Selon l'Intérieur, la définition de la date des élections communales est une question politique qui engage la majorité. La régionalisation risque de prendre beaucoup plus de temps que prévu. L'opposition ne veut pas se laisser faire. Mars 2012, juin 2012, septembre 2012, juin 2013, octobre 2013… et peut-être même jusqu'à début 2014. C'est ainsi que, depuis près d'une année, on ne cesse d'annoncer une date pour les élections communales pour la repousser, quelques temps après. C'est finalement pour quand ces élections, est-on en droit de se demander. Depuis un an, cette question est restée posée et n'a toujours pas trouvé une réponse tranchée. On avait avancé comme motif de report, la nécessité d'un consensus sur le corpus législatif relatif aux élections, principalement celui de la régionalisation avancée. Car, explique Hassan Tariq, politologue et député USFP, «si nous n'avons pas encore une date pour les futures élections c'est que les textes ne sont pas encore prêts». Ce qui n'a pas empêché son parti, ainsi que les autres formations de l'opposition, d'interpeller le gouvernement sur la question à plusieurs reprises, que ce soit à l'occasion de la comparution mensuelle du chef du gouvernement, dans le cadre de l'application de l'article 100 de la Constitution, devant le Parlement ou lors de la séance hebdomadaire des questions orales. Aujourd'hui on sait presque que les élections devraient avoir lieu courant 2013. C'est en tout cas ce qu'a déclaré le ministre de l'intérieur devant la commission du même nom lors de la présentation du budget partiel de son département au Parlement, il y a quelques semaines. «Le ministère planche sur les textes législatifs nécessaires à la tenue des élections, principalement la loi organique relative à la régionalisation et les autres collectivités territoriales, ce qui va permettre l'organisation des élections communales courant 2013», a-t-il affirmé devant les députés. Mais à quelle date exactement ? Le ministre nous confie que «c'est une question éminemment politique». Nouveau report pour agenda trop chargé ? Ce n'est pas au seul ministère de l'intérieur de fixer une date pour les élections. Tous les autres ministres sont concernés. Une source proche de la majorité affirme que cette dernière souhaiterait que le processus électoral soit bouclé avant la prochaine rentrée politique. C'est-à-dire avant l'ouverture de la future année législative le 11 octobre 2013. Mais cela c'était avant que l'organe de presse de l'Istiqlal, Al Alam, n'avance une nouvelle date en citant des sources proches du chef du gouvernement. Selon le quotidien porte-parole du parti, «le chef du gouvernement envisagerait de reporter les élections communales à 2014 à cause de la densité du travail» qui attend le gouvernement pour cette année 2013 et qui ne laisse pas suffisamment de temps à une meilleure préparation des élections. L'idée de report a d'ailleurs été défendue lors des débats du projet de Loi de finances par les membres de la commission de l'intérieur au Parlement. Alors que certains membres, explique une source de la commission, insistaient sur la tenue des élections avant fin 2013, certains élus considèrent qu'il n'y a pas lieu de précipiter les choses. Pour ces élus, «il faut d'abord ouvrir un débat de fond pour aboutir à des textes sur lesquels il y aura un consensus et qui permettraient l'émergence d'institutions fortes et efficientes ainsi qu'une plus grande mobilisation pour les élections». Ces débats devraient porter, en plus de la régionalisation, sur des points de discordes comme la révision des listes électorales et l'adoption de la base de données de la DGSN (des titulaires de la CNE) comme base électorale, le mode de scrutin, le seuil électoral, la neutralité passive de l'autorité… Rien que pour ce qui est de la régionalisation, sans laquelle le processus électoral ne peut pas être enclenché, «si on démarre les discussions aujourd'hui, il faudra beaucoup de temps pour les boucler. En effet, il faut se mettre d'accord sur le projet, lui-même, le découpage, les compétences des futures régions, le modèle régional, les relations avec le pouvoir central… La régionalisation sera désormais la clé de voûte du système politique. On ne peut pas faire passer tout cela en une seule séance», affirme Rachid Talbi Alami, chef du groupe parlementaire du RNI à la première Chambre. Est-ce que cela va retarder davantage l'échéance ? «Personne n'a d'idée précise là-dessus», tranche-t-il. Pas même, semble-t-il, le ministère de l'intérieur. La deuxième Chambre, encore une fois… Sur le plan légal, affirme le politologue et député USFP, Hassan Tariq, «le problème ne se pose pas pour les élections communales et régionales. Le mandat des actuels conseils n'expire qu'en 2015». Cela d'autant plus, rappelons-le, que les conseils régionaux et les Chambres professionnelles ont tous procédé au renouvellement de leurs bureaux dans les délais stipulés par la loi. Ils sont donc dans la légalité. «Ce qui n'est pas le cas pour la deuxième Chambre qui ne répond plus aux exigences légales ni de la Constitution de 1996 ni de celle de 2011. Elle est dans l'illégalité. Et les mesures de transition prévues dans l'article 176 de la nouvelle Constitution ne peuvent plus être invoquées pour justifier son maintien en l'état actuel», prévient ce professeur de sciences politiques. Et c'est le ministre de la justice, Mustapha Ramid, lui-même, qui a fini par le lancer aux  conseillers pendant la séance des questions orales de mardi dernier : «La Chambre des conseillers n'est pas constitutionnelle». Cela dit, nous n'en serions pas là si l'agenda initial avait été respecté, ajoute-t-il, en substance. Normalement, «dans l'agenda politique prévu au lendemain du discours du 9 mars, la Constitution devait être promulguée en juillet, les élections législatives anticipée organisées tout de suite après, en novembre, et dès que le nouveau gouvernement a été nommé, il devait s'atteler à la préparation des élections locales pour que le Parlement, avec ses deux Chambres, soit renouvelé avant octobre 2012. C'était cela l'hypothèse de la réforme politique initiée par le Maroc», affirme Hassan Tariq. De toutes les manières, explique le ministre Mohand Laenser pour revenir à la date des élections, «il est vrai que c'est l'Intérieur qui gère le fond du dossier, les textes législatifs et la préparation matérielle notamment, mais c'est la majorité qui décidera de la date. Celle-ci ne sera fixée qu'après concertation et coordination entre toutes ses composantes». C'est dans ce sens que les formations de la majorité ont abordé la question pour la première fois, le 2 décembre. Les partis avaient convenu de se revoir la semaine suivante, le 6 décembre, pour approfondir les discussions, mais leur agenda a été bousculé par les préparatifs des élections partielles. Hamid Chabat, le secrétaire général de l'Istiqlal, a fait le déplacement à Agadir pour soutenir le candidat du parti, l'ex-UC Mohamed Oumouloud, à Inezgane-Aït-Melloul, contre un cadre PJD du ministère de l'éducation nationale, Ahmed Aderrak. Les élections partielles d'abord La bataille électorale fait donc rage, c'est le moins que l'on puisse dire, dans ce fief du PJD, ville natale de l'un de ses dirigeants, le ministre des affaires étrangères Saadeddine El Othmani. C'est la première expérience électorale de Hamid Chabat en tant que chef de parti. La campagne électorale se poursuivra jusqu'au 19 décembre et l'Istiqlal ne compte pas rater cette élection. Les deux formations de la majorité risquent de se retrouver encore une fois dans un face-à-face électoral à plusieurs autres occasions. Le Conseil constitutionnel vient d'ordonner l'organisation de nouvelles élections dans cinq circonscriptions où la majorité vient de se faire invalider, jusqu'à la date du 5 décembre, trois sièges qu'occupaient l'Istiqlal, le PPS et le MP. Ces élections partielles, faut-il le dire, sont à la fois un test de popularité pour le PJD après sa première année aux affaires et un baromètre électoral pour les prochaines élections communales pour les autres formations. Mais pour ne pas retarder la réflexion, les chefs des partis de la coalition gouvernementale ont confié le dossier à un comité où siègent Jamaâ El Mouâtassim, directeur de cabinet du chef du gouvernement, Essaid Ameskane, secrétaire général délégué du MP, Amine Sbihi, ministre de la culture et membre du bureau politique du PPS et Mohamed Soussi, inspecteur général et membre du comité exécutif de l'Istiqlal. C'est ce comité qui devrait apporter les derniers détails à une plateforme législative commune comprenant l'essentiel des textes nécessaires à la tenue des élections communales, dont notamment le texte sur la régionalisation avancée. Entre-temps, le secrétariat général du gouvernement vient, pour sa part, de diffuser aux membres de l'Exécutif un premier texte avant-projet de loi portant sur les principes généraux de la «délimitation des ressorts territoriaux des collectivités territoriales». Le texte vient en application de l'article 71 de la Constitution qui accorde, pour la première fois dans l'histoire du Maroc, au Parlement les prérogatives de légiférer sur la question. En même temps, le PJD annonce la couleur. Ses deux propositions de loi portant sur les élections qu'il vient de déposer au Parlement ne risquent pas de passer inaperçues, plus particulièrement pour ses alliés de la majorité. Traditionnellement, le PJD a toujours été très regardant sur l'observation des élections, parce qu'il se considérait lésé à chaque opération électorale. Mais il faut croire qu'aujourd'hui, même si c'est le gouvernement qu'il dirige qui supervise les élections, le parti de Benkirane n'en est pas plus rassuré. La preuve, il demande que l'observation des élections soit ouverte aux organismes internationaux (ONG) actifs dans le domaine. Mais c'est sa deuxième proposition qui risque de fâcher davantage ses alliés. Le PJD veut, en effet, que les futurs présidents de communes aient au moins le niveau Bac. Ce qui exclurait d'office un grand nombre de notables et des élites locales qui ont déjà toutes les peines du monde à produire un certificat d'études primaires et sur lesquels reposent les espoirs de presque tous les partis pour les prochains scrutins. En attendant, les élus PJD avancent leurs pions Ces élections communales semblent aussi un sujet de prédilection des partenaires istiqlaliens du gouvernement et l'objet de piques adressées de temps en temps au ministre de l'intérieur, le Haraki Mohand Laenser. Dans l'une de ses récentes critiques, Abdallah Bakkali, député et directeur du journal du parti, est allé jusqu'à comparer l'attitude de l'actuel ministre de l'intérieur, qui «rechigne à fixer un agenda électoral précis», avec le comportement d'un certain Driss Basri. Ce dernier avait la manie de surprendre la classe politique en annonçant, à la dernière minute, la date des élections sans laisser aux partis le temps de se préparer. En définitive, le ministère de l'intérieur attend que les membres de la majorité se décident à se réunir de nouveau pour se mettre d'accord sur une date. Ces derniers, chacun privilégiant son propre agenda politique, ne parviennent toujours pas à se mettre d'accord sur une date. A qui une telle situation peut-elle profiter ? C'est la question que se posent certains observateurs. Pour Rachid Talbi Almi, chef du groupe RNI à la première Chambre, une chose est sûre en tout cas : «Cela ne va profiter à personne. Tout le monde est perdant : le pays, les partis politiques, la population et le développement de ce pays».