L'épargne intérieure a perdu 4 points par rapport aux années 2000. Les ménages consacrent environ 85% de leur revenu brut à la consommation, et les administrations publiques près de 90%. Le taux d'investissement, en légère baisse, reste cependant au-delà de 30% depuis 2007. Après avoir représenté quelque 24% du PIB, en moyenne, durant la décennie 2000, l'épargne intérieure perd environ 3points pour se situer à 21% du PIB en 2012 et en 2013. Pour l'année en cours, elle devrait encore baisser de 1point pour s'établir à 20% du PIB, selon la dernière estimation du Haut commissariat au plan (HCP) sur le sujet. Cette évolution de l'épargne intérieure reflète, en fait, le décalage dans le rythme de croissance du PIB d'un côté, et de la consommation finale, d'un autre côté. En effet, la création de richesse progresse moins vigoureusement que la consommation, ce qui génère, mécaniquement, des besoins de financement qui sont allés crescendo depuis une demi-douzaine d'années. Bien sûr, avec les revenus en provenance de l'extérieur, notamment les transferts des Marocains résidents à l'étranger (MRE), l'épargne nationale monte, bon an mal an, à 25 voire 26% du PIB. Mais dans la mesure où, depuis 2007, le taux d'investissement est très largement supérieur à 30% du PIB, l'économie marocaine accuse un besoin de financement important. Celui-ci devrait s'établir à 7,2% du PIB en 2014, après 7,6% en 2013 et 10% en 2012, et remonter à 7,4% en 2015, selon les prévisions du HCP. Cette légère amélioration du besoin de financement, cependant, résulte moins de l'augmentation de l'épargne, que de la baisse du taux d'investissement, revenu d'une moyenne de 36% du PIB entre 2008 et 2012 à quelque 33% en 2013 et 2014. Mais il faut le souligner, ce niveau d'investissement est déjà très élevé ; il dépasse de loin celui que l'on peut observer dans des pays comme l'Egypte (14,2% du PIB), l'Afrique du Sud (19%), la Turquie (20%), la Tunisie (22%), etc. L'épargne extérieure pèse 18% de l'épargne nationale au lieu de 28% en 2007 Le niveau de l'investissement au Maroc est d'autant plus élevé, proportionnellement au PIB, que l'épargne extérieure, qui pouvait représenter jusqu'à 28% de l'épargne nationale en 2007, n'en pèse plus que 18% depuis 2009. Autrement dit, depuis l'apparition de la crise internationale, avec son lot de fermetures d'entreprises, de licenciements et donc de hausse du chômage, les fonds en provenance de l'étranger, et singulièrement ceux envoyés par les MRE, ont naturellement tendance à reculer. Et cela a fait rétrécir la part de l'épargne extérieure dans l'épargne nationale. Cette évolution montre clairement qu'il est très aléatoire de compter sur un financement (de la demande) dont une bonne partie est par nature incertaine, pour reprendre, en substance, le commentaire de Ahmed Lahlimi, Haut commissaire au plan, à propos de la problématique du financement de l'économie marocaine. Il se trouve que l'épargne intérieure (des ménages, des entreprises et de l'Etat), comme déjà indiqué, accuse une baisse très importante ces dernières années. Les raisons de cette baisse sont nombreuses, mais on peut les résumer ainsi : l'allocation par les ménages et l'Etat de l'essentiel de leur revenu disponible brut à la consommation finale (les entreprises n'ayant pas, elles, de consommation finale). Les ménages consacrent en effet près de 85% de leur revenu disponible à la consommation, et les administrations publiques plus de 89%. Les agents économiques sont-ils trop dépensiers ou est-ce leurs revenus qui n'évoluent pas assez ? C'est là le nœud du sujet, et plusieurs interrogations peuvent se poser à ce niveau, en particulier celle-ci: le fait que les ménages et les administrations publiques dédient le gros de leur revenu à la consommation signifie-t-il que ces agents économiques sont trop dépensiers ou bien alors cela reflète-t-il tout simplement la faiblesse de leurs revenus ? Il y a sans doute les deux. Certains considèrent en effet que le pays vit au-dessus de ses moyens, tandis que d'autres pensent que les revenus des ménages demeurent faibles (ce qui revient au même), même si, en moyenne, leur évolution est assez conséquente : autour de 5% en dirhams courants, ces dernières années. Mais, comme on a souvent l'habitude de le dire, la moyenne, dans une économie où les revenus et les richesses sont fortement concentrés, n'a plus aucun sens. Sans doute, y a-t-il aussi des raison liées à la faible attractivité des produits d'épargne, mais, semble-t-il, ce facteur reste marginal : «Pour que les gens épargnent, encore faut-il qu'ils aient quoi épargner», tranche un observateur. Du coup, avec le niveau actuel de l'investissement, d'un côté, et celui de l'épargne, intérieure en particulier, de l'autre côté, le Maroc devra combler le gap qui sépare les deux variables en recourant à l'emprunt sur le marché international. Selon une prévision du HCP, fondée sur l'hypothèse que les investissements directs étrangers (IDE) s'accroîtraient de 10% en 2015 et que les pouvoirs publics maintiendraient le stock de devises à 4 mois et 15 jours d'importations de biens et services, il faudrait dans ce cas emprunter à l'extérieur l'équivalent de 57,3% du besoin de financement prévu pour 2015 ; soit, si on a bien fait nos calculs, plus de 40 milliards de DH. Ce montant viendrait bien entendu gonfler le niveau de la dette publique qui devrait ainsi atteindre 81,4% du PIB contre 79,7% en 2014 et 75,5% en 2013.