Décembre 2012 avait été fixé comme dead-line par le Souverain comme fin de processus électoral. D'ici là , il faudra organiser six opérations électorales dont les communales et les régionales. Mais auparavant plusieurs textes de loi doivent être préparés et votés par le Parlement. C'est pour quand les élections communales, professionnelles, préfectorales, provinciales et régionales ? Alors que tout doit, en principe, être bouclé d'ici la fin de l'année. Aujourd'hui, les partis de la majorité ne sont pas capables de répondre avec précision à cette question. On s'accorde juste sur le fait qu'il faut respecter l'échéancier annoncé par le discours royal du 30 juillet 2011. C'est-à-dire de boucler le processus électoral, dans toutes ses dimensions, avant fin 2012. Exemple de ce flottement, le ministre de l'intérieur et patron du Mouvement populaire affirmait, devant le conseil national de son parti, le 7 avril, que les élections auront lieu dans quelques mois. Quelques mois ! C'est-à-dire ? Ces «quelques mois» sont, pour le moment, les seuls repères dont dispose la classe politique. Pour le reste, chacun y va de ses propres pronostics. Plusieurs dates ont été annoncées ici et là. A l'Istiqlal et au PPS tout comme au PAM ou au RNI, personne ne peut, toutefois, avancer une date précise. «Nous n'en avons aucune idée», répond-on de part et d'autre. Il faut dire que le sujet suscite une certaine gêne pour le gouvernement. Et cela remonte déjà à plusieurs semaines. Le 20 février, le Mouvement populaire a tenu, en effet, une réunion interne dirigée par le secrétaire général. Des sources ayant pris part à cette réunion se sont empressées de confier à la presse une partie de la teneur des débats. Mohand Laenser, le ministre de l'intérieur, aurait affirmé selon ces indiscrétions que les élections communales devraient avoir lieu en juin, celles professionnelles, un peu plus tôt, en ce mois d'avril et les élections régionales en juillet. Le scrutin relatif à la deuxième Chambre, dans sa nouvelle configuration, devrait avoir lieu avant le mois de Ramadan, qui tombe cette année à cheval entre juillet et août. Ce calendrier est aujourd'hui, on le sait, dépassé. A l'époque déjà, cette sortie n'était pas pour plaire aux autres alliés du gouvernement, ni d'ailleurs à certains partis de l'opposition. Comme il fallait s'y attendre, le MP n'a trouvé d'autre remède que de nier tout en bloc. Le gouvernement a, pour sa part, fait savoir qu'aucune date n'avait été fixée pour les futures échéances électorales. Fin de l'histoire. La page n'était pas pour autant tout à fait tournée, puisque, deux semaines plus tard, le 7 mars, l'Istiqlal revenait à la charge. Le parti annonçait, dans les colonnes de son organe de presse Al Alam, un calendrier qu'il considère plus plausible pour les futures communales. Pour le deuxième parti de la majorité, la date idoine des élections serait fin septembre. Ainsi les élections communales et régionales devraient être organisées, en même temps, en septembre et le processus devrait prendre fin en décembre, avec la désignation des conseillers de la deuxième Chambre. Le parti évoquait entre autres la difficulté d'organiser des élections pendant la saison d'été. S'ajoute à cela le fait que l'on estime qu'il faut compter avec l'état moral d'une grande partie des électeurs, ceux du monde rural, affectés par la sécheresse et qui seront dans de meilleures dispositions, pense-t-on à l'automne. Depuis, plus rien d'officiel sur les élections.
Objectif : un groupe parlementaire à la deuxième Chambre Bien sûr, il y a eu certaines voix au sein du PJD qui ont appelé à tenir, sans plus tarder, les élections pour «mettre fin à cet atermoiement dans lequel s'est enlisée la classe politique et accélérer le processus de mise en œuvre de la Constitution pour que le citoyen ne perde pas espoir». Argument rejeté aussi bien par leurs adversaires que par leurs alliés politiques. Car, pour certains analystes, rapprocher la date des élections de celles des législatives devrait largement bénéficier au PJD. Le parti islamiste devrait ainsi convertir le capital sympathie dont la population l'a accrédité avant, et même après, les élections du 25 novembre dernier, en voix électorales. Ce qui devrait lui permettre de rafler les élections et non seulement pouvoir gérer les grandes villes stratégiques mais aussi se doter d'un groupe parlementaire fort à la deuxième Chambre. «Le PJD mise sur sa percée électorale du 25 novembre et les dernières sorties tonitruantes de ses ministres et ses dirigeants pour rester sur cet élan. Mais dans trois ou quatre mois, les citoyens voudront voir des réalisations concrètes», affirme, en ce sens, le député et membre du comité exécutif de l'Istiqlal, Abdelkader El Kihel. Ce qui expliquerait cette impatience dont fait preuve une aile du PJD pour le tenue des élections. La députée et membre du bureau politique du PAM, Milouda Hazib, elle, estime que «rien de cela n'est vrai. Le PJD veut faire croire à tout le monde qu'il dispose d'une force de frappe électorale qui pourra lui permettre de contrôler les futurs conseils communaux. Il n'en est rien. C'est juste une manière de préparer le terrain. Le cafouillage dans lequel ses dirigeants sont tombés, et les déclarations contradictoires des uns et des autres attestent de leur confusion». Cela dit, ajoute-t-elle, «dans six mois beaucoup de choses auront changé et les citoyens vont probablement être déçus». N'empêche que le PJD ne semble pas perdre son temps. Il s'est déjà mis au travail depuis son accession au gouvernement. Il ne se passe presque plus une semaine sans qu'il n'ouvre une antenne locale, plus spécialement dans le monde rural. Son bras syndical, l'UNTM (Union nationale du travail au Maroc) ne cesse lui aussi d'opérer des incursions dans différents secteurs d'activité. Ses premiers bureaux syndicaux ont été ouverts dans les départements contrôlés par ses ministères, la Justice, entre autres. Et, cerise sur le gâteau, les réunions de l'Espace marocain des professionnels, un organe parallèle créé par le parti en 2010 et qui dispose d'antennes un peu partout dans le pays, multiplie ses rencontres. L'association patronale du parti islamiste devrait lui permettre d'opérer une percée dans les Chambres professionnelles. C'est aussi un double tremplin pour la deuxième Chambre, depuis que la Constitution permet au patronat de s'y faire représenter à travers ses associations représentatives.
Septembre, une date plausible ? Entre-temps, et pour ce qui est du calendrier électoral, les islamistes ont revu leurs ambitions. «Nous tentons de respecter l'agenda fixé dans le discours du 30 juillet 2011. Il faut aussi mettre en œuvre les engagements, pris dans le cadre de la déclaration gouvernementale, relatifs à la décentralisation et la déconcentration», affirme Abdessamad Sekkal, membre du conseil national et de la commission des élections du PJD. Pour lui, il faut se rendre à l'évidence, «juin est une date non réaliste. Pour la simple raison que nous sommes déjà à la mi-avril et rien que la préparation matérielle des élections nécessite au moins deux mois». Par contre, affirme-t-il, «septembre est une date plausible». Il faut préciser que, lorsqu'on parle d'élections locales, ce sont en réalité pas moins de 6 scrutins. Il s'agit de l'élection des représentants des salariés, des élections professionnelles (les Chambres de commerce et d'industrie, celles de l'agriculture, celles de l'artisanat et celles de la pêche), les élections des conseils communaux, celles des conseils provinciaux et préfectoraux, celle des conseils régionaux et enfin les élections de la deuxième Chambre. Qu'en pense les autres partis ? L'Istiqlal, allié du PJD, n'en fait pas un problème. «Nous sommes prêts à tout moment», explique Toufiq Hejira, membre du comité exécutif et président du comité préparatoire du prochain congrès. Et si la date des élections interférerait avec celle du congrès, fixée, elle, pour fin juin ? «Là encore nous n'avons pas de problème. Le cas échéant, nous allons reporter le congrès, mais c'est une éventualité peu probable». Au moins 16 textes de loi à préparer et voter De toute manière, affirme Abdellatif Ouammou, membre du bureau politique du PPS, «dans les faits, le gouvernement devrait disposer d'un agenda électoral. Et il est du droit des citoyens de le connaître et de participer ainsi à la mise en œuvre de la nouvelle Constitution». Le PPS est, par ailleurs, pour une accélération du processus de concrétisation de la Constitution. «Pour nous, les choses sont claires, l'intégrité intellectuelle veut que le processus électoral soit accéléré, et ce, quels que soient ses résultats. Car, agir selon la conjoncture ne relève point de la démocratie», affirme-t-il. Quant au président du groupe du RNI à la première Chambre, Chafik Rachadi, il estime que «c'est d'abord une question de bonne préparation. Il faut engager une réflexion profonde et commune à tous les partis politiques avant d'entamer ce chantier. Il faut que les élections communales se passent dans de bonnes conditions». Peu importe donc la date, pourvu que le processus se passe sans heurts. C'est d'ailleurs la position pour laquelle le PJD a fini par pencher. «Le secrétaire général, Abdelilah Benkirane, était très clair sur ce point : le plus important pour nous, c'est qu'une nouvelle élite arrive aux commandes des collectivités locales (NDLR. M.Benkirane s'adressait aux membres de la commission centrale des élections qui a tenu une réunion samedi 7 avril). On ne peut pas faire l'économie d'une réflexion profonde pour y arriver», confirme Abdessamad Sekkal. Le chef du gouvernement fait part, lors de cette même rencontre, de son intention d'associer toutes les formations, même les petits partis, à une large concertation qui devrait précéder les prochaines élections. Car, outre le projet de loi sur la régionalisation avancée, majorité et opposition devraient se mettre d'accord sur une série de textes nécessaires à la tenue des élections. «Il s'agit d'au moins 16 textes de loi qu'il faudra adopter avant le démarrage du processus électoral», explique la députée PAM, également présidente de l'arrondissement Annakhil (Marrakech), Milouda Hazib. Là encore, affirme M. Sekkal, rien n'a encore été fait. C'est à peine si le gouvernement a pu publier les textes mettant fin aux mandats des conseillers de la deuxième Chambre et des conseils des collectivités locales. Il reste donc beaucoup à faire, surtout en matière de législation concernant la régionalisation, ce qui nécessitera certainement des débats au Parlement. Mais où sont ces textes ? Quand seront-ils discutés et à quelle échéance seront-ils votés ? «Pour faire vite, explique une source du comité exécutif de l'Istiqlal, certains membres du gouvernement ont proposé de commencer par le plus facile, c'est-à-dire les élections des représentants des salariés avant d'engager le débat sur le reste, mais l'idée a été vite abandonnée». Fini le populisme, place au pragmatisme Le gouvernement a fini par mettre le dossier des élections entre les mains d'une commission formée des quatre partis de la majorité et que préside le ministre d'Etat Abdallah Baha. En parallèle, le chef du gouvernement a confié à la commission centrale des élections de son parti la mission de préparer un document sur les propositions du parti. Mission d'autant plus délicate, affirme M. Sekkal, membre de cette commission, que «la Constitution a apporté un changement stratégique en matière de gestion des affaires locales». Tout est appelé à être revu, l'organisation des conseils locaux, le mode d'élection, l'étendue et l'organisation de leurs pouvoirs, les rapports avec l'autorité de tutelle…En somme, il faut revoir la charte communale de fond En comble. Bien plus, «on ne sait d'ailleurs pas si l'article 146 de la Constitution (NDLR relatif aux collectivités territoriales) sera décliné en plusieurs textes de loi ou sous forme d'un seul code qui englobe tout», explique M. Sekkal. C'est pourtant un préalable et une étape nécessaire avant les élections. Bref, qu'en sera-t-il des revendications que le PJD présentait également comme préalables à des élections transparentes et équitables ? Hormis une récente déclaration d'Abdellah Bouanou, député PJD, dans laquelle il réitère une de ces revendications qui veut que l'organisation des élections ne devrait plus être une exclusivité du ministère de l'intérieur, le parti semble avoir fermé l'œil sur le reste. Il faut rappeler en ce sens que le PJD, alors dans l'opposition, exigeait comme gage de confiance le remplacement de la plupart des walis et gouverneurs, l'indexation de la liste électorale sur la base du fichier de la Sûreté nationale, de manière à ce que tout titulaire de la carte d'identité soit automatiquement inscrit sur ses listes. Autre revendication et non des moindres : la préparation des élections doit être confiée à une commission indépendante. Aujourd'hui, le PJD se veut pragmatique. «On va essayer d'être très rationnels, pragmatiques, affirme M. Sekkal. Le plus important c'est qu'il faut changer ce qui peut l'être dans le peu de temps qui nous reste». Mais combien reste-il réellement de temps ? Les élections auront-elles lieu en 2012 ?
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