La violence faite aux femmes est bien une réalité au Maroc. Près de 63% d'entre elles déclarent avoir subies un acte de violence, dans un passé récent. C'est une enquête du Haut Commissariat au Plan (HCP) qui révèle ces chiffres qui font froid dans le dos. Ces violences, de diverses formes, sont surtout constatées chez les jeunes, mais aussi dans le milieu urbain, et sont exacerbées par la vulnérabilité économique et sociale. Dans le royaume, 62,8% des femmes (soit 6 millions sur une population de 9,5 millions de femmes âgées de 18 à 64 ans), ont été victimes d'un acte de violence sous une forme ou une autre durant les douze mois précédant l'enquête. Ces formes de violences sont psychologiques, physiques, sexuelles et économiques. Les atteintes aux libertés individuelles et aux droits inscrits dans le code de la famille constituent d'autres formes de violence dont sont victimes de nombreuses Marocaines. Violence psychologique De toutes ces formes, la violence psychologique est la plus fréquente. Elle touche au moins 48% des femmes (soit 4,6 millions d'entre elles). Ces violences psychologiques se traduisent par l'isolement ou la domination exercée sur la femme «ainsi qu'à l'humilier ou à la mettre mal à l'aise», précise l'étude. 38% des femmes mariées en souffrent, ce qui représente au moins 2,6 millions d'entre elles. Les atteintes aux libertés individuelles sont la 2e forme de violence la plus répandue. 31% des femmes sont touchées, soit 3 millions de femmes. La violence liée à une non-application de la loi aurait été vécue par 17,3% (1,2 millions) des femmes interrogées. Les violences physiques arrivent en 4e position, touchant 15,2% des femmes (1,4 millions) dont 1,9% (177 000) ont été gravement agressées (avec objet contondant, brûlures). Au même moment, 8,7% de femmes ont été victimes de violences sexuelles (827 000) dont 38 000 de viol (0,4%). La violence économique, elle, a été exercée sur 181 000 femmes. Celle-ci se traduit par le fait de «nier à une femme le droit d'accéder aux ressources et d'en avoir la libre disposition». De la maison au boulot Ces formes de violences ont lieu dans presque tous les cadres de vie. Du contexte conjugal au milieu professionnel, en passant par les établissements d'enseignement, les femmes sont malmenées partout. Le taux de prévalence chez les femmes mariées est ainsi de 55%. 47,4% des femmes vivant dans un cadre extra-conjugal auraient subies des violences. Dans les lieux publics, ce pourcentage est de 32,9%, et 24,2% des femmes se trouvant dans les lieux publics risqueraient des violences. Dans le milieu professionnel, le taux est de 16%, et 13,5% des femmes vivant en milieu familial seraient touchées. Cliquez ici pour consulter les résultats de l'enquête sur les violences faites aux femmes. Une violence urbaine, jeune, touchant les défavorisées L'« Enquête Nationale sur la Prévalence de la Violence à l'Egard des Femmes » a été réalisée de juin 2009 à janvier 2010 sur un échantillon de 8300 femmes âgées de 18 à 65 ans. Elle fait ressortir trois phénomènes surprenants et non moins inquiétants. Premièrement, la violence à l'égard des femmes est urbaine. En effet, c'est dans les villes que celles-ci sont le plus tourmentées. Le risque pour une femme mariée d'être violentée est 12,7% plus élevé en milieu urbain que dans le monde rural. Cette différence est plus accentuée encore - 35,4%, plus d'un tiers de plus ! - concernant les violences sexuelles. Elle s'amoindrit concernant les violences psychologiques; les citadines en subissent en moyenne 7,8% de plus que les femmes rurales. Les atteintes aux libertés individuelles ne font pas la distinction entre entre femme urbaine et rurale. Elles sont toutes victimes. Deuxièmement, la violence touche essentiellement les jeunes. Et ce, « tant en termes de victimes qu'en termes d'agresseurs ». Dans le cadre conjugal comme dans les violences sexuelles, les jeunes se distinguent tristement. Ils sont aussi auteurs de 6 cas sur 10 agressions physiques dans les lieux publics. Pour Ahmed Lahlimi Alami, Haut Commissaire au Plan, cette réalité est « révélatrice de l'état de crise identitaire que connaît la jeunesse marocaine au stade actuel de la transition économique et sociétale » que traverse le pays. Troisièmement, il a été constaté que « la violence augmente avec la vulnérabilité économique et sociale. Ainsi, les femmes divorcées sont 3 fois plus violentées que les célibataires. Celles au chômage connaissent un taux de violence de 140% supérieur à celui constaté chez les femmes actives.