Après un déficit budgétaire de 6.1% et 7% hors privatisation, celui du compte courant atteindrait les 7.8% du PIB. Les recettes des investissements et prêts privés étrangers en baisse, les dépenses aussi. C'est la 5e année consécutive de déficit du solde des transactions courantes. C'est ce vendredi 30 mars que l'Office des changes publie les chiffres (provisoires), très attendus, relatifs à la situation des finances extérieures en 2011, à savoir l'état de la balance des paiements, mais surtout celui du compte courant, l'indicateur le plus scruté par les analystes en raison du fait qu'il reflète la capacité d'une économie à dégager les moyens de son financement. Une certitude déjà : le compte des transactions courantes enregistrera sa cinquième année de déficits successifs et la balance des paiements sa quatrième, quoique, désormais, on ne parle plus de déficit de la balance des paiements, celle-ci étant dans tous les cas équilibrée, s'il le faut en ponctionnant sur les réserves de changes. La seule question qui demeure posée jusqu'au vendredi 30 mars (à l'heure où nous mettions sous presse, les chiffres provisoires n'étaient toujours pas disponibles) est celle du niveau de ce déficit. Le Haut commissariat au plan (HCP), dans son budget économique prévisionnel pour 2012, présenté en février dernier, avait estimé ce déficit à 6,7% du PIB, soit 54,34 milliards de DH, sur la base d'une croissance du PIB en 2011, estimée à 4,8%. Depuis l'apparition du déficit en 2007, celui-ci est, de loin, le plus lourd (voir graphe). Déjà, à fin septembre 2011, dernière date de publication de l'état de la balance des paiements, le compte courant était déficitaire de 42,3 milliards de DH. Selon nos calculs, la balance des paiements dans sa totalité était, elle, déficitaire de 17,2 milliards de DH, l'Office des changes ne publiant plus cet indicateur. Sur la base des chiffres provisoires portant sur les échanges extérieurs pour toute l'année 2011, déjà publiés par l'Office des changes, on peut approcher, au moins approximativement, le solde du compte courant. Et celui-ci risque de dépasser le niveau de déficit estimé par le HCP, 54,34 milliards de DH, sauf si le dénominateur, le PIB, est réévalué à la hausse, ce que nous ne saurons que le mois de juin prochain, date de publication des comptes nationaux. L'année 2012 ne sera guère meilleure En effet, pour l'ensemble de l'année 2011, le déficit commercial s'élève à 185,5 milliards de DH. Avec des recettes MRE se chiffrant à 58,5 milliards de DH et un solde de la balance voyage positif de 48,35 milliards de DH, le déficit commercial n'est financé qu'à hauteur de 57,6%. Le reste, 42,4%, soit 78,62 milliards ne sont pas financés. Bien sûr, il reste encore à connaître le solde des rubriques «transport» (déficitaire sur les neuf premiers mois de 2011), services de communication, des assurances, les redevances et droits de licence, autres services aux entreprises…, mais ça représente des broutilles ! Il reste également la balance des revenus, mais celle-ci, on le sait, est structurellement déficitaire (-9 milliards à fin septembre), et ce faisant, son impact ne peut être que négatif sur le compte courant. Ainsi, en supposant même que ces rubriques dont on ne connaît pas encore les soldes (mis à part celle des revenus dont il n'y a rien à attendre) dégagent un excédent, celui-ci ne peut dépasser, en étant très optimiste, une quinzaine de milliards ! Sous cette hypothèse, le déficit du compte courant serait d'un peu plus de 63 milliards de DH, soit 7,8% du PIB. C'est évidemment énorme, surtout lorsqu'on sait que les finances publiques, elles aussi, se portent mal, avec un déficitaire budgétaire de 6,1% (7% hors privatisation). Quid maintenant du solde global de la balance des paiements ? C'est difficile à estimer, car pour le moment le seul indicateur disponible à ce niveau est celui des investissements et prêts privés étrangers. Le solde de cette rubrique s'élève à 20,87 milliards de DH, avec des recettes de 28,92 milliards de DH, en baisse de 26,4%, et des dépenses d'un peu plus de 8 milliards de DH au lieu de 24,7 milliards en 2010. Le HCP, lui, a déjà estimé le déficit de la balance des paiements à 3,8% du PIB, soit quelque 31 milliards de DH. Cela paraît élevé, mais tout reste possible. D'ailleurs, pour 2012, le haut commissariat au plan prévoit une dégradation des soldes à la fois du compte courant, à 7,1% du PIB au lieu de 6,7% en 2011, et de la balance des paiements à 4,5% du PIB. C'est une situation extrêmement difficile pour le nouveau gouvernement : il doit assurer le financement de l'économie alors que les ressources ne sont pas disponibles, ou très insuffisantes. En pareille situation, c'est-à-dire quand les échanges de biens et services sont structurellement déficitaires et que ce déficit n'est plus couvert (parce que abyssal) par les revenus nets en provenance de l'étranger, en l'occurrence les transferts des MRE, même en y ajoutant les recettes nettes de voyages, la solution ne peut provenir que d'un accroissement des investissements étrangers, ou alors d'un recours soutenu à l'emprunt. Or, pour 2012, c'est une petite croissance qui est prévue pour les investissements étrangers (+10%, mais après une baisse en 2011). Pour l'emprunt, le gouvernement a prévu, dans le projet de Loi de finances, de mobiliser 20 milliards de DH à l'extérieur. Sera-ce suffisant ? Certainement pas. Y aura-t-il alors une levée de fonds sur le marché des capitaux ? Nul le sait pour le moment…