Le déficit du Trésor s'est allégé de 7 MMDH à fin mars 2014. Beaucoup reste à faire, mais ces premiers chiffres renforcent la confiance des investisseurs. Au Maroc, le déficit public est inquiétant depuis quelques années, voire problématique. Inquiétant en raison de son ampleur. À fin décembre 2013, celui-ci se situait à 52,5 MMDH, problématique parce qu'il s'avère coûteux pour le Trésor, qui doit s'endetter pour le financer. À cet égard, les mesures de décompensation annoncées par le gouvernement en ce début d'année avaient pour objectif d'aider le gouvernement à rééquilibrer ses comptes. La Trésorerie générale du royaume vient de publier les premiers chiffres des finances publiques et le moins que l'on puisse dire est qu'ils sont prometteurs. En effet, selon ces chiffres qui concernent le premier trimestre 2014, les données liées à la Caisse de compensation font ressortir une économie de 10 MMDH réalisée sur la période par rapport à l'année écoulée. En effet, les dépenses liées à la Caisse de compensation se sont établies à 6,6 MMDH à fin mars 2014 contre 16,5 MMDH à fin mars 2013. Le déficit du Trésor allégé de 7 MMDH Au niveau des recettes, il est constaté une augmentation de 2,5% provenant des recettes douanières, lesquelles ont augmenté de 9,5%, des autres TIC qui ont connu de leur côté une hausse de 7%, mais la bonne nouvelle provient de la hausse de la fiscalité domestique, en relation avec la hausse des recettes de l'impôt sur les sociétés (IS). La première a connu une petite hausse de 1,5%, la deuxième a bondi de 11,9%. Ces exploits, aux côtés d'un don de 2,1 MMDH des pays du Golfe, ont permis d'alléger le déficit du Trésor, qui passe à 15,4 MMDH à fin mars 2014, contre un déficit du Trésor de 22,5 MMDH à fin mars 2013. Il s'agit là d'une bonne nouvelle pour le gouvernement, qui s'est fixé comme objectif de réduire le déficit budgétaire à 5,5% du PIB cette année. Au cours des cinq dernières années, le Maroc a enregistré une hausse constante de ses déficits «jumeaux» (budgétaire et commercial), principalement en raison du ralentissement prolongé de l'activité économique en Europe, partenaire commercial de premier ordre et source majeure d'investissement direct à l'étranger pour le pays. À cette faiblesse de la demande européenne viennent s'ajouter la montée des prix mondiaux du pétrole et des récoltes particulièrement médiocres en 2012. Autant de facteurs qui ont poussé respectivement les deux déficits jusqu'à 7,3% et 23,8% du PIB pour cette année. En début d'année, précisément à la mi-janvier, le gouvernement a annoncé l'élimination des subventions à l'essence et au fuel industriel hors production d'électricité, ainsi que la réduction graduelle des subventions au diesel de 2,15 DH par litre à 0,80 DH entre février et octobre 2014. D'autres mesures sont nécessaires «Ces nouvelles mesures viennent renforcer la ligne adoptée par le gouvernement dès l'année dernière», explique le cabinet Oxford Business Group (OBG) dans une analyse récente sur le sujet. Le cabinet fait allusion au mécanisme d'indexation des prix domestiques lancé par les autorités nationales sur les cours mondiaux pour trois produits, à savoir l'essence, le diesel et le fuel industriel non destiné à la production d'électricité. L'objectif était de stabiliser les dépenses en matière d'énergie et de se protéger contre la volatilité. «Si l'endettement national demeure soutenable, le pays est tout de même vulnérable aux chocs extérieurs. Le Maroc dépend des importations pour la quasi-totalité de ses besoins énergétiques ainsi que dans une large mesure pour les céréales, le sucre ainsi que d'autres produits alimentaires de première importance», souligne OBG. De ce fait, le gouvernement travaille à l'introduction de mesures pour reconstituer ses réserves financières et se protéger contre la volatilité des prix, notamment en refondant le régime des retraites, en rationalisant ses dépenses de personnel et en réduisant les subventions au carburant et à l'alimentation. Les subventions liées à l'énergie et à l'alimentation se sont élevées à 53 MMDH en 2012, l'équivalent de 6,4% du PIB. Ces subventions ont été à la mesure des dépenses d'investissements de l'Etat et ont dépassé les dépenses publiques allouées à la santé et à l'éducation réunies, selon le dernier rapport du FMI, publié en mars. Les premières mesures visant à réduire les subventions et à indexer les prix de l'énergie domestique, ainsi que la récolte exceptionnelle et la baisse des cours mondiaux du pétrole ont permis de réduire les dépenses à 43 MMDH, soit 4,7% du PIB, en 2013. Avec l'initiative lancée en janvier, les dépenses allouées aux subventions devraient être abaissées à 35 MMDH, soit 3,7% du PIB, en 2014. D'ici à 2016, le gouvernement s'est fixé pour objectif de réduire les dépenses allouées aux subventions à 3% du PIB. Rétablissement de la confiance Si les mesures ciblant simultanément les salaires dans la fonction publique, l'élargissement de l'assiette fiscale, la réforme de la TVA et l'élimination des exonérations fiscales se concrétisent, l'Etat devrait parvenir à assainir les finances publiques. Selon OBG, beaucoup reste encore à faire, mais l'engagement de l'Etat à mettre en œuvre des réformes a renforcé la confiance des investisseurs, ce qui est d'autant plus important que le Haut-commissariat au Plan estime que le Maroc aura besoin de fonds extérieurs à hauteur de 7,4% du PIB en 2014. Bouchaib Horma Gérant d'OPCVM chez Marogest «Les investisseurs sont moins exigeants sur le rendement» Les ECO : Quelle sera la réaction des investisseurs suite à la publication des statistiques des finances publiques ? Bouchaib Horma : Les résultats parlent d'eux-mêmes. L'amélioration des finances publiques envoie un signal positif au marché. En effet, l'on constate d'abord une amélioration des recettes ordinaires de l'Etat, notamment celles de l'IS, qui figuraient l'un des points noirs des finances publiques l'année dernière. Il y a aussi une baisse des dépenses liées à la régression des charges de compensation. Il s'agit bien là des premiers signes du rétablissement de la situation budgétaire. Au regard de ces premiers résultats, je pense que, dorénavant, le Trésor n'aura plus beaucoup de pression pour financer le déficit. Sur le marché obligataire, les investisseurs prendront cette nouvelle donnée en considération et vont revoir à la baisse leurs exigences de rendement. Ils devraient également revoir à la hausse leur offre. En effet, l'on va essayer de proposer au Trésor le maximum de financements, mais avec des conditions meilleures. Quelle seront les maturités sur lesquelles les investisseurs vont se positionner ? Comme cela a déjà été expliqué, les investisseurs vont revoir leurs exigences à la baisse en termes de rendement et à la hausse en termes de volumes, mais également en termes de maturité. Il y a eu en effet un rétablissement de la confiance des investisseurs dans les finances publiques ces derniers mois. Avec la publication de ces premiers chiffres, la confiance ne pourra que davantage se confirmer. Quel en sera l'impact sur la courbe des taux ? Il y aura une poursuite de la baisse des taux qui ne concernera pas toutes les maturités. Sur le court terme, je pense que l'on a atteint le seuil limite. Sur le moyen terme, il reste encore une petite marge de baisse. Quand au long terme, il présente encore un potentiel intéressant de baisse, approximativement entre 30 et 50 points de base. Qu'en est-il de la sortie à l'international annoncée par le ministre des Finances ? A-t-elle eu un impact sur le comportement des investisseurs ? Il s'agit juste d'une annonce sur la possibilité d'un probable recours à un emprunt à l'extérieur d'un montant maximum de 2,5 milliards d'euros. Cette déclaration confirme les prévisions au titre des emprunts extérieurs établis dans la loi de Finances 2014 de 24 MMDH. Il serait intéressant de savoir quel sera le montant exact de la dette et la date de la sortie. Le ministre n'a pas donné d'indications dans ce sens. Toutefois, si la sortie se concrétise, elle aura certainement un impact sur le rythme des levées du Trésor sur le marché intérieur, et devrait accentuer le mouvement de la baisse des taux.