L' échéance 2017 approche à pas de géant ! L'Accord de libre-échange (ALE) qui lie le Maroc à la Turquie, adopté en 2006, prévoit la mise en place d'une Zone de libre-échange industrielle entre les deux pays dans désormais moins de 4 ans. Le démantèlement progressif des barrières douanières continue donc à s'opérer concernant les produits industriels à destination du Maroc et le compte à rebours se fait aujourd'hui de plus en plus retentissant. Nul doute que la visite officielle du Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdoğan en ce début de semaine se penchera sur l'amélioration des rapports commerciaux entre les deux pays. Une évaluation des ALE y compris celui avec la Turquie étant aujourd'hui au centre de l'intérêt du gouvernement marocain. Le royaume, qui a bénéficié dès l'entrée en vigueur de l'accord d'un accès en franchise de droit de douane au marché turc ne semble pas avoir bénéficié, à ce jour, des opportunités de cet ALE. Un accord à sens unique Globalement, celui-ci suit le même schéma que celui des autres accords, avec des échanges commerciaux largement déficitaires. En 2012, le Maroc a exporté près de 3 MMDH et a importé 9,7 MMDH, avec un déficit de près de 7 MMDH. Alors que les exportations à destination de la Turquie ont pratiquement stagné durant ces 3 dernières années, les importations elles ont connu un bond important depuis 2011 et ce n'est pas près de s'arrêter. «Cette situation s'explique encore une fois par le manque de compétitivité flagrant dont souffre le Maroc tant en quantité qu'en qualité de son offre exportable», déplore Jawad El Kerdoudi, président de l'Institut marocain des relations internationales (IMRI). L'asymétrie qui existe aujourd'hui entre les niveaux de développement industriel des deux pays inquiète à plus d'un titre. «Le fait que la Turquie ait accepté un démantèlement douanier immédiat pour les produits marocains renseigne sur l'absence de toute crainte chez celle-ci concernant la concurrence marocaine», souligne El Kerdoudi. En revanche, le Maroc a tout à craindre de ce géant industriel. Les craintes formulées cornent d'abord deux secteurs très sensibles : L'agroalimentaire et le textile. Concernant le premier, les négociateurs de l'ALE ont prévu un certain nombre de garde-fous en vue de protéger ce secteur très sensible. Plusieurs restrictions ont été mises en place, les droits de douane ont été maintenus et seuls des contingents tarifaires ont été prévus. «Aujourd'hui, les Turcs cherchent à faire sauter ces verrous en vue de développer encore plus leurs exportations. Si l'ALE devait être élargi, cela constituerait une grande menace pour ce secteur», explique Amine Berrada Sounni, président de la Fenagri. Aujourd'hui, la Turquie compte augmenter ses quotas d'exportations et négocier de meilleurs taux préférentiels. «Nous pensons que ce que nous avons déjà négocié est largement suffisant. Sans même qu'il y ait d'accords préférentiels, certains produits sont déjà bien commercialisés au Maroc», ajoute le président de la Fenagri. Tout sauf un élargissement de l'ALE Pour le textile, c'est une crainte différente qui est ressentie. Le secteur a pu bénéficier de réels avantages concernant l'importation de matière première en provenance de la Turquie , qu'il peut ensuite traiter pour la réexporter vers d'autres destinations, notamment le marché très convoité de l'Union européenne, grâce à une règle de cumul de l'origine. En parallèle, l'ALE a prévu un démantèlement sur 10 ans à raison de 10% par an pour les produits textiles «finis» à destination du Maroc, ce qui devrait accorder un sursis de quelques années au marché marocain. Or, les mois qui nous séparent de cette échéance se comptent désormais sur le bout des doigts et il semble que la mise à niveau de l'industrie textile continue à trébucher. Le secteur qui vient de valider sa stratégie pour l'horizon 2025 devrait penser à accélérer la mise en œuvre des réformes attendues s'il ne compte pas vivre un réveil brutal en 2016. La Turquie ne plaisante certes pas avec sa stratégie de promotion des exportations. C'est à coup d'importantes subventions aux entreprises exportatrices et d'une stratégie globale intégrant la mise en place de ses grandes surfaces de par le monde que la Turquie soutient ses exportations. Selon les professionnels, l'hypothèse d'un élargissement de cet ALE doit à tout prix être écartée. «Nous devons faire une évaluation de cet accord pour une révision de ses dispositions et non pour un élargissement de ses avantages au profit de la Turquie», s'alarme Berrada. Même son de cloche du côté du département de l'Agriculture qui craint que les produits agricoles turcs n'inondent le marché marocain en cas de nouveaux avantages accordés.