Le déficit du compte des transactions courantes au premier semestre s'est aggravé de 53.4% par rapport à 2010. Il est tellement important qu'il a fallu puiser dans les réserves de devises. Une légère amélioration est attendue au troisième trimestre, mais, selon le HCP, le déficit rapporté au PIB passera de 4.1% en 2010 à 4.3% en 2011. Les finances extérieures du Maroc sont en nette dégradation. Le compte des transactions courantes, soit la partie de la balance des paiements qui reflète le mieux la situation économique d'un pays, a dégagé un déficit de 36,13 milliards de DH au titre du premier semestre 2011. Ce solde est en aggravation de 53,4% par rapport à la même période de 2010. Effet de saisonnalité oblige, il devrait toutefois s'alléger quelque peu au cours du troisième trimestre, grâce notamment aux recettes de voyages et aux transferts des MRE, mais nous n'en sommes pas encore là… La cause de ce déficit tient au déséquilibre structurel de la balance commerciale : – 80,2 milliards de DH au premier semestre (-122,6 milliards à fin août). Cela signifie que les exportations de phosphates et dérivés, de câbles et fils électriques, de composants électroniques…ont beau se comporter favorablement, la déferlante des importations, et pas seulement énergétiques, est telle que même les excédents de la balance des services (+ 19,9 milliards de DH) et ceux des transferts courants (+29,8 milliards de DH) sont engloutis ! Et pour être complet, il y a lieu d'ajouter au déficit structurel de la balance commerciale celui des revenus, qui est tout aussi structurel, et en aggravation depuis 2007 : – 5,6 milliards de DH, généré principalement par des transferts de dividendes de plus de 7 milliards de DH et, à un degré moindre, par le paiement des intérêts de la dette extérieure publique (1,4 milliard de DH). Hausse des transferts de dividendes Mais alors, peut-on s'interroger, si les exportations de marchandises et de services ainsi que les recettes des MRE ne couvrent pas les importations, comment celles-ci ont-elles été financées ? Par le solde positif dégagé sur le compte des opérations financières. Autrement dit par les investissements directs étrangers, les crédits commerciaux et, surtout, par une ponction sur les avoirs en devises de Bank Al-Maghrib. En effet, les investissements étrangers directs, avec des rentrées de 9,42 milliards de DH et des désinvestissements de 1,73 milliard de DH, a dégagé un solde positif de 7,7 milliards de DH. Les crédits commerciaux, pour leur part, affichent un solde excédentaire de 5,76 milliards de DH, résultat de crédits accordés aux importateurs marocains par leurs fournisseurs d'un montant de 14,14 milliards de DH, et de crédits consentis par les banques marocaines aux importateurs étrangers de 8,4 milliards de DH. Mais tout cela n'a pas été suffisant, et il a fallu puiser dans les réserves pour ainsi dire «boucler la boucle», pour un montant de 16,5 milliards de DH. C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, les avoirs extérieurs nets n'ont cessé de baisser depuis le début de l'année : -11% par rapport à janvier 2011, à 174,14 milliards de DH à fin juin. Au mois de juillet, ils ont légèrement augmenté à 177,93 milliards de DH, pour reculer de nouveau d'environ 1 milliard de DH au mois d'août (voir graphe). Entre juin 2011 et juin 2010, les avoirs extérieurs ont toutefois augmenté, mais que de 0,7%. Ces réserves devraient bénéficier de la variation saisonnière pour s'inscrire en hausse au cours du troisième et quatrième trimestre. Mais il reste que la tendance de fond est baissière. En 2008, rappelons-le, les réserves avaient atteint au mois d'août un pic de 221,2 milliards de DH. Pour l'ensemble de l'exercice 2011, en tout cas, le Haut commissariat au plan (HCP) a prévu une hausse du déficit du compte des transactions courantes, qui devrait passer à 4,3% du PIB au lieu de 4,1% en 2010. La question qui se pose alors est de savoir si ce déficit sera financé par les investissements étrangers (s'ils poursuivent la progression qu'ils ont enregistrée en 2010, avec une recette de 32 milliards de DH, en hausse de 28%), ou bien par le recours aux emprunts extérieurs. A fin août, les recettes (pas le solde) au titre des investissements et prêts privés étrangers se sont élevées à 14,88 milliards de DH, soit une baisse de 8,3% par rapport aux huit premiers mois de 2010. Mais, une fois de plus, rien n'est encore définitif, et d'ici à la fin de l'année, la situation peut se redresser… Dans tous les cas, il est difficile d'imaginer, dans la configuration politique actuelle (un gouvernement sur le départ, des élections législatives le 25 novembre…) un recours à l'emprunt extérieur pour financer le déficit courant. Si les opérations financières (l'investissement en particulier, mais pas seulement) ne parviennent pas à équilibrer la balance des paiements, c'est évidemment dans les réserves en devises qu'il faudra, encore une fois, puiser le complément. Auquel cas le resserrement des liquidités que l'on observe aujourd'hui sur le marché monétaire pourrait évidemment s'accentuer, les avoirs extérieurs étant une source de création monétaire.