Présenté lors de l'ouverture du Festival International du Film de Marrakech (FIFM), « The Order » marque le retour de Justin Kurzel, déjà primé ici en 2011. Le réalisateur australien nous confie les coulisses de son thriller haletant. Suivez La Vie éco sur Telegram Avec The Order, Justin donne à voir une Amérique troublée, à la croisée du thriller psychologique et du western contemporain. Inspiré d'un scénario signé Zach Bailyn, le film retrace la genèse d'un des premiers groupes terroristes domestiques américains. Mais au-delà du fait divers, il propose une exploration subtile des mécanismes sociaux et psychologiques qui conduisent à l'extrémisme, inscrivant le récit dans un dialogue troublant avec notre époque. « Ce qui m'a tout de suite captivé, c'est le scénario de Zach Bailyn. C'était une histoire remarquable que j'ai d'abord lue comme un film de genre. J'avais envie de réaliser un film américain, mais je n'avais pas encore trouvé le bon projet. Ce scénario m'a rappelé le style cinématographique musclé des années 70, avec des réalisateurs comme William Friedkin ou Sidney Lumet, qui ont été une grande source d'inspiration pour moi », confie Justin Kurzel. Ce qui ajoutait une profondeur fascinante, selon lui, c'est que l'histoire, bien qu'ancrée dans les années 1980, était inspirée de faits réels. « Bien que le récit soit ancré dans une époque révolue, il établissait un dialogue puissant avec notre présent, d'une manière qui semblait presque naturelle ». Depuis ses débuts, le réalisateur explore les zones d'ombre de l'âme humaine, et The Order ne fait pas exception. « Les histoires qui résonnent le plus sont souvent celles qui, en prenant un peu de distance dans le temps ou l'espace, parviennent à éclairer un phénomène actuel. Ici, ce recul temporel apportait une perspective unique sur des thèmes contemporains ». Il s'attache à décrire le processus de séduction idéologique et les mécanismes par lesquels des individus ou des groupes marginalisés peuvent être attirés vers des idéologies extrêmes. « Ce processus de séduction idéologique, cette façon dont des personnes se laissent convaincre de suivre des idées extrêmes, m'a toujours fasciné ». Le film met également en lumière les failles des laissés-pour-compte. « Lorsqu'ils se sentent laissés pour compte ou simplement en quête de reconnaissance, des figures aussi dangereuses que Bob apparaissent et leur apportent des réponses séduisantes, mais destructrices », explique-t-il. Cette dynamique psychologique et sociale est au cœur de son travail sur les personnages, offrant aux acteurs un matériau riche en contradictions. Esthétique Le choix des lieux de tournage s'avère tout aussi significatif. « La région de Calgary, avec ses paysages intacts et son architecture préservée, évoquait immédiatement une autre époque, l'Amérique des années 80. Cette atmosphère a enrichi l'esthétique du film », souligne-t-il. Entre montagnes imposantes et vastes prairies, les décors prennent une place centrale dans le récit, soulignant l'insignifiance des protagonistes face à une nature écrasante. L'accompagnement musical, signé par son frère, parachève quant à lui cette immersion. « Nous cherchions une sonorité proche de celle des westerns, qui amplifie le sentiment d'insignifiance des personnages face à la majesté des paysages ». Les accords obsédants de la BO ajoutent une dimension épique et mélancolique au récit, soulignant les dilemmes intérieurs des personnages. Avec The Order, Justin Kurzel ne se contente pas de raconter une histoire. Il interroge, de manière viscérale et profondément cinématographique, les fractures sociales et humaines. Rarement un thriller de genre n'aura autant résonné comme un miroir tendu à notre époque, proposant une réflexion poignante sur les mécanismes de la haine et les ambiguïtés de la nature humaine.