Je ne vous apprendrais rien si je vous disais qu'on me reproche souvent d'être quelqu'un de pas très gai, au sens premier du terme, bien sûr. Quant à l'autre sens, que je trouve personnellement plus subtil et plus marrant, certains possibles nouveaux gardiens du temple -à Dieu ne plaise !- attendent la première occasion pour commencer leur chasse à ... la gaîté. Ne nous égarons pas. Je voudrais aujourd'hui essayer d'enlever cette fausse image qui me colle à la peau -et à la plume- d'éternel opposant à tout, et, donc, forcément, un méchant, un aigri, un nihiliste, un triste, quoi! J'ai toujours su que dire certaines vérités, parler de certaines réalités, dénoncer certaines absurdités, fait de vous, je veux dire de moi, quelqu'un de... pas sympa. Conscient de cette énorme injustice envers mon humble mais si noble personne, je m'évertuais tant bien que mal à tenter de me montrer souriant, voire hilare, avec l'espoir de faire passer la pilule. Rien à faire, ça ne faisait rigoler que moi. Quand je regarde les gens écouter mes dires, ou lire mes délires, je les vois écarquiller les yeux, froncer les sourcils ou même se taper le front, en se demandant sûrement pourquoi un mec aussi pas content -c'est-à-dire moi, pour ceux et celle qui ne suivent pas- ne s'exile pas très loin, les laissant apprécier seuls ce bled si beau et si béni des dieux. Au fond -et je viens à peine de m'en rendre compte- ils n'ont pas tout à fait tort. En vérité, c'est une simple question de volonté et... de lucidité. Je vous explique : la semaine dernière, rappelez-vous, j'étais tout fier de vous apprendre qu'à l'instar de beaucoup de gens indispensables à ce pays -suivez mon regard-, j'avais décidé de ne pas prendre de vacances cette année. Aussitôt décidé, je me suis dit que ça risquait de faire empirer ma situation. En plus, il m'a suffi d'un coup d'œil furtif sur notre presse écrite et haut-parlée, pour constater qu'il n'y avait plus grand monde -du beau monde, j'entends- sur place. Il y en a un, par exemple, que j'aime bien d'ailleurs, qui l'a même annoncé via un tweet aussi concis que précis : «Je pars en vacances pour 10 jours». Voilà quelqu'un, me suis-je dit, qui, apparemment, n'a pas peur de ne pas retrouver sa place à son retour. Alors, comme je n'ai toujours pas de place à perdre, ni donc à récupérer, j'ai pris la décision, sur le conseil de certains de mes amis qui se reconnaîtront, de m'offrir, pour moi, quelques jours de repos, pour mes contradicteurs, quelques jours de répit. Direction où ?... Agadir. Je devrais dire... «Agarire», car c'est vraiment le cas de le dire. En effet, certains enfants bien inspirés de cette belle région soussie qui ne manque pas de soucis (je sais que c'est trop facile, mais je n'ai pas pu me retenir), ont eu l'idée rigolote d'organiser un festival du... rire. C'est vrai, ce n'est pas très original, mais, comme dirait l'autre, plus on est des rigolos, plus on se marre. Ça vient à peine de démarrer, mais, je vous le jure, on n'a pas arrêté de se marrer. De plus -excusez mon chauvinisme primaire, mais bien placé- il n'y a ni nana blonde ni mec aux yeux bleus pour nous faire ricaner. Il n'y a que des Arabes, pardon, que des Berbéro-Arabes, mais, je vous prie de me croire, c'est aussi bien pour le terroir que pour le tiroir. J'ai même appris que les vedettes égyptiennes invitées à cette première édition sont venues sans le sou. Je veux dire qu'on ne leur a pas donné une seule livre. À croire que la révolution est passée par là. Et à propos de révolution, cette idée inédite et insolite, imaginée dans je ne sais quel laboratoire comique, qui consiste à ramener des marcheurs qui marchent contre d'autres marcheurs, vraiment, ça m'a beaucoup fait rigoler. Ce qui m'embête un peu, pour eux, c'est que si ça marche un peu aujourd'hui, ça ne va pas marcher à tous les coups -avec ou sans jeu de mots. J'ai même peur qu'à la longue, ça ne fasse plus rigoler personne. Vous savez -c'est à nos rigolos de service que je parle-, pour faire rire, il faut de l'esprit et aussi de la spiritualité, mais, si possible, bien placée. Comprenne qui pourra. Et comme a dit si bien ce grand comédien égyptien mercredi dernier à l'ouverture du festival du rire d'Agadir, «l'Agarire» (attention, c'est ma trouvaille !) : «la comédie est très difficile car, contrairement aux rôles tragiques, le comique s'adresse, en plus du cœur, à la raison. À l'intelligence, quoi ! Et, hélas pour nous, pauvres citoyens, toujours sujets, n'est pas intelligent qui veut. En attendant, je vous dis bon week-end, vivement les vrais rigolos au gouvernail et vivement vendredi prochain.