L'enquête du Haut Commissariat au plan (HCP) dévoilée le 10 janvier 2011 est révélatrice de l'ampleur de la violence subie par les femmes. Sur une population de 9,5 millions de femmes âgées de 18 à 64 ans, près de 6 millions ont subi un acte de violence durant les 12 mois précédant l'enquête (3,8 millions en milieu urbain et 2,2 millions en milieu rural). «La violence à l'égard des femmes est d'abord urbaine. Elle est, en particulier, le fait de jeunes, sa prévalence augmente avec la précarité socio-économique», avait déclaré Ahmed Lahlimi, Haut commissaire au plan. Cette enquête, la première du genre, a couvert l'ensemble du territoire national entre juin 2009 et janvier 2010. Elle a porté sur un échantillon de 8 300 femmes âgées de 18 à 65 ans et sur les actes de violence qu'elles ont dû subir au cours de l'année 2009. En examinant la prévalence des différentes formes de violence, l'enquête souligne qu'avec une prévalence de 35,3%, 3,4 millions de femmes ont subi un acte de violence physique depuis l'âge de 18 ans. Elles sont deux fois plus nombreuses en milieu urbain (2,2 millions) qu'en milieu rural (1,1 million). Phénomène mondial, souligne un rapport de l'UNICEF sur «la situation des enfants dans le monde en 2011», les filles sont plus touchées que les garçons par la violence. Pire, une violence acceptée et admise par les filles elles-mêmes. Ainsi, dit ce rapport, l'acceptation courante de la violence conjugale, considérée comme une caractéristique de la vie parmi tant d'autres, notamment par les jeunes femmes, est particulièrement préoccupante. Les données les plus récentes sur les ménages (2000 à 2009) indiquent que dans les pays en développement (à l'exception de la Chine), en moyenne, plus de 50% des adolescentes âgées de 15 à 19 ans trouvent normal qu'un mari frappe ou batte son épouse dans certaines conditions, par exemple si elle a brûlé le repas ou si elle refuse d'avoir des rapports sexuels. Le code pénal n'a pas besoin que d'une simple réforme, mais d'une refonte radicale, souligne «le Printemps de la dignité», une coalition de 22 associations créées pour la refonte de ce code. «Au sein de la coalition, nous l'avons étudié, analysé et décortiqué avec l'aide de juristes, nous avons trouvé sa philosophie conservatrice. Il n'y a pas de place pour les libertés individuelles, aucune référence à la protection contre la violence basée sur le genre. C'est plutôt le souci sécuritaire qui y prime de bout en bout, et les réformes qu'il a subies jusqu'à maintenant n'ont jamais mis en cause cette philosophie patriarcale», déplore Najat Razi, présidente de l'Association marocaine pour les droits de la femme (AMDF). Et parmi les articles stigmatisés, il y a les articles 494 et 496 du code pénal qui assimilent la femme à une mineure. «Est puni de l'emprisonnement de deux à cinq ans et d'une amende (…) quiconque par fraude, violence ou menaces, enlève une femme mariée, la détourne, la déplace ou la fait détourner ou déplacer des lieux où elle était placée par ceux de l'autorité ou à la direction desquels elle était soumise ou confiée», stipulent ces deux articles. Déjà en 2003, à l'occasion de la dernière réforme du code pénal, l'ADFM a appelé à la suppression pure et simple de ces articles en raison de leur caractère ouvertement discriminatoire et offensant. Ils n'auraient pas lieu d'être, s'insurge-t-on, car le même code sanctionne de peines criminelles «tout enlèvement de personne», quel que soit sont statut, selon l'article 436. Lire aussi Femmes : dix ans de lutte, des acquis, mais les mentalités ne suivent pas