La date limite du 31 octobre ne concerne que les triporteurs. La fraude sur les déclarations de cylindrée compromet sérieusement l'opération. Une solution a été trouvée pour les engins dont les distributeurs ont fermé boutique. C'est un dossier qui risque de donner du tournis au ministre en charge du transport durant les prochains jours. Faut-il prolonger, pour la deuxième fois, le délai fixé pour l'opération d'immatriculation des motos ? Compte tenu du déroulement de l'opération depuis son démarrage l'été dernier, les propriétaires de ces engins ne cessent de réclamer un nouveau délai de grâce. A l'heure où nous mettions sous presse, la date de fin octobre était toujours valide et le ministère de tutelle n'avait toujours pas réagi. Ce qui est sûr, en tout cas, c'est que l'opération ne se passe pas du tout dans des conditions optimales. C'est ce qu'a pu constater La Vie éco auprès d'un des centres de visites techniques à Casablanca et d'après des témoignages recueillis auprès des propriétaires de motos. Le premier souci est qu'il existe un grand flou sur la date limite de l'opération. En effet, les propriétaires de motos de tous types affluent vers des centres, alors que seuls les triporteurs sont concernés par la date de fin octobre. L'arrêté du ministre de tutelle, publié en novembre 2014, prévoit en effet trois délais distincts pour la régularisation des motos en circulation avant le 20 mai (ndlr : celles mises en circulation après cette date doivent toutes être homologuées immédiatement). Le premier concerne les quadricycles qui, en principe, devaient tous être régularisés dans les six mois suivant la publication de l'arrêté (mai 2015). Mais ce genre de véhicules ne court pas les routes. En revanche, les triporteurs qui devaient être régularisés avant juillet 2015 seraient plusieurs dizaines de milliers en circulation, selon les estimations des professionnels. Vu le retard pris dans le lancement effectif de l'opération, le délai a été prolongé à fin octobre courant. Pour les autres types de motos, notamment les deux- roues, ce n'est qu'à partir de juillet 2016 qu'ils seront soumis aux nouvelles obligations. Les frais d'immatriculation et d'obtention du permis s'élèvent à plus de 3000DH En plus de ce flou, les propriétaires de triporteurs éprouvent d'énormes difficultés pour accomplir les démarches auprès des centres de visite technique. La grande majorité de ces véhicules est renvoyée par les centres en raison de l'inadéquation entre leur puissance réelle et ce qui est inscrit sur leur titre de propriété. «En raison du vide juridique qui prévalait depuis l'adoption du nouveau code de la route en 2010, plusieurs véhicules étaient commercialisés sur la base d'une cylindrée inférieure à 50 cc alors qu'en réalité elle était supérieure», explique Aziz Kammah, président de l'Association des importateurs de motos. En fait, nombre de distributeurs trichaient lors de l'établissement des documents de propriété des véhicules de manière à permettre à leurs clients de se soustraire à l'obligation d'obtenir un permis de conduire (ndlr : imposé pour les motos supérieur à 50 cc) et de bénéficier d'une police d'assurance moins chère. Jusque-là, la pratique était tolérée vu que les agents de contrôle de la circulation n'avaient aucun moyen d'évaluer eux-mêmes la puissance réelle des véhicules. Avec la nouvelle réglementation imposant une identification des motos, la donne a changé, et ce sont les propriétaires qui se retrouvent pénalisés. Les centres de visite technique refusent d'accorder le titre de propriété mentionnant le numéro d'ordre du véhicule et invitent les propriétaires de triporteurs à se rendre à un centre d'immatriculation relevant du ministère du transport, seul habilité à traiter les véhicules d'une cylindrée supérieure à 50 cc. Ceci pose deux problèmes. D'abord au niveau des implications réglementaires. A quelques jours de l'entame des opérations de contrôle par les agents de circulation, prévues à partir du 1er novembre, il est impossible pour les propriétaires de triporteurs d'obtenir un permis de conduire dans un laps de temps aussi réduit. Ensuite sur le plan social. Les frais relatifs à l'immatriculation et au permis s'élèvent à plus de 3000 DH, alors que la majorité des propriétaires ou conducteurs de triporteurs n'est pas en mesure de faire face à une charge équivalente à près de 40% du prix du véhicule. Le ministère avait déjà conscience des éventuels écueils L'autre problème qui se pose au niveau des centres d'immatriculation est celui des documents à présenter. La procédure exige en effet la présentation d'un certificat de dédouanement et d'un certificat de conformité délivré par le concessionnaire. Or, il paraît que dans la pratique, les vendeurs refusent de changer le certificat de conformité pour corriger la cylindrée de la moto. C'est en tout cas ce qu'avancent des propriétaires de triporteurs. Par conséquent, beaucoup de conducteurs avouent ne plus savoir à quel saint se vouer. Pendant ce temps-là, le ministère de tutelle reste muet. Pourtant, le problème était connu bien avant le lancement de l'opération. Dans une note communiquée aux centres de visite technique, la tutelle reconnaît «une généralisation des fausses déclarations lors des importations et au moment de la commercialisation pour échapper au paiement des droits réels de dédouanement, d'assurance et de réassurance, à l'immatriculation et à l'obligation de disposer du permis de conduire pour les catégories soumises». Lutter contre ces pratiques est d'ailleurs l'une des motivations de la nouvelle réglementation. Cependant, n'aurait-il pas été mieux de concevoir un schéma où ceux qui ont commercialisé ces véhicules en assument eux-mêmes la responsabilité, au lieu que ce soit les détenteurs des triporteurs ? C'est en tout cas le plaidoyer de l'association des importateurs de motos. Pour son président, «ce sont clairement ceux qui les ont commercialisées qui doivent en subir les conséquences». Comment? En prenant par exemple en charge les frais de permis ou, au moins, une bonne partie. Cette proposition est cependant difficile à concrétiser, vu qu'elle nécessite non seulement la mise en place d'un système spécifique pour le règlement, mais a, avant tout, besoin de l'adhésion des parties concernées, chose qui est loin d'être acquise d'avance. Le ministère, pour sa part, n'a pas l'aptitude d'imposer à ces distributeurs de prendre en charge les frais que doivent en principe supporter les propriétaires de triporteurs. Néanmoins, il peut prononcer des sanctions contre ceux qui ont triché dans les documents. D'ailleurs, on rapporte auprès d'un centre de visite technique que des cas de fraude seront transmis aux services concernés, en l'occurrence au centre d'essai et d'homologation relevant du ministère de l'équipement et des transports. En attendant la réaction de cet organisme, il faut souligner que la tutelle a, semble-t-il, trouvé la solution pour les motos de marques qui ne disposent plus de représentations commerciales au Maroc. Même avec une cylindrée inférieure à 49 cc, plusieurs détenteurs de motos n'ont pu en effet obtenir le précieux sésame du centre de visite technique durant les premiers mois de l'opération en raison de leur incapacité à fournir le certificat d'homologation. Ce sont là encore des cas qui ont fait enfler la polémique autour de la nouvelle réglementation. Selon nos informations, et bien qu'aucune communication officielle n'ait été faite sur ces cas, des consignes auraient été données aux centres de visite technique pour ne plus exiger le certificat d'homologation de certaines marques, comme Sym, qui était justement censé fournir le concessionnaire. Mais là encore, impossible pour ceux qui ont déjà essuyé un refus de le savoir sans avoir retenté eux-mêmes leur chance chez l'un des centres de visite technique.