L'application de certaines mesures décidées le 26 avril 2011 a induit un coût de plus de 13 milliards de DH pour l'Etat. Dans le privé, la dernière augmentation du Smig a engendré un coût additionnel de 2,2 milliards. Le dialogue social, sous la férule du nouveau gouvernement, a repris depuis cette deuxième semaine de mars. Mais il s'agit pour l'instant de discuter de simples questions méthodologiques, à en croire le premier responsable de la Fédération démocratique du travail (FDT), Abderrahmane Azzouzi, dont le syndicat a été reçu le mercredi 14. A moins que cet Exécutif ait sa propre méthode de dialogue, ce sujet a déjà été réglé après avoir longtemps (près d'un an) constitué la pomme de discorde entre les syndicats et le gouvernement de Abbas El Fassi. C'est en tout cas l'avis de syndicalistes. Aujourd'hui, les syndicats souhaitent l'application des points de l'accord du 26 avril 2011 qui restent à mettre en œuvre (voir encadré). Certes, l'essentiel des mesures sur lesquelles il y a eu accord au printemps 2011, c'est-à-dire celles qui ont surtout un impact financier, est bel et bien appliqué. Mais pour les syndicats, si l'amélioration des conditions matérielles comme le relèvement du Smig, de la pension minimale ou encore l'augmentation de salaires dans la fonction publique, fait évidemment partie de leurs principales revendications, les autres questions liées à la liberté syndicale ou encore à l'amélioration des systèmes sociaux (réforme des retraites, par exemple) ne sont pas moins essentielles. Elles conditionnent même, parfois, les acquis que peuvent obtenir les travailleurs. Abderrahmane Azzouzi insiste par exemple sur la nécessité de ratifier la convention 87 de l'Organisation internationale du travail (OIT) sur la liberté syndicale, et va même jusqu'à suggérer de «criminaliser» les entreprises ou les chefs d'entreprises qui s'opposent ou créent des difficultés à l'exercice de l'activité syndicale. Pour certains syndicats, la multiplication des conflits collectifs de travail observés depuis un an, en particulier, est d'ailleurs à mettre, au moins en partie, sur le compte de la faiblesse de la syndicalisation du monde du travail (7% à 8% dans le meilleur des cas) ; et aussi, selon la FDT et l'UMT, de l'éparpillement de la scène syndicale. Pour cette raison même, les centrales, hormis l'UMT, sont favorables à la promulgation des lois sur les syndicats et sur la grève. «Si notre activité est aujourd'hui parasitée par des grèves parfois décrétées dans la précipitation, c'est précisément parce qu'elle n'est pas encadrée par des textes», commente le SG de la FDT. Les revendications actuelles ne sont pas que d'ordre matériel Le dialogue social qui s'ouvre devrait d'ailleurs aborder cette recrudescence de la conflictualité qui intervient alors même que le nouvel Exécutif est encore…en phase de rodage. Pourtant, le round qui a été couronné par l'accord du 26 avril 2011, a donné lieu à une belle moisson pour les salariés. En termes d'impact financier, l'application des mesures décidées dans cet accord se sont traduites par l'injection de plus de 13 milliards de DH par l'Etat dans l'amélioration des salaires et, plus généralement, des revenus, tous secteurs confondus. Dans la fonction publique, c'est 8,7 milliards de DH avec l'augmentation des rémunérations de 600 DH nets. Et ceci sans tenir compte de l'impact du relèvement du quota des promotions de 28 à 30% à partir de janvier 2011 et de 30 à 33% à compter de janvier 2012. Cela apparaît d'ailleurs dans le niveau de la masse salariale qui a atteint 88,2 milliards de DH en 2011 et qui sera de 93,5 milliards de DH cette année. C'est, de loin, la plus grosse enveloppe dans le budget général. Bien sûr, l'amélioration des recettes de la TVA, entre autres, permet de récupérer une partie de cette masse salariale, mais en attendant il faut les débourser… Dans le secteur privé, l'augmentation du SMIG devait se traduire par un «coût» salarial supplémentaire de 2,2 milliards de DH nets. Ceci sans parler du relèvement de la pension minimale de retraite de 600 DH à 1 000 DH et qui a bénéficié à 111 400 personnes, générant une charge additionnelle de l'ordre de 300 MDH par an. On peut ajouter le règlement du dossier d'environ 2 000 salariés de l'ancienne Régie autonome des transports de Casablanca (RATC), avec une prise en charge, cette fois par le Budget de l'Etat, du coût de l'opération qui s'élève à 117,4 MDH. Ces améliorations font suite à d'autres intervenues quasiment chaque année depuis 2007. Selon une estimation du gouvernement précédent, le «coût» du dialogue social entre 2007 et 2011 s'est élevé à 33 milliards de DH, en augmentation de 30% par rapport à celui des deux précédentes législatures (1997-2007). En réalité, il faudrait inscrire ce coût dans la période allant de 2008, au moment de la prise de fonction du gouvernement El Fassi, et 2011, date de son départ, soit moins d'une législature. Il y eut, rappelons-le, la baisse du taux marginal de l'impôt sur le revenu de 42 à 40% en janvier 2009 et de 40 à 38% à partir de janvier 2010 ; l'élargissement des tranches et la réduction de l'impôt sur les tranches intermédiaires (de 6 à 14 points) ; le relèvement de la base imposable de 24 000 DH à 30 000 DH, ce qui a généré une exonération de l'impôt sur le revenu pour 500 000 salariés et 95% des retraités ; l'augmentation de l'abattement pour frais professionnels de 17 à 20% ; la hausse des allocations familiales de 160 à 200 DH par mois et par enfant à charge ; l'augmentation des salaires des fonctionnaires classés dans les échelles 1 à 9 d'un montant variant de 300 DH à 460 DH par mois et des fonctionnaires classés dans l'échelle 10 et au delà d'au moins 1 100 DH… Au total entre privé et public le coût du dialogue social en 4 ans (2008-2011) s'est élevé à plus de 35 milliards de DH. Au vu de ce bilan, d'aucuns, y compris dans les milieux syndicaux, s'interrogent sur les raisons de l'amplification des mouvements de grève actuellement. Il faut juste rappeler que les revendications ne sont pas toujours d'ordre matériel et préciser que toutes les centrales syndicales, surtout les plus importantes, ne participent pas aux mouvements de protestation à tous les coups. La relance du dialogue social permettra-t-elle d'apaiser les tensions, de calmer les esprits ?