Amir Ben Yahmed Président de l'Africa CEO Forum «Le secteur privé parle au secteur privé», c'est la thématique de la 2e édition de l'Africa CEO Forum, qui se déroule actuellement à Paris. Organisée par la Banque africaine de développement, en partenariat avec le groupe Jeune Afrique, 700 patrons et hauts dirigeants de banques de développement et Fonds d'investissement s'y retrouvent, pour discuter des problématiques de développement du privé africain. Les ECO : Quels sont les objectifs de cette 2e édition ? Amir Ben Yahmed : Nous avons voulu créer un forum dans lequel les principaux acteurs économiques et dirigeants d'entreprises du continent puissent se retrouver, échanger sur les freins qui font obstacle à leur développement et puis se rencontrer pour faciliter et promouvoir l'environnement des affaires Sud-Sud. L'objectif est aussi d'offrir aux entrepreneurs africains l'opportunité d'exprimer leurs besoins respectifs, notamment dans le développement et la croissance de leurs activités. Il faudrait que les décideurs institutionnels, dans le sens le plus global de l'expression, puissent comprendre quels sont les moyens politiques et institutionnels à mettre en place pour soutenir le privé africain. Il faut savoir que c'est justement ce secteur privé qui aujourd'hui crée des emplois et de la richesse au profit du continent et fait sa croissance économique. Si ces entreprises ne sont pas soutenues et ressentent des blocages dans leurs activités, la question de la croissance africaine restera problématique. Les investissements privés inter-africains sont encore limités. La solution est-elle dans l'approche Sud-Sud ? Absolument. Il est certes important que le continent arrive encore à attirer des investissements étrangers, mais il serait encore beaucoup mieux si les flux intra-africains gagnaient davantage en dynamisme. L'Afrique peut et doit compter sur ses propres ressources, sur son propre secteur privé pour créer cette dynamique. Les entreprises doivent être en mesure de se développer, d'abord localement, ensuite régionalement, pour aller vers une dimension continentale, voire mondiale. L'idée est d'arriver à mobiliser ainsi qu'à orienter une bonne partie des investissements du privé vers le continent. Sans oublier l'impératif de la diversification sectorielle... Tout à fait. Nous remarquons d'ailleurs ces dernières années l'émergence d'une deuxième génération d'entrepreneurs et d'hommes d'affaires africains, aux visions en rupture avec celles des années 80-90. L'objectif est donc de faire émerger tout une nouvelle génération d'entrepreneurs, notamment dans de nouveaux secteurs tels que les services, les TIC, etc. On constate d'ailleurs déjà le dynamisme de ces secteurs dans pas mal de pays. La diversification sectorielle est donc bien sur l'un des éléments importants, pour que la croissance africaine soit plus forte et durable. Le Maroc promeut le développement des ses relations économiques avec ses partenaires subsahariens. Comment appréciez-vous cette démarche ? Le Maroc a été l'un des pays précurseurs en la matière dans la région. Il a démarré cette approche depuis plus d'une quinzaine d'années déjà. C'est une démarche qui prend aujourd'hui de plus en plus d'ampleur, particulièrement sur son volet économique et de promotion des investissements, et qui a la chance d'être portée et représentée en partie par le roi du Maroc, qui est une personnalité d'une image extrêmement positive en Afrique subsaharienne. Il reste, toutefois, évident qu'il y a encore énormément de challenges pour les entreprises marocaines, notamment celui de réussir une percée en Afrique anglophone, ce qui n'est pas encore le cas. Est-ce qu'on peut aussi expliquer cela par la baisse de la demande européenne ? Je ne vais pas faire le rapport avec la situation de la balance commerciale du Maroc, mais plutôt attirer votre attention sur le fait que l'Algérie ne l'a pas encore fait et que la Tunisie non plus n'y avait pas encore pensé. Il a toujours été évident que le royaume, comme l'une des principales économies émergentes de la région, avait les ressources et les hommes pour pouvoir se développer hors de ses frontières. Il est donc normal qu'un pays, qui a un savoir-faire et un capital humain asses solides, ait un jour ou l'autre vocation à chercher à l'exporter. C'est une logique à laquelle tous les pays avancés ou émergents sont en train d'adhérer. Je pense que le Maroc l'a bien entamée, il y a 15 ans, et le poursuit aujourd'hui avec beaucoup de succès. Il lui reste encore beaucoup de potentiels à exploiter. Pour en revenir à l'Africa CEO Forum, quel est le programme des débats ? Nous attendons 700 participants : chefs d'entreprises, acteurs du financement (Fonds d'investissement, banques d'affaires et banques commerciales) et des dirigeants des banques de développement qui opèrent en Afrique. Les thématiques qui seront traitées seront liées à la compétitivité, la place des entreprises africaines dans les grands projets d'infrastructure du continent, le rôle des politiques publiques dans l'émergence de grands groupes régionaux, ainsi que la place des nouvelles technologies dans la diversification des politiques de croissance du continent.