20 milliards de DH de ressources bancaires bloqués chez Bank Al-Maghrib au titre de la réserve obligatoire et rémunérées à 0,75% seulement. Certains banquiers préconisent une nouvelle baisse ou la suspension de la réserve monétaire, en raison du déficit de trésorerie des banques. La réserve monétaire obligatoire, qui immobilise plus de vingt milliards de DH de ressources bancaires auprès de la Banque centrale, est-elle un dogme ? Le Maroc peut-il s'en passer ? Quel est le risque pour le système bancaire ? Ces questions se posent actuellement avec acuité tant le déficit de liquidités des banques est devenu colossal. D'un peu moins de 5 milliards de DH au dernier trimestre de 2010, à 15,6 milliards au premier trimestre 2011, puis 21,6 milliards au deuxième trimestre, l'insuffisance de trésorerie des banques a en effet atteint quelque 30 milliards de DH à fin septembre dernier. Et ceci malgré la baisse du taux de la réserve monétaire de 8% à 6% de leurs dépôts bancaires en avril 2010 et, depuis avril 2011, l'exclusion des comptes sur carnet de l'assiette de calcul de ladite réserve, laquelle exclusion si elle a permis de «libérer» 4,7 milliards de DH pour les besoins de prêts des banques, a eu un effet très limité. Face à ce déficit de trésorerie, Bank Al-Maghrib (BAM) a augmenté ses injections de liquidités au moyen des avances à 7 jours : elles tournent actuellement autour de 30 milliards de DH par semaine. Mais cela n'empêche pas, par moment, le coût de l'argent sur le marché interbancaire de grimper au delà du niveau du taux directeur (3,25%). De fait, il lui arrive souvent de dépasser le seuil de 3,30%, voire 3,40%, ce qui signifie un coût de refinancement plus élevé pour les banques qui recourent à ce marché. Certes, les taux d'intérêt moyens appliqués aux crédits bancaires sont restés à peu près stables malgré les tensions sur les liquidités : environ 6,20% depuis le dernier trimestre de 2010. Mais cela n'empêche que l'on s'interroge sur l'intérêt qu'il y aurait à maintenir à son niveau actuel le taux de la réserve monétaire, du moment que les banques sont en situation de sous-liquidité. N'est-ce pas en réaction aux besoins, de plus en plus amplifiés, de liquidités des banques que BAM a entamé en 2007 la révision à la baisse du ratio de la réserve monétaire ? Les professionnels de la finance ont des avis divergents sur le sujet. «Vu la situation actuelle des besoins de liquidités, il serait intéressant de réduire ou, pourquoi pas, de suspendre la réserve monétaire et, du coup, libérer près de 20 milliards de DH au système bancaire», espère un banquier de la place. Celui-ci explique en outre que les banques empruntent à BAM à 3,25 % alors que leurs dépôts au titre de la réserve monétaire ne sont rémunérés qu'à hauteur de 0,75 %. Un autre haut cadre bancaire pense, lui, que le maintien de la réserve monétaire «demeure nécessaire pour dynamiser le marché interbancaire en faveur des investisseurs. Cela dit, on peut tout à fait imaginer que la réserve monétaire soit de nouveau abaissée. A mon avis, son montant, qui est actuellement de l'ordre de 20 milliards de DH, ne devrait pas dépasser 10 à 15 milliards de DH, soit un taux de 3 à 4 %». Les liquidités réinjectées seraient rapidement absorbées par le développement du crédit Contrairement à ce que pensent beaucoup, la réserve monétaire obligatoire n'est pas un matelas de sécurité contre la défaillance des banques (voir encadré), mais exclusivement un instrument de politique monétaire dont se servent les banques centrales de plusieurs pays, pour atteindre l'objectif numéro un qu'elles poursuivent à peu près toutes, à savoir la maîtrise de l'inflation. Dans la zone euro, la réserve obligatoire est de 2% des dépôts à vue et des dépôts à terme d'une durée inférieure ou égale à deux ans. Elle est rémunérée à 1,5%. En Chine, la réserve monétaire, déjà très élevée (environ 20%), a été réduite quatre fois en 2008 pour faire face à la crise, avant d'être légèrement relevée pour atteindre depuis juin de cette année 21,5%. Bank Al-Maghrib a, pour sa part, abaissé à plusieurs reprises le niveau de la réserve monétaire (voir graphe) en réaction au déficit de trésorerie des banques. Peut-elle faire davantage pour «oxygéner» le système bancaire, qu'elle irrigue, par ailleurs, par ses avances à 7 jours ? «Les insuffisances de liquidités bancaires, à mon avis, sont moins liées au niveau actuel du taux de la réserve qu'aux déséquilibres structurels du financement de l'économie», tranche Abderrahmane Ouali, spécialiste de l'économie monétaire. Et ces déséquilibres, précise-t-il, s'appellent épargne limitée des ménages alors que leurs besoins en crédits de consommation sont de plus en plus importants ; structure financière des entreprises insuffisamment capitalisées ; allongement des délais de paiement ; épargne «stockée» dans les placements immobiliers et spéculatifs ; baisse des taux de progression du volume des devises traitées par les banques ; et enfin besoin de financement important du Trésor dont on sait qu'il se finance essentiellement sur le marché intérieur. A partir de là, Abderrahmane Ouali considère que «tout déblocage de la réserve monétaire se traduira en création monétaire par le biais de l'effet multiplicateur du crédit. Très rapidement, le montant de la réserve monétaire sera absorbé par le développement du crédit et les problèmes de liquidités ressurgiront de nouveau».