Le décret adopté hier en Conseil de gouvernement vise la refonte administrative des tribunaux afin de les adapter à la nouvelle donne judiciaire. Le chantier de modification de la cartographie judiciaire se poursuit. Le décret d'application relatif à l'organisation administrative des juridictions a été modifié lors du Conseil de gouvernement du 16 novembre. L'objectif? Préparer le terrain à la publication de la loi 38-15, déjà validée par le Parlement lors de la dernière législature. Ce texte, dont les bases ont été jetées lors de la présentation de la Charte sur la réforme de la justice, vise à «mettre en place les fondements d'une organisation judiciaire fondée sur la spécialisation dans le cadre de l'unité de la justice avec, au sommet, la Cour de cassation», selon les motivations de l'Exécutif. Ce dernier veut faire du «tribunal de première instance l'unité principale dans l'organisation judiciaire, en sa qualité de juridiction de droit commun, compétente à statuer sur toutes les affaires dont la compétence n'est pas attribuée expressément à une instance judiciaire donnée. L'organisation judiciaire manque d'harmonie, ce qui ne favorise pas l'utilisation optimale des ressources humaines et matérielles et ne garantit pas la vraie proximité des justiciables. En outre, la carte judiciaire est hypertrophiée et non rationalisée, et la Justice spécialisée est non généralisée», indique la note de présentation du texte. En effet, sont appliquées des procédures judiciaires classiques et complexes devant les juridictions qui connaissent une inflation continue du nombre d'affaires, avec tout ce qui en résulte comme lenteur dans leur traitement. Et ce, en plus des véritables difficultés relatives à la gestion des actes de procédure de notification et d'exécution, avec un impact négatif sur l'efficacité de maîtrise et de performance. Résorber les dysfonction- nements Par ailleurs, les juridictions connaissent une carence en termes de structure d'accueil des justiciables, qui ont des difficultés à recourir à la Justice en raison de la faiblesse du système d'aide juridictionnelle, de l'absence de mobile les encourageant à se tourner vers les modes alternatifs de règlement des litiges, notamment commerciaux, et de la faiblesse de la capacité de communication avec les justiciables. Ainsi la création des tribunaux administratifs dans les circonscriptions judiciaires sera subordonnée au volume du contentieux administratif. Si ce dernier ne justifie pas la création de ces juridictions, des sections administratives spécialisées dans les tribunaux de première instance et des Chambres administratives spécialisées dans les Cours d'appel seront compétentes à connaître du contentieux administratif, outre les deux Cours administratives d'appel de Rabat et de Marrakech. De même, les tribunaux de commerce seront ouverts dans les grandes régions commerciales et industrielles. Pour le reste, il sera créé des sections de commerce spécialisées dans certains tribunaux de première instance en vue de connaître des affaires commerciales qui relèvent de la compétence des tribunaux de commerce. Les autres tribunaux de première instance demeurent compétents pour les affaires commerciales qui ne relèvent pas de la compétence exclusive des tribunaux de commerce. La Cour d'appel de commerce de Casablanca, pour sa part, statuera sur les appels formés contre les jugements rendus par le tribunal de commerce relevant du ressort de sa circonscription. Des chambres d'appel de commerce spécialisées seront créées dans les Cours d'appel en vue de statuer sur l'appel formé contre les jugements rendus par les tribunaux de commerce autres que celui de Casablanca et par les sections commerciales des tribunaux de première instance précités. Documents officiels : traduction en arabe obligatoire ! Les nouvelles prérogatives du procureur général de la Cour de cassation ainsi que l'indépendance effective du magistrat du siège imposent une répartition nouvelle des juridictions. Néanmoins, l'idée de subordonner la création des tribunaux spécialisés aux flux d'affaires ne fait pas l'unanimité chez les professionnels. D'aucuns s'inquiètent d'une «justice à plusieurs vitesses». Mais la mesure la plus contestée demeure celle exigeant la traduction officielle en arabe de tous les documents présentés à la justice: documents comptables, états de synthèse... Une porte ouverte sur les manœuvres dilatoires, d'autant que nombre actuel de traducteurs (ainsi que leurs compétences) ne suffira pas à couvrir la demande colossale qui fera suite à l'adoption de la disposition.