L'épaisseur des tranches varie ; des baisses de taux allant de 1 à 3% sur toutes les tranches. Les abattements pour frais professionnels passent de 17 à 34%. Des gains pouvant aller jusqu'à 1 900 DH nets par mois pour un salaire de 30 000 DH. La masse salariale publique, bien qu'en hausse, est stabilisée. Excellente nouvelle pour les salariés: la réforme de l'impôt sur le revenu (IR), consacrée dans le projet de Loi de finances 2009, se traduira par une injection de quelque 5 milliards de dirhams dans l'amélioration des revenus. L'effort est colossal et il profitera à toutes les catégories de salariés. Les entreprises également y trouveront pleinement leur compte puisque, en toute logique, elles pourront plus facilement se doter en ressources humaines, et de qualité, dans la mesure où les charges fiscales seront désormais réduites. Cette réforme de l'IR – et ce n'est pas fini puisqu'un «second tour», si l'on peut dire, aura bien lieu en 2010 – qui se traduira par la refonte des tranches et la baisse des taux de chacune de ces tranches, vise en fait à préserver ou plus exactement à soulager la classe moyenne, saignée par des hausses de prix incessantes, alors même qu'elle constitue la pierre angulaire de toute société. Ainsi, grâce à cette nouvelle structure de l'IR, et comme le montre le tableau du nouveau barème ci-dessus, un salarié peut se situer à un niveau de revenu supérieur et se voir appliquer un taux bas. Exemple : pour un salaire mensuel brut variant entre 4160 DH et 5 000 DH, le taux maximal de l'IR sera désormais de 34%. En fait, pour ce cas de figure, dans le barème actuel, les revenus compris entre 45 000 et 60 000 DH étaient taxés à raison de 35%. Dans le barème prévu, la tranche se situera entre 50000 et 60 000 DH et sera taxée à 34%.Tout aussi important est le relèvement de la tranche exonérée de 24000 à 27 000 DH annuels, la baisse de 3 points sur la tranche suivante, aujourd'hui taxée à 15% et qui s'élargit à 13 000 DH au lieu de 6 000, ou encore le taux maximal qui passe de 42% à 40%, sachant que le niveau de taxation ne commence qu'à partir d'un revenu annuel (brut imposable) de 150000 DH au lieu de 120 000 auparavant. Au total, donc, des baisses, selon les tranches, comprises entre 1et 3 points, et des relèvement de seuil de tranche significatifs. Selon les simulations faites par La Vie éco, en prenant des hypothèses de cotisations salariales réalistes (Amo + CIMR), le gain mensuel net, pour un salarié percevant aujourd'hui 5 000 DH, sera environ de 511 DH. Pour un revenu net actuel de 15 000 DH, il sera de 1363 DH, et pour un revenu de 30 000 DH, c'est pratiquement 1 900 DH qui s'ajouteront à la fiche de paie (voir simulations en page suivante). Gageons – tout en espérant nous tromper – que des entreprises seront tentées de réduire l'enveloppe des augmentations qu'elles avaient prévues (ou sont en train de prévoir) pour 2009. Le gain sera encore plus important avec la hausse décidée des déductions pour charges familiales et surtout de l'abattement des frais professionnels qui passe de 17 à 34%. Pour rester sur l'exemple ci-dessus cité, le taux de 34% ne sera prélevé que sur la partie du salaire restant après déduction des frais professionnels et des charges familiales. Au total, il faut le reconnaître, c'est là une énorme baisse de charge fiscale que l'Etat concède aux salariés, et, du même coup, à l'entreprise. Beaucoup de chefs d'entreprise, on s'en souvient, avaient estimé, lors du débat sur le Budget 2008, il y a un an, que la vraie réforme à entreprendre était celle de l'impôt sur le revenu. Le budget d'investissement passe à 44 milliards de DH Pour autant, et s'agissant de l'administration, du moins, la part salariale dans le PIB n'a pas crû : bien qu'augmentant de quelque 10 milliards de dirhams, à 75 milliards de dirhams, elle représente, comme en 2008, 10,3% du PIB. D'aucuns seront tentés d'en déduire qu'en redonnant du pouvoir d'achat aux salariés, via le renoncement à une partie des recettes fiscales, le gouvernement n'aura d'autre choix que de comprimer le budget d'investissement. Il n'en est rien. C'est même le contraire qui est vrai : malgré cette importante réforme de l'IR, le budget d'investissement pour 2009 sera augmenté de 24 % à 44 milliards de dirhams. C'est un bond considérable ! Pendant longtemps, le budget d'investissement tournait autour de 20 milliards de dirhams. Ces deux ou trois dernières années, il est passé successivement à 26 milliards puis à 36 milliards (en 2008). Et ce n'est pas tout : en y intégrant l'investissement public (entreprises et établissements publics), le total des crédits d'investissement se monte à 115 milliards de dirhams, soit une augmentation de 10 milliards de dirhams par rapport à 2008. Autre nouvelle concernant la Loi de finances, les dépenses de matériel, elles, ont augmenté de 50%, mais l'essentiel va à l'Education nationale, dont le budget, toutes rubriques confondues (salaires, investissements et matériels) atteint 46 milliards de dirhams. L'effort est considérable : si on met de côté les salaires, le budget de l'Education en investissement et matériel va doubler en 2009. Un chiffre pour prendre la mesure de l'importance accordée à ce secteur : 46 milliards de dirhams devraient aller à ce secteur l'année prochaine, soit plus du tiers du Budget normal de l'Etat. Mais ce chiffre est aussi à rapprocher de celui de la compensation : 100 millions de dirhams sont chaque jour «distribués » sous forme de subventions à certains produits : gaz butane, farine, sucre, carburants. Pour 2009, d'ailleurs, l'enveloppe dédiée aux charges de compensation se monte à 40 milliards de dirhams en comptant les arriérés de 2008. On le voit, la réforme de la compensation est urgente, mais elle n'est pas pour demain ! Le gouvernement a bien envoyé récemment, au Brésil et en Indonésie notamment, des fonctionnaires pour s'imprégner des expériences – réussies semble-t-il – menées par ces pays. Mais, chaque pays est un cas à part, et ce qui est valable ici ne l'est pas forcément là, en tout cas pas de la même manière, ni avec la même ampleur. C'est du moins l'explication officielle souvent avancée à propos de la lenteur qui caractérise cette réforme, tant annoncée et souhaitée. Un logement pour la classe moyenne entre 600 000 et 700 000 DH Toujours sur le front social, le gouvernement ambitionne, à travers ce projet de Loi de finances pour 2009, de compléter son soutien à la classe moyenne par la mise en place, dans le domaine de l'habitat, d'un nouveau produit qui lui soit spécifiquement dédié. «Nous réfléchissons à un type de logement pour la classe moyenne dont la valeur se situerait entre 600 000 et 700000 DH, et dans lequel l'Etat s'impliquerait sous forme de garantie des crédits», révèle une source gouvernementale. Ce sont là les mesures-phares du Budget 2009. «C'est un budget à forte coloration sociale, mais le social est appréhendé dans une approche économique», analyse un ministre. Revaloriser les revenus, c'est en effet encourager la consommation, une des variables principales de la croissance au Maroc. Le plan de relance de l'Education nationale peut tout aussi bien être lu comme une action sociale (généralisation de l'enseignement, amélioration des conditions de vie du personnel enseignant, etc.) qu'économique : la connaissance et le savoir étant désormais les vrais fondements de la croissance et, au-delà, du développement. Pour le reste, il semble bien que la réforme de la TVA soit repoussée à plus tard, du moins au moment où ces lignes sont écrites. «Vous comprenez bien que, avec tout le manque à gagner pour le Trésor que va générer la réforme de l'impôt sur le revenu, on ne va pas encore renoncer à une partie des recettes de TVA. La hausse du niveau de l'investissement, cette réforme même de l'IR, etc., il faut bien les financer. Cela étant, la réforme de la TVA n'est pas définitivement enterrée, elle sera remise sur la table lors des discussions des prochaines Lois de finances», confie un proche de la Primature. En revanche, et comme nous le signalions dans notre précédente édition, il n'est pas exclu que certains produits et services, actuellement exonérés de TVA ou bénéficiant d'abattement de TVA, puissent être taxés ou voir leur taux augmenter. La discussion sur ce sujet fut, semble-t-il, assez animée lors de la rencontre entre le ministre de l'économie et des finances, Salah Eddine Mezouar, et la majorité gouvernementale, la semaine dernière. Certains membres de la majorité ne souhaitent pas, en effet, annoncer à leurs élus des hausses de TVA ou des taxations nouvelles, même si, au fond, ils savent que la généreuse réforme de l'impôt sur le revenu pourrait bien avoir cette contrepartie-là. Il faut le redire, la réforme fiscale projetée et même amorcée depuis les Assises du même nom, s'oriente tranquillement dans cette direction : supprimer progressivement et à chaque fois que c'est possible, la fiscalité dérogatoire, en particulier en matière d'impôts indirects, et redonner une partie des recettes récupérées sous forme d'allègement des charges sur le capital (à travers l'IS) et le travail (à travers l'IR). «Même du point de vue de l'équité sociale, il est plus juste de baisser l'impôt sur le revenu et donc d'imposer en fonction de la capacité contributive de chacun, que de détaxer par exemple un produit qui est consommé par tous, pauvres et riches», analyse un fiscaliste. En tout cas, c'est cette architecture fiscale que l'on retrouve dans les pays développés, et les institutions financières internationales (dont on sait désormais qu'elles sont loin d'avoir la science infuse), comme l'Union européenne, d'ailleurs, pressent le Maroc, depuis un certain temps déjà, d'activer cette réforme. Faut-il en déduire que ce qui sera donné d'une main (la réforme de l'IR) sera repris d'une autre (la hausse de la TVA pour certains produits et services) ? Pas vraiment ! La réforme de l'IR est trop importante pour être neutralisée par un éventuel réajustement des taux de TVA..