On reproche à l'individualisation des salaires d'avoir favorisé des comportements à risques qui ont contribué à la crise. En 2013, les entreprises entendent développer le «hors salaire», c'est-à -dire tous les éléments non monétaires de la rétribution. Des systèmes formalisés de reconnaissance, comme il en existe dans des entreprises américaines, sont envisagés. Ces dernières années, la tendance des principaux arbitrages en matière de politique de rémunération était en faveur de plus d'individuel, plus de variable, et notamment plus de variable individuel, plus de différé et plus de «hors salaire». Le contexte actuel conduit les DRH et les C&B (Compensation & Benefits) à les remettre en cause. Les effets de l'individualisation des rémunérations mis en cause L'individualisation de la rémunération, notamment de sa partie variable, apparaît comme l'un des facteurs de la crise financière. On souligne que l'individualisation a favorisé des comportements à risques qui ont contribué à la crise. La course au bonus a suscité des comportements dangereux. On reproche également à l'individualisation d'avoir accru le niveau de stress et de risques psycho-sociaux et contribué ainsi au mal-être ressenti dans de nombreuses organisations. Enfin, l'individualisation est accusée d'avoir réduit les comportements de coopération et de solidarité entre les salariés au détriment de la performance globale. De nouveaux critères d'individualisation En 2013, l'individualisation devrait cependant conserver une place importante, mais il apparaît nécessaire de revoir les critères. La tendance pour les décisions individuelles est d'intégrer de nouveaux critères au-delà de la simple performance individuelle de l'année. Au-delà des résultats individuels, les entreprises souhaitent prendre en compte la contribution aux résultats de l'équipe et les comportements de coopération. Ce critère est considéré par les managers réticents comme délicat à évaluer et trop subjectif. Les critères de RS (responsabilité sociétale) sont également intégrés lorsqu'il est possible de mesurer l'impact des actions du salarié, d'identifier des efforts (éco-gestes par exemple) ou d'encourager des initiatives dans les domaines sociaux (par exemple, l'intégration d'une personne en situation d'handicap dans l'équipe ou l'accompagnement d'un apprenti), sociétaux (initiative au service de la communauté) ou environnementaux (réduction de l'empreinte carbone). Ces critères sociétaux pèsent jusqu'à 33% dans la détermination du variable individuel des managers et dirigeants dans certaines entreprises. Un variable généralisé, mais plafonné et parfois différé La maîtrise de la masse salariale est une priorité en période de faible croissance. Elle repose souvent sur la limitation des rémunérations fixes au profit du variable individuel et collectif. Les accords d'intéressement avaient poursuivi leur progression ces dernières années avec l'apparition de critères nouveaux et notamment des «critères verts». Cependant, en 2013, le variable collectif (participation et intéressement) peut être victime de l'explosion du forfait social, passé à 20% en juillet 2012. Des entreprises envisagent de revoir à la baisse les dispositions de leurs accords d'intéressement. Elles souhaitent alors compenser cette diminution en développant les primes variables pour les plus performants de leurs salariés. On observe une généralisation d'une part variable individuelle du salaire avec une part moindre des résultats individuels à court terme parmi les critères d'individualisation des primes. La part du variable individuel a crû, depuis deux décennies, avec le niveau de responsabilité et elle a parfois dépassé la part fixe. La tendance qui se dessine en 2013 est d'une limitation de la part variable de 10 à 15% pour les non-cadres, 15 à 20% pour les cadres, 20 à 40% pour les cadres supérieurs et jusqu'à 70 à 80% pour les dirigeants. Lorsque la part variable est élevée, son versement peut être partiellement différé et soumis à des conditions de maintien des résultats. La poussée du «hors salaire» En 2013, les entreprises entendent développer le «hors salaire», c'est-à-dire tous les éléments non monétaires de la rétribution. Elles utilisent toutes les possibilités d'exonérations fiscales et sociales dans le cadre des tolérances précisées par des circulaires de l'ACOSS (Agence centrale des organismes de sécurité sociale). Ainsi, elles développent l'usage des cadeaux d'une valeur totale sur l'année et par salarié inférieure au seuil de 5% du plafond mensuel de la sécurité sociale, soit environ 154 dollars en 2013. Elles accordent également des cadeaux pour plus d'événements (mariages, naissances, Noël, rentrée scolaire…) dans cette limite pour chaque évènement en veillant à ce que l'utilisation du cadeau soit en lien avec l'évènement pour lequel il est attribué. Enfin, on assiste à un usage croissant des chèques-lire, chèques-disques et chèques-culture car ils sont considérés comme une modalité particulière de prise en charge d'une activité culturelle. Les entreprises communiqueront davantage sur ces éléments avec l'extension des BSI (bilans ou bulletin sociaux individuels). Plus de reconnaissance En 2013, les entreprises souhaitent aussi compléter leur système de rémunération par un système mieux construit de reconnaissance. Ceci nécessite de mieux définir les objets à reconnaître. Au-delà des résultats, elles veulent valoriser certains comportements, prendre en compte le «comment» et non seulement le «combien», reconnaître le travail bien fait et non seulement la quantité réalisée. Ceci nécessite aussi de connaître les attentes de reconnaissance des salariés dans leur diversité. Différencier les attentes des jeunes Y, des X et des Baby-boomers, du back-office et du front office, des cadres et des non-cadres par exemple pour mieux y répondre. Et enfin mettre en œuvre une politique d'attribution des signes de reconnaissance pour apporter une réponse appropriée. Des systèmes formalisés de reconnaissance, comme il en existe dans des entreprises américaines sont envisagés. Répondre au besoin croissant de reconnaissance est une nécessité. En 2013, les contraintes en matière de rétribution sont fortes. Ce sont les entreprises qui innoveront dans leurs politiques et pratiques de rétribution globale associant rémunération et reconnaissance, en ligne avec leur stratégie et en cohérence avec les caractéristiques de leurs salariés dans leur diversité, qui auront les meilleures performances.