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Hôtels/centrales de réservation, des partenaires ennemis ?
Publié dans Les ECO le 31 - 08 - 2013

Réserver son séjour sur internet entre petit à petit dans les habitudes. Ce n'est pas pour rien que des centrales de réservation en ligne telles que Booking.com, Tripadvisor, Expedia, etc. sont désormais connues de par le monde. Les touristes des quatre coins du monde, parmi eux les Marocains, passent par ces sites internet pour réserver leur séjour. Cela est normal au regard des avantages indéniables qu'ils offrent: ces centrales, pour les plus grandes d'entre elles, offrent aux clients le choix entre des centaines de milliers d'hôtels dans le monde avec des informations détaillées sur chaque hôtel, la qualité des chambres, les prix, l'emplacement,etc., avec en prime les avis de voyageurs et touristes. Le recours de plus en plus important à ces centrales de réservation ont fait de ces dernières une plateforme importante du secteur touristique. En France par exemple, les réservations en ligne représenteraient 30% du chiffre d'affaires (21,7 milliards d'euros) de l'hôtellerie. Si au Maroc nous ne disposons pas de chiffres précis, le constat est le même. De plus en plus de Marocains réservent leur séjour via ces sites, même pour des destinations internes. La tendance est telle que des sites marocains ont vu le jour. Même s'ils ne sont pas nombreux, ils prospèrent de plus en plus. «L'évolution des habitudes des Marocains qui sont très connectés à Internet et qui ont acquis le réflexe de rechercher des offres de voyage sur la toile, l'abondance des offres promotionnelles et la possibilité de trouver et de comparer rapidement et efficacement les produits touristiques correspondant au mieux à leurs besoins et à leur budget, font que Jevoyage.ma, par exemple, a connu une évolution de 80% du nombre de réservation en ligne entre l'été 2012 et l'été 2013.
Ceci témoigne d'un réel engouement des Marocains pour le secteur du voyage sur le net», explique Youssef Drafate, directeur général de Jevoyage.ma. Les hôteliers marocains adhèrent aussi à la tendance. «Il est certain que les hôteliers ne peuvent qu'être satisfaits de ce nouvel outil de distribution», déclare Abdellatif Kabbaj, président de la Fédération nationale de l'industrie hôtelière (FNIH). Pour ce dernier, les centrales de réservation sont aujourd'hui considérées comme un substitut aux tours opérateurs même si les deux systèmes diffèrent. Cependant, derrière cette adhésion formelle, la relation entre hôteliers et centrales de réservation reste très floue, complexe. La réalité du terrain et des pratiques des uns et des autres témoignent de cela. «Je ne comprends pas pourquoi les clients ne réservent pas directement à l'hôtel», lâche une responsable d'un appart-hôtel dans la région d'Agadir qui pourtant fait en sorte que son hôtel figure sur les plus importants sites existants. Celle-ci explique que la gestion de la relation client/ site de réservation/ hôtel n'est pas sans poser de problème. Surbooking, annulation des réservations, paiement des commissions, conformité du service avec l'offre sont autant de «soucis» à gérer au quotidien.
Si on ajoute à cela une saison estivale réduite et une concentration de la demande sur les mêmes périodes (après ramadan), les problèmes se multiplient. Qu'est-ce qui régit la relation entre ces différents opérateurs? «Il n'y a pas de normes», lâche d'emblée Abdellatif Kabbaj. En l'absence de norme ou de réglementation, les contrats entre hôteliers et sites se font de gré à gré et s'établissent sur la base des négociations entre les deux partenaires. «Ces conditions sont généralement les mêmes», explique Abdellatif Kabbaj. «En fait, tout dépend du poids d'une agence sur le marché et du volume des transactions qu'elle effectue avec un hôtel. C'est ce qui lui permet d'avoir ou non des avantages au niveau de la négociation de son partenariat avec celui-ci», explique Youssef Drafate. Jevoyage.ma, à titre d'exemple, négocie avec les hôtels qui l'intéressent dans chaque ville des contrats annuels avec des tarifs préférentiels, des offres promotionnelles ponctuelles ainsi que des allotements (ndlr: la quantité de chambres attribués sur contrat par un hôtel à un voyagiste), dans certains cas pour les périodes de haute saison. En règle générale, l'hôtel fixe librement son tarif et le site de réservation en ligne, quant à lui, se rémunère via une commission sur les ventes effectuées via son interface. «Ces commissions varient entre 10% et 25%», confie le président de la FNIH. Certains hôteliers qualifient ces commissions «d'élevées». La fédération des hôteliers aurait même eu des retours de la part des membres faisant état de cela. «La tendance vient surtout des sites étrangers», affirme un hôtelier qui a requis l'anonymat.
De plus, comme l'a avancé Youssef Drafate, le poids du site est déterminant. C'est ce qui donne aux sites internationaux un certain pouvoir sur les hôteliers. Les Marocains ne sont pas les seuls dans la tourmente face aux lois dictées par les sites de réservation. C'est le cas partout dans le monde. Pour ne citer que l'Hexagone, les hôteliers français mènent actuellement une fronde sans pareille pour limiter la montée en puissance des sites de réservation qui commencent, au-delà des commissions élevées, à imposer des conditions que les hôteliers qualifient d'«anticoncurrentielles». Si le débat en France à ce sujet bat son plein, au Maroc les hôteliers s'accommodent de la situation, surtout que le phénomène n'est pas aussi important qu'ailleurs. Cependant, dans la pratique, certains hôteliers n'hésitent pas enfreindre les termes du contrat conclu avec les sites de réservation en demandant aux clients d'annuler la réservation via le site afin d'échapper à une commission qu'ils estiment trop élevée ou injustifiée. «Nous devons systématiquement payer 20% de notre prix de ventes à ces sites, c'est une partie de notre chiffre d'affaires que nous leur cédons», martèle cette directrice d'appart-hôtel. Autre pratique, légale cette fois-ci, qui serait utilisée par les hôteliers, l'intégration de la commission directement dans le prix de vente. «Le marché répond à la loi de l'offre et de la demande. Chaque hôtel cherche donc à être le plus compétitif possible et ne peut pas se permettre une majoration de 10 à 25% de ces prix juste pour échapper à une commission», tranche Abdellatif Kabbaj. Ces pratiques avérées dans plusieurs cas ont-elles une plus grande ampleur? Ce n'est pas le cas, selon Youssef Drafat. «Nous n'avons enregistré aucun type d'abus de la part des hôtels, et les opérateurs pratiquent en général des prix de plus en plus adaptés au marché national vu le potentiel actuel du tourisme national», avance-t-il. Et d'ajouter : «seul bémol: les problèmes de surbooking qui surviennent en période de haute saison. Heureusement, nous arrivons à les gérer efficacement vu nos relations privilégiées avec certains hôtels et notre image sur le marché, ce qui n'est pas forcément le cas des individus qui font leur réservation directement auprès des hôtels ou de certaines agences». Donc, en cas de problème, c'est toujours le client qui trinque!
Quels recours pour les consommateurs ?
Qui des deux, hôtel ou site de réservation, est responsable en cas de problème ? La loi 31.08 a apporté plusieurs dispositions par rapport aux cybermarchands, quel que soit le domaine d'activité. Il s'agit du chapitre 2 régissant la vente à distance de produits, de biens et fournitures de prestations de services. «En cas de problème, c'est le site de réservation en ligne, dans ce cas de figure le cybermarchand, qui est responsable face à la loi, même si le service proprement dit est administré par un tiers (l'hôtel)», explique Ouadi Madih, président de l'association Uniconso. Ceci en référence à l'article 24 de ladite loi, qui avance : «le fournisseur est responsable de plein droit à l'égard du consommateur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat conclu à distance, que ces obligations soient à exécuter par le fournisseur, qui a conclu ce contrat ou par d'autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci». Le client doit dans ce cas se tourner vers le site de réservation pour régler son problème. Le plus souvent, les consommateurs ne connaissent pas leurs droits et donc ne savent pas s'ils ont tort ou raison de réclamer un problème. Par exemple, dans le cas de l'annulation de la réservation sans frais. L'article 36 apporte des précisions. «Les dispositions des articles 26, 27, 30 et 31 (ndlr : ces deux derniers concernent le droit de rétractation) ne sont pas applicables aux contrats ayant pour objet : 1/La fourniture de biens de consommation courante réalisée au lieu d'habitation ou de travail du consommateur par des distributeurs faisant des tournées fréquentes et régulières. 2/ Les prestations de services d'hébergement, de transport, de restauration et de loisirs, qui doivent être fournis à une date ou selon une périodicité déterminée». Donc, sauf disposition prise par le prestataire lui-même, la loi ne donne pas au client le droit de se rétracter par rapport à son achat. Une fois que le client a adhéré à la vente et accepté ces conditions, il doit l'assumer. «Les clients sont souvent indécis. Les hôtels n'ont recours aux offres fermes que pour décourager les annulations à la dernière minute», explique Abdellatif Kabbaj. Par ailleurs, le client peut réclamer si le service offert n'est pas conforme à celui commercialisé sur le site de réservation ou si l'hôtel demande des frais en plus par rapport à ce qui a été mentionné au niveau de la plateforme. De façon générale, «le consommateur doit être avisé que tout contrat non conforme à la loi 31.08 ne lui est pas opposable même s'il le signe», avance Madih. Et d'ajouter, «Nous ne pouvons pas être derrière tous les consommateurs aux moments des faits, mais nous pouvons les assister au moment du recours». Madih avance que rares sont les consommateurs qui poursuivent en justice des e-marchands. «La résolution à l'amiable du problème est favorisé. D'ailleurs, nous avons résolu 80% des cas que nous avons eus à traiter à l'amiable sans recourir à la justice», explique-t-il. Quand le site en question est domicilié au Maroc, l'approche est possible. Cependant, quel recours peut avoir un consommateur marocain quand il fait appel à un site international pour son séjour ? «Dans ce cas, ce sont les dispositions légales du pays d'origine du e-marchand qui prédominent», tranche Madih. Ce n'est peut être pas plus mal, dans le sens où les pays occidentaux sont nettement plus avancés que le Maroc en matière de protection du consommateur !
point de vue
Les sites internationaux sont peu présents sur le marché local
Youssef Drafat, DG de Jevoayage.ma
Le marché de l'e-commerce est particulièrement celui du voyage sur Internet au Maroc est en plein essor. À part certaines grandes agences de voyages qui avaient lancé leur site auparavant, les autres viennent de mettre en place leur plateforme ou commencent à peine à y réfléchir. Un site de réservation en ligne constitue l'évolution normale d'une agence de voyages classique pour suivre la tendance du marché et mieux répondre à la demande de sa clientèle, mais surtout pour rester compétitive. Dans notre cadre, nous avons été parmi les précurseurs à nous lancer sur le net, ce qui nous permet d'avoir une avance assez confortable sur nos concurrents en termes de plateforme de réservation, d'offres et de portefeuille client. S'agissant de la concurrence des sites internationaux, la majorité de ces derniers proposent de payer en devises, alors que les sites de réservation en ligne marocains proposent des offres à des prix alignés avec les offres de ces sites étrangers. Les Marocains préfèrent s'adresser aux sites marocains sur lesquels ils peuvent payer en dirhams. Le seul site international qui constitue un vrai concurrent actuellement est Booking.com, qui a commencé à proposer des offres affichées en dirhams depuis un certain temps.


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