L'évènement est très commenté, mais aussi très attendu chez les spécialistes du domaine martitime: Marsa Maroc entend ouvrir son capital à des actionnaires privés. La société d'exploitation des ports, jusque-là détenue à 100% par l'Etat, devrait bientôt rejoindre le club des entreprises publiques privatisées. Pour le moment, «cette ouverture de capital ne va pas dépasser les 30%», fait-on savoir au sein de l'entreprise. Le président du directoire, Mohamed Abdeljalil, aurait déjà tenu plusieurs réunions à ce sujet. Il faut dire que Maroc Marsa figure depuis quelques années sur la liste des entreprises à privatiser, mais cette fois, la décision semble plus ferme et le rythme beaucoup plus cadencé afin d'accélérer le dossier. Il reste à savoir si cette opération se fera via une introduction en bourse ou par l'entrée de nouveaux actionnaires dans le tour de table. Les potentiels acquéreurs intéressés ne sont pas encore connus, mais au vu de la prédominance des multinationales dans le secteur maritime au Maroc, il y a de fortes chances que cette entreprise détentrice du monopole de la manutention sur une dizaine de ports du Maroc tombe sous l'escarcelle de mastodontes étrangers, d'où la particularité de cette manœuvre. Celle-ci doit être menée avec une vision, mais aussi avec des clauses préférentielles, une fois que Marsa Maroc sera sous la commande de mains étrangères. 2 MMDH de chiffres d'affaires «Il faut qu'il y ait des garde-fous afin de ne pas pénaliser l'armateur marocain», conseille le professeur Najib Cherfaoui, expert maritime. Le principal enjeu consiste à ne pas perdre le contrôle des ports nationaux, après la faillite du pavillon national. Aujourd'hui, le Maroc dépense une vingtaine de milliards de dirhams par an pour l'acheminement de ses importations. Plus de 90% de ce montant est accaparé par les armateurs étrangers qui en sont les transporteurs. Si à présent la manutention (on parle, dans le monde de l'aviation, de «handling») est assurée sous influence étrangère, c'est finalement tout le contrôle de l'activité maritime que le pays se mettrait à perdre. Cela pourrait constituer, à terme, une éventualité à risques pour la souveraineté étatique. Il faut d‘ores et déjà signaler que, malgré sa position géostratégique qui lui permet de voir transiter 75% du transport maritime mondial près de ses côtes, le royaume peine à tirer profit de l'activité maritime. L'attention doit être de mise dans cette opération qui suscite la question suivante: quelles en sont les réelles motivations pour une entreprise dont le chiffre d'affaires annuel tourne autour de 2 MMDH ? Najib Cherfaoui, Expert maritime et portuaire Les Eco: Qu'est-ce qui justifierait une ouverture de capital de Marsa Maroc ? Najib Cherfaoui : À mon avis, cela se justifie par un besoin de liquidités pour soutenir les caisses de l'Etat, ainsi que le besoin de financer les chantiers de Tanger Med II, ce qui dans l'ensemble n'est pas mauvais. Toutefois, on aurait beaucoup à perdre dans cette affaire. En cas d'entrée de puissants armateurs étrangers (qui peuvent financer des sociétés écran), c'est le commerce extérieur du Maroc qui sera menacé. Autre conséquence, les armateurs marocains seront conditionnés par ces manutentionnaires-actionnaires ou propriétaires. Les ports marocains vont, dans ce cas, rouler pour l'économie d'autres acteurs. Il ne faut pas déléguer l'industrie maritime du Maroc à d'autres acteurs concurrents. Faut-il prévoir des clauses préférentielles ? Bien évidement! Les responsables doivent surtout penser à l'avenir de la flotte marocaine. Il faut faire attention à l'impact d'une telle décision. Avec la vente ou l'entrée d'actionnaires étrangers dans le tour de table, c'est l'armateur marocain qui est handicapé. Par conséquent, il faut placer des garde-fous, insister pour des clauses préférentielles comme c'est le cas entre les Etats-Unis et l'armateur émirati DP World. L'activité de Marsa Maroc est-elle rentable ? Oui, mais elle est handicapée par ses investissements importants sur Tanger Med II. Je dirais même que c'est une société prise à la gorge. Cela dit, l'activité de la manutention dans la dizaine de ports nationaux gérés par la société rapporte, notamment dans les plateformes de Casablanca, Agadir, Jorf Lasfar, Mohammedia, ainsi que Tanger Ville avant sa fermeture.