Rémunérer la performance et rémunérer la compétence relèvent d'approches complémentaires sensiblement différentes. La compétence correspond à un ensemble de capacités, à un capital humain que l'entreprise acquiert, détient et développe. Rémunérer la compétence consiste à rémunérer un stock acquis, difficile à mesurer et à évaluer. Rémunérer la performance revient, à l'inverse, à rémunérer un flux mesurable mais aléatoire dans sa réalisation. Rémunérer la compétence fait donc référence au niveau de capacités détenues, à leur acquisition sur le marché, à leur développement et à leur adaptation aux besoins de l'organisation. Sa définition donne une place très importante à l'évaluation des métiers, des fonctions et des profils, et à leur prix sur le marché dans le but de les acquérir, les fidéliser et les développer. Quant à la rémunération de la performance, cette dernière fait directement référence au résultat. Or, la relation entre compétence et performance est complexe et aléatoire. Les meilleures compétences ne garantissent pas les meilleurs résultats, et les rémunérer ne suffit pas non plus à garantir le niveau de performance attendu, correspondant au coût du capital humain mobilisé. Mais la rémunération de la performance n'est pas simplement la rétribution a posteriori d'un résultat constaté, elle est l'instrument, le levier qui incite, motive, agit sur les ressources pour atteindre les résultats escomptés. C'est là l'origine de toutes les formes de management par objectifs qui placent le levier de la rémunération à la performance au centre du processus de management. La performance regroupe les différentes catégories suivantes, à savoir les résultats atteints, quantitatifs et qualitatifs, par rapport à des objectifs fixés (chiffres d'affaires, clients, délais, coûts, qualité, etc.), la performance exceptionnelle non prévue dans les objectifs ou liée à une mission particulière, un niveau de progression enregistré par rapport à des niveaux de performance passés, le caractère durable et renouvelable de la performance obtenue, un comportement particulier, la coopération ou l'aptitude au changement. Les conditions de réussite de la rémunération à la performance La rémunération à la performance est un levier très efficace pour le développement de la motivation. Quelques principes de fond doivent être respectés. La rémunération à la performance doit être réellement variable, comme la performance elle-même, pour conserver à la fois le niveau d'incertitude nécessaire à la motivation et contribuer à l'équilibre économique de l'entreprise. Il y a aussi la qualité des systèmes de mesure de la performance: les outils de contrôle de gestion doivent être suffisamment pertinents, simples et largement diffusés pour servir de support au management de la performance et de référence incontestable à la rémunération. La performance doit être exprimée par rapport à des objectifs, individuels ou collectifs d'une part pour clarifier le type de performance attendue, d'autre part pour établir un contrat implicite préalable avec les salariés dans lequel l'atteinte de l'objectif entraîne un certain niveau de rémunération à la performance. La mesure, l'évaluation et la rémunération à la performance doivent s'effectuer à des niveaux pertinents, selon les fonctions et métier considérés au niveau individuel, au niveau de l'équipe/métier et au niveau global, celui de l'entreprise. Les différents niveaux se complètent. La rémunération variable d'une personne comporte idéalement une part liée à des critères individuels, une part liée à des critères d'équipe ou de métier et une part liée à la performance générale de l'organisation. Abdelmajid Tronji DG Thema RH La construction d'un modèle classique de gestion des salaires repose sur trois grandes étapes que sont la définition des besoins de l'organisation par la définition du poste, le regroupement des postes de même niveau et la gestion d'échelles de salaires qui tiennent compte à la fois des normes du marché et des normes réglementaires. Cette manière centralisée et uniforme de gérer les salaires reste à l'œuvre dans la plupart des organisations. Cependant, en réaction à ce schéma qui fait abstraction de la valeur professionnelle individuelle, les entreprises ont cherché à développer la reconnaissance du talent individuel, d'abord en élargissant les fourchettes de salaires en place, puis en multipliant les exceptions aux règles. Dans la mesure où la notion de poste perd son sens, la classification la perd aussi, d'où l'intérêt d'une rémunération basée sur les compétences. Le contour des emplois et des postes est de plus en plus évolutif et les changements fréquents d'organisation montrent de façon éclatante que le véritable support de la compétence sur lequel l'entreprise peut investir, c'est l'homme et pas la fonction. L'évolution des organisations, la croissance des qualifications et la spécialisation bousculent et rendent insuffisant le modèle classique fondé sur la fonction exercée. L'individu, acteur ou contributeur, est désormais le chaînon ultime et pertinent de la création de performances.