La valeur ajoutée du secteur primaire devrait baisser l'année prochaine, selon le HCP. Le ralentissement du PIB non agricole depuis 2011 se poursuivra. La consommation croît plus rapidement que les revenus, d'où un besoin de financement grandissant. L'économie marocaine serait en croissance de 4,6% en 2013, au lieu de 2,7% en 2012, portée par l'augmentation de la valeur ajoutée du secteur primaire de 14,7%, selon les estimations du Haut commissariat au plan (HCP), établies dans le cadre de son budget économique exploratoire pour l'année 2014. Pour celle-ci précisément, et malgré une légère amélioration des activités non agricoles, le HCP prévoit que la croissance retombe à 2,5%, en raison notamment d'une baisse de la valeur ajoutée du secteur primaire de 3,8%. L'estimation du HCP quant au niveau de l'activité en 2013 se fonde sur les résultats de la bonne campagne agricole 2012/2013, en particulier la hausse de la production céréalière de 86,5%, à 97 millions de quintaux. C'est clairement le moteur de la croissance cette année, pourrait-on dire. Les activités non agricoles, en revanche, seraient en ralentissement, passant d'une progression de 5,3% en 2011 à 4,3% en 2012 et à 3,1% en 2013. Le HCP explique ce ralentissement des activités non agricoles par la faiblesse de la demande étrangère adressée à l'économie marocaine, la réduction des dépenses budgétaires d'investissements (les fameux 15 milliards de DH gelés par le gouvernement) et le rétrécissement du financement de l'économie. Ces dernières années, en effet, le financement bancaire a décéléré année après année, et cela concerne à peu près tous les segments ; avec toutefois une accentuation pour les crédits à l'équipement, dont la courbe suit un mouvement descendant pratiquement en continu depuis 2008. C'est ainsi que le secteur secondaire (énergie, mines, industries de transformation et BTP) progresserait à moins de 2% (1,8% plus exactement) après 1,3% en 2012. Même le secteur tertiaire, qui constitue le gros de l'activité au Maroc, verrait sa croissance ralentir pour s'établir à 3,8% au lieu de 5,9% en 2012. Et encore, ce 3,8% n'aurait sans doute pas pu être atteint sans les retombées positives de la campagne agricole sur les activités de commerce et de transport, estime le HCP. Fort ralentissement de l'investissement en 2013 Cette offre, selon le HCP, serait captée par une demande intérieure en progression de 5%, contre 2,4% en 2012, contribuant ainsi pour 5,8 points à la croissance du PIB, au lieu de 2,7 points en 2012. Par contre, les échanges extérieurs nets, avec une croissance des importations (3,1% en termes réels) beaucoup plus importante que celle des exportations (1,3%) contribueraient négativement à la croissance (-1,2 point), après une contribution nulle en 2012. En 2014, même en s'améliorant légèrement, la demande extérieure nette continuerait de contribuer négativement (-0,7 point) à la croissance économique. Par composante, c'est la consommation finale, notamment celle des ménages, qui constituerait l'essentiel de la demande intérieure. En effet, alors que la consommation finale devrait augmenter de 5,3% en 2013, au lieu de 4,6% en 2012, l'investissement, appréhendé par la formation brute du capital fixe (FBCF), ne croîtrait, lui, que de 0,5%, après 2,7% en 2012. A l'intérieur de la consommation finale, celle des ménages, sans doute en lien avec la bonne campagne agricole, serait en hausse de 6% contre 3% en 2012, alors que celle des administrations publiques connaîtrait un fort ralentissement avec une hausse de 3% au lieu de 7,9% en 2012. En 2014, par contre, la consommation des ménages devrait ralentir pour se situer à 2,7%, tandis que l'investissement, lui, s'améliorerait quelque peu pour s'établir à 1,4%. Au-delà des variations conjoncturelles de l'activité, le trait caractéristique de l'économie marocaine au moins depuis 2008 concerne le rétrécissement de ses marges de financement. Il faut le dire, le HCP attire l'attention sur ce point depuis quelques années déjà, et dans ce budget exploratoire 2014, il le souligne de nouveau, appelant d'ailleurs à un débat sur la nature des réformes à mener pour sortir le pays de cette situation. L'épargne intérieure en baisse continue depuis 2008 C'est que la consommation évolue plus rapidement que les revenus. En 2012, alors que le PIB en valeur (c'est-à-dire en dirhams courants) n'a augmenté que de 3,2%, la consommation finale, elle, a progressé de 5,5%. Idem en 2013 où le PIB courant devrait s'accroître de 5,7% et la consommation de 7,6%. Et la situation ne serait pas différente en 2014 où l'on prévoit pour ces deux variables des taux respectifs de 4,2% et 5,8%. Le résultat d'un tel déséquilibre est que l'épargne intérieure est en baisse continue par rapport au PIB : 22,8% en 2011, 21,1% en 2012, 19,7% en 2013. Pour 2014, le HCP prévoit qu'elle tombe à 18,4% du PIB, soit le niveau le plus bas depuis l'année 2000. Et comme les revenus extérieurs, principalement les transferts des MRE, ont été affectés par la crise économique internationale apparue depuis 2008, l'épargne nationale n'a cessé de reculer depuis cette date. De 32,9% du PIB en 2008, l'épargne nationale a en effet baissé à 25,3% en 2012. En 2013, elle devrait augmenter d'environ 1 point, à 26,2% du PIB grâce notamment aux 2,5 milliards de dollars reçus dans le cadre du partenariat stratégique entre le Maroc et les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG), mais en 2014, le HCP prévoit que l'épargne perde 2 points pour se situer à 24,3% du PIB. Le taux d'investissement étant estimé à 33% du PIB en 2013 et prévu à 31,7% du PIB en 2014, le besoin de financement serait donc respectivement de 6,8% et 7,4% du PIB. Pour utiliser un langage plus simple, on dira que l'économie manquera de 60 milliards de DH en 2013 et de 67,5 milliards en 2014. En 2012, rappelons-le, ce besoin de financement était de 82,8 milliards de DH, contre 65 milliards en 2011. Ces besoins, il faudra bien sûr les combler, en particulier par des emprunts extérieurs, y compris des emprunts du secteur privé. Mais pour le HCP, le pays sera malgré tout obligé de puiser dans ses réserves de devises pour couvrir l'ensemble des besoins de financement. Et c'est ainsi que le stock de ces réserves, malgré le dernier emprunt de 750 millions de dollars effectué sur la ligne ouverte en fin d'année 2012 (pour 1,5 milliard de dollars) devrait représenter 3,7 mois d'importations de biens et services à la fin de cette année. Rappelons ici que l'objectif du gouvernement est de maintenir un niveau de stock de devises couvrant 4 mois d'importations de biens et services. L'amélioration des exportations, d'un côté, et la maîtrise des importations de l'autre côté paraissent incontournables si l'on veut réduire les besoins sans cesse grandissants de financement de l'économie. Le tout est de savoir comment s'y prendre, quels moyens utiliser pour y parvenir. La "régulation" si l'on peut dire des importations, à travers notamment l'activation des mesures de défense commerciale présentant malgré tout des limites, c'est sur l'amélioration de la compétitivité des exportations et le drainage des investissements étrangers qu'il faudra surtout compter. Et à cet égard, des interrogations apparaissent ici et là sur le fait de savoir si la politique monétaire, par exemple, n'aurait pas un rôle à jouer dans ce sens (voir encadré).