Les analystes de la société de gestion d'actifs Marogest ont élaboré un document sur les perspectives d'évolution du marché des taux. Si en 2014, les taux monétaires devraient rester proches du taux directeur, sur le marché obligataire, un repositionnement des investisseurs sur le segment moyen terme serait attendu. «Le facteur autonome de liquidité qui devrait le plus exercer un impact restrictif sur les trésoreries bancaires en 2014 serait, comme c'était le cas en 2013, la circulation fiduciaire». souligne d'emblée Bouchaib Horma, gérant d'OPCVM à la société de gestion d'actifs Marogest, commentant les perspectives des marchés monétaire et obligataire en 2014. On avance du côté de Marogest que les échanges extérieurs ne devraient pas impacter négativement le marché monétaire en 2014, comme cela a été le cas en 2011 et 2012. En effet, sur fonds d'amélioration des perspectives économiques internationales (l'économie et le commerce mondiaux devraient croître en 2014, respectivement, de 3,6% et 4,9% contre 2,9% en 2013), et particulièrement en zone euro, notre principal partenaire commercial, qui devrait se redresser (+1% en 2014) après deux années successives de récession (-0,4% en 2013 et -0,6% en 2012), on estime que l'économie marocaine sera marquée par un besoin de financement en légère variation par rapport à l'année dernière. Partant de ce constat, le HCP prévoit un déficit courant de 7,4% du PIB et le ministère de l'Economie et des finances table sur un déficit de 7,1% du PIB. D'un autre côté, pour financer ce déficit, il est prévu une bonne tenue des IDE, en lien avec l'amélioration de l'environnement international. Les pouvoirs publics devraient déployer des efforts pour garder les réserves de change aux niveaux actuels au dessus de 4 mois d'importations de biens et services. De ce fait, nous affirme Bouchaïb Horma, le déficit du système bancaire devrait ainsi croître davantage pendant le deuxième semestre durant lequel on assistera à l'accumulation de la période estivale, ramadan et Aïd el Adha. Dans ce cas, «Bank Al-Maghrib continuerait d'entreprendre sa politique accommodante en servant autant de MMDH qu'il y en aurait besoin» souligne Bouchaib Horma. Les taux monétaires devraient ainsi rester proches du taux directeur. «L'année 2014 sera semblable à 2013 en ce qui concerne l'évolution des taux monétaires», prévoient les analystes de Marogest. 2013, une année budgétaire difficile Pour donner leurs perspectives d'évolution du marché obligataire, les analystes de Marogest, ont rappelé le contexte budgétaire du royaume. En 2013, l'Etat marocain a fait face à une cinquième année budgétaire déficitaire. À fin décembre, les dépenses ordinaires dépassaient les recettes ordinaires de 17,9 MMDH et donc le Trésor a dû, pour la troisième année successive, s'endetter pour fonctionner. Les recettes ordinaires se sont établies à 199,4 MMDH (-2,2 MMDH ou -1,1% par rapport à 2012) contre une quasi-stabilité des dépenses ordinaires à 217,3 MMDH, soit le même niveau que l'année passée. La réforme des recettes de l'Etat s'explique en grande partie par la diminution des versements au titre de l'IS effectués par certains gros contribuables, notamment OCP, Maroc Télécom, certaines sociétés du secteur financier, certaines cimenteries, etc. Les charges d'investissement, elles, sont venues enfoncer le clou, malgré le gel de 15 MMDH. Elles ont totalisé à fin 2013 quelques 45,3 MMDH. Ainsi, en 2013, le déficit budgétaire reste à un niveau élevé bien qu'en baisse (5,4% du PIB contre 7,3% en 2012). Le financement de ce déficit a été assuré principalement par des ressources intérieures, puisque les financements extérieurs promis par la loi de finances 2013 (26 MMDH) n'ont pas été respectés. La levée nette du Trésor sur le marché des adjudications a atteint 59 MMDH, comparativement à 42,6 MMDH en 2012. En effet, parallèlement au creusement du déficit budgétaire, le Trésor devait rembourser quelque 116,1 MMDH de tombées au marché monétaire contre 73,7 MMDH en 2012. Il a ainsi augmenté ses levées de 46% à 175,2 MMDH. Les investisseurs ont répondu positivement à cette tendance, en relevant leurs soumissions de 2/3 à près de 413 MMDH, contre 248,7 MMDH en 2012. Notons que durant 2013, le marché obligataire marocain a évolué en deux phases. Dans un premier temps (de janvier à mai) les investisseurs se sont montrés de plus en plus exigeants et courts. Ils justifiaient leur position par les premiers chiffres décevants des finances publiques, le retard des financements extérieurs et la lenteur des premières mesures de réforme de la Caisse de compensation. Ils exerçaient, de ce fait, une pression sans précédent sur les taux, obligeant l'argentier du royaume à payer un coût cher, notamment pendant le mois de mai. Ensuite, lors de la deuxième phase, alors qu'une sortie sur le marché international pour 750 millions de dollar venait d'être réalisée, que le système d'indexation partielle des prix des produits pétroliers liquides a été décidé par le gouvernement et que les niveaux de taux sont devenus intéressants, le Trésor a délaissé le segment court terme au profit de ceux à moyen et long termes. Ainsi, au moment où les taux courts se sont mis à corriger à la baisse, les niveaux moyen et long termes ont gardé un trend haussier. Par conséquent, en fin d'année, la hausse des taux prenait plus d'ampleur sur les segments moyen et long termes ; les ténors 5, 10 et 15 ans se sont bonifiés respectivement de 48, 79 et 81 points de base à 5,08%, 5,67% et 5,82%. 2014, une demande croissante pour les BDT L'année 2014 serait marquée par un déficit budgétaire en baisse. Il se situerait, selon la LF 2014 à 46,6 MMDH ou 4,9% du PIB. C'est un niveau crédible, si on prend en compte les mesures de la réforme de la compensation décidées par le gouvernement portant sur la décompensation totale du fuel et du super et la réduction progressive de la subvention au gasoil. Dans la loi de finances 2014, le gouvernement annonce une baisse des recettes par rapport à la LF 2013, ce qui est normal, puisque les recettes prévues dans la LF 2013 étaient gonflées. La baisse des recettes de l'Etat s'expliquerait par les baisses des droits de douane et des recettes non fiscales. La charge du personnel, elle, part au dessus de la barre symbolique de 100 MMDH. D'un autre côte, le Trésor devrait faire face à une tombée importante de la dette intérieure en 2014. Le montant des remboursements prévisionnels de 2014 effleure les 90 MMDH. En parallèle, il y aura une demande importante sur les bons du Trésor, puisque les investisseurs qui voient leurs bons arriver à échéance en 2014 soumissionneraient sur le marché des adjudications pour des montants aussi importants. Cependant, «L'argentier du royaume, ayant centré une part importante des levées de 2013 sur le segment court terme, se voit contraint de réorienter son endettement au profit des maturités moyennes et longues», affirment les analystes de Marogest. De plus, la demande de bons du Trésor serait favorisée par les perspectives d'amélioration des finances publiques, puisque les investisseurs essaieraient d'anticiper une baisse des taux de rendement. Détente des taux En conséquence, le marché obligataire serait marqué en 2014 par une demande importante sur le segment court terme dans un premier temps et sur le moyen terme dans une seconde période. «La structure et les contraintes de gestion de la dette du Trésor le poussent à préférer les segments moyen et long termes au détriment du segment court terme, lui permettant de rallonger la duration de son stock de dette», soulignent les analystes de Marogest. La demande sur le court terme donnera lieu à une baisse des taux courts. «En effet, les investisseurs ont baissé leurs exigences en termes de rendement sur le court terme», ce qui favoriserait un repositionnement des investisseurs sur le segment moyen terme d'une part et créerait une dynamique sur le compartiment de la dette privée. «Les besoins du Trésor étant cette fois-ci maîtrisés, les investisseurs devront baisser également leurs exigences sur le moyen terme», nous explique Bouchaib Horma. S'agissant des taux longs, on devrait assister plutôt à une consolidation des taux aux niveaux actuels. Notons que les emprunts du Trésor sur les deux premiers mois de l'année en cours sont en recul de 28% comparés à la même période en 2013. La conséquence en est que les conditions de financement commencent d'ores et déjà à se détendre.