps. Ce qui m'amuse le plus – c'est juste une façon de parler – c'est que tous ceux qui l'ouvrent très grande à son propos aujourd'hui, étaient les premiers à lui serrer la pince à l'ombre de ses tentes tentantes. Pourvu que cette terrible parodie de l'histoire se termine à jamais car j'en ai la nausée, et vous également sûrement. Il y a un autre coin qui m'en bouche un coin – ce n'est pas très rigolo, je sais, mais, avec ce qui se passe, je fais ce que peux –, c'est la Syrie. Voilà un pays merveilleux, héritier d'une civilisation et d'une culture tout aussi merveilleuses, et qui a le malheur d'être dirigé, depuis plus d'un demi-siècle, par une caste qui casse toute velléité de liberté et de dignité. Et là, c'est encore pire: c'est le monde entier qui se tait ou, au mieux, prononce des mots inaudibles et incolores. On a dit de l'Irak que le pétrole n'y avait pas d'odeur, mais là, que peut-on dire ? Je vous avoue que je ne connais rien en politique géostratégique, mais, si ça pouvait servir à quelque chose, ça ferait longtemps que j'aurais dit ce que je pense aussi bien à l'oncle Sam, qu'à ses cousins Astérix, Harry Potter et compagnie. Mais, comme disaient de célèbres inconnus, «cela ne nous regarde pas». Cela dit, il y a quand même des choses qui nous regardent avec des chiffres tout ronds, et qui, par les temps qui tournent, sont de vrais baumes pour nos cœurs. Savez-vous que, malgré tout – du moins si l'on en croit notre incroyable ministère du Tourisme – le nombre de touristes au Maroc a cru de plus de 6%, 6,3% pour être précis, par rapport à l'an dernier à la même date. Ça, c'est une bonne nouvelle! Mais ce que je n'ai pas très bien pigé, c'est que, pour la même période, le nombre de nuitées, lui, a diminué. Vous convenez que ce n'est pas très logique. Heureusement que j'ai un ami, spécialiste en chiffres roses, qui m'a expliqué le truc : c'est vrai, m'a-t-il éclairé, qu'il y a plus de gens, pas forcément des étrangers (mais ça, m'a-t-il prévenu, c'est encore plus difficile à expliquer) qui viennent visiter notre pays, mais ils y restent moins longtemps que d'habitude. Pourquoi ? M'empressai-je de l'interroger. Euuuuh... Traduction : je sais, mais je ne veux pas te le dire. Et bien, moi, je vais vous le dire : «nul chat – à moins qu'il soit nul – ne fuit une maison où il y a la fête». Je vais vous donner deux exemples, pas plus : le premier a été rapporté par notre presse parfois pressée d'annoncer les bonnes nouvelles : «80 touristes victimes d'une intoxication alimentaire dans un grand hôtel à Agadir». Second exemple : je viens de passer un très court séjour à Marrakech, et je puis vous assurer que je n'aimerais pas du tout être un touriste... étranger, tellement il subit de harcèlement. Au fait, j'ai une question à poser à notre beau gosse de ministre des Beaux chiffres : il est de combien, le taux de retour ? En attendant d'avoir une réponse dans les prochains jours, j'espère qu'on vivra, à l'avenir, de meilleurs jours, et je vous souhaite un bon week-end, un bon Ramadan, et je vous dis, bien sûr, vivement un vrai changement et vivement vendredi prochain.