Des Chambres commerciales et administratives seront créées dans les tribunaux de première instance. La Cour d'appel compétente sur les recours contre les décisions des tribunaux de commerce hors celui de Casablanca. Les avocats et huissiers de justice s'inquiètent d'une «justice à plusieurs vitesses». Le projet de loi relatif à l'organisation judiciaire a été adopté en Conseil de gouvernement. Il est actuellement en première lecture à la Commission justice, législation et droits de l'homme du Parlement. Ce texte, dont les bases ont été jetées lors de la présentation de la Charte sur la réforme de la justice il y a plus d'une année, vise à «mettre en place les fondements d'une organisation judiciaire fondée sur la spécialisation dans le cadre de l'unité de la justice, avec, au sommet, la Cour de cassation», selon les dires de Mustapha Ramid. Ce dernier veut faire du «tribunal de première instance l'unité principale dans l'organisation judiciaire, en sa qualité de juridiction de droit commun, compétente à connaître de toutes les affaires dont la compétence n'est pas attribuée expressément à une instance judiciaire donnée». Une réforme qui vient à point nommé. Car de l'aveu du ministre, «l'organisation judiciaire manque d'harmonie du fait des amendements qui ont été apportés à ses dispositions, ce qui ne favorise pas l'utilisation optimale des ressources humaines et matérielles et ne garantit pas la vraie proximité des justiciables. En outre, la carte judiciaire est hypertrophiée et non rationalisée et la Justice spécialisée est non généralisée». De même que sont appliquées des procédures judiciaires classiques et complexes devant les juridictions qui connaissent une inflation continue du nombre d'affaires, avec tout ce qui en résulte comme lenteur dans leur traitement. Et ce, en plus des véritables difficultés relatives à la gestion des actes de procédures de notification et d'exécution, avec un impact négatif sur l'efficacité de maîtrise et de performance. L'idée de subordonner la création des tribunaux spécialisés au flux d'affaires ne fait pas l'unanimité Par ailleurs, les juridictions connaissent une carence dans la structure d'accueil des justiciables qui ont des difficultés à recourir à la Justice en raison de la faiblesse du système d'aide juridictionnelle, de l'absence de mobile les encourageant à se tourner vers les modes alternatifs de règlement des litiges, notamment commerciaux, et de la faiblesse de la capacité de communication avec les justiciables. C'est ainsi que la création des tribunaux administratifs dans les circonscriptions judiciaires sera subordonnée au volume du contentieux administratif. Si ce dernier ne justifie pas la création de ces juridictions, des sections administratives spécialisées dans les tribunaux de première instance et des Chambres administratives spécialisées dans les Cours d'appel seront compétentes à connaître du contentieux administratif, outre les deux Cours administratives d'appel de Rabat et de Marrakech. De même, les tribunaux de commerce seront ouverts dans les grandes régions commerciales et industrielles. Pour le reste, il sera créé des sections de commerce spécialisées dans certains tribunaux de première instance en vue de connaître des affaires commerciales qui relèvent de la compétence des tribunaux de commerce. Les autres tribunaux de première instance demeurent compétents pour les affaires commerciales qui ne relèvent pas de la compétence exclusive des tribunaux de commerce. La Cour d'appel de commerce de Casablanca, pour sa part, statuera sur les appels formés contre les jugements rendus par le tribunal de commerce relevant du ressort de sa circonscription. Des Chambres d'appel de commerce spécialisées seront créées dans les Cours d'appel en vue de statuer sur l'appel formé contre les jugements rendus par les tribunaux de commerce autres que celui de Casablanca et par les sections commerciales des tribunaux de première instance précités. Seulement, l'idée de subordonner la création des tribunaux spécialisés par le flux d'affaires ne fait pas l'unanimité. Les huissiers de justice, par la voie du Syndicat démocratique de la justice (SDJ) affilié à la Fédération démocratique du travail (FDT) et l'Association des barreaux du Maroc (ABM), s'inquiètent d'une «justice à plusieurs vitesses». Omar Ouidra, bâtonnier de Casablanca, nous explique la position de l'ABM : «Cette mesure peut avoir l'air d'une optimisation des ressources du ministère. Seulement, l'existence d'un tribunal de commerce et d'une juridiction administrative dans une région s'avère souvent indispensable, même si le nombre de procès est faible». Il prend ainsi comme exemple les registres de commerce ou encore les demandes de revalorisation des indemnités versées dans le cadre d'une expropriation. En effet, en l'espèce, la loi donne l'exclusivité aux tribunaux administratifs et commerciaux dans les deux procédures précitées. «Il s'agira donc de revoir également le projet de loi sur le code de procédure civile», conclut M. Ouidra.