Ces compagnies spécialisées dans le transport de voyageurs traitent 3 à 4 sinistres par an. Elles dénoncent le système d'octroi du permis de conduire et les agréments. Les accidents de la route, une véritable hécatombe. Le mot prend tout son sens du côté des assureurs qui subissent les dommages collatéraux. Et comme la recrudescence est le fait en grande partie du transport public de voyageurs (TPV), deux compagnies spécialisées dans l'assurance de ce secteur sont affectées de manière frontale: la CAT (Compagnie d'assurance du transport) et la Matu (Mutuelle d'assurance des transporteurs unis) dont les responsables s'inquiètent de l'aggravation de la sinistralité. Les deux compagnies traitent, en effet, trois à quatre gros sinistres par an sachant qu'un sinistre peut coûter 8 à 15 millions de DH à la compagnie. Un sinistre coûte entre 8 et 15 MDH Quand on ajoute à cela les autres sinistres courants, on imagine les difficultés des deux compagnies qui doivent aussi faire face à la réassurance dont le coût a doublé ces trois dernières années. «La fréquence des accidents et l'augmentation du coût moyen des sinistres reflètent l'échec de la politique menée par les pouvoirs publics dans le domaine de la prévention. Il faut souligner que la responsabilité est partagée, sachant que les assureurs qui aujourd'hui se préoccupent davantage du côté indemnitaire de l'assurance doivent aussi jouer un rôle de prévention», expliquent les responsables de la Matu. Pour l'instant, précisent-ils, «les compagnies ne peuvent pas jouer ce rôle car elles ne siègent pas au Comité national de prévention». Dans tous les cas, les assureurs considèrent que la prévention doit être adaptée aux spécificités marocaines et doit se faire en amont et en aval pour avoir un résultat probant, ce qui amène les assureurs à suggérer une «réforme des mécanismes de contrôle, notamment les centres techniques de contrôle, dans le sens d'une plus grande efficacité». En attendant, certains assureurs, comme la Matu, ont initié des rencontres régionales pour sensibiliser les transporteurs à la sécurité et au contrôle. «Un énorme travail doit être fait pour aboutir à un véritable changement des mentalités», commente un assureur. Au-delà des raisons officielles, état des routes et état des véhicules, souvent avancées pour justifier les accidents de la route, les deux assureurs (CAT et MATU) évoquent d'autres causes et jettent la pierre aux pouvoirs publics. Ils pointent du doigt, en premier lieu, le système d'octroi du permis. «Une action prioritaire doit être menée dans ce cadre pour réformer le système dans le sens d'une plus grande rigueur. Aujourd'hui, selon les données disponibles, 90 % des accidents de la route sont le fait de personnes donc des chauffeurs», explique un responsable de la CAT. Même son de cloche du côté de la Matu dont les responsables appellent à la révision des modalités d'octroi du permis afin d'y introduire plus de rigueur. 90 % des accidents sont dus à des causes humaines Les deux assureurs demandent d'abord une plus grande exigence au niveau de l'examen. «Pourquoi n'y aurait-il pas la même rigueur que pour la formation des pilotes car il y a six fois plus de probabilités d'accidents sur la route que dans l'air», s'interroge un assureur. Formation, tests psychotechniques et moralité des chauffeurs sont autant d'éléments à prendre en considération par les centres d'examen. La rigueur aura inévitablement un impact positif sur l'évolution de la sinistralité et évitera des accidents mortels. Dans ce cadre, et selon la rumeur circulant dans le milieu des assurances, le dernier accident survenu à Berrechid aurait été causé par un autocar conduit non pas par le chauffeur mais par le graisseur ! Information que nous n'avons pu vérifier auprès du ministère des transports. Autre système remis en cause, celui des agréments. Selon les assureurs, il constitue «une cause occulte de la sinistralité car les interventions et la corruption qui caractérisent ce système empêchent tout contrôle et toute mesure de prévention en direction des autocars et des grands taxis. En un mot, le système des agréments protège la mauvaise gestion et la mauvaise conduite des chauffeurs !». D'après les informations communiquées par la CAT et la MATU, la majorité des accidents sont le fait d'autocars appartenant à des personnes. D'ailleurs, 90 % du parc du transport voyageurs appartiennent à des individus et non à des sociétés. Rares donc sont les entreprises structurées qui ont une taille critique leur permettant de supporter les frais d'exploitation, l'embauche d'un personnel qualifié et l'entretien du parc. Sur les 2 058 entreprises existant dans le transport des personnes, 0,6% seulement comptent plus de 10 autocars. Du fait que «les revenus sont partagés entre le propriétaire de l'agrément, le chauffeur et le propriétaire du véhicule, l'agrément donne lieu à une véritable course aux gains et augmente les risques d'accidents», estime-t-on à la Matu. Pour mettre fin à ces dysfonctionnements, peut-être faudrait-il remettre sur le tapis la réforme de l'octroi des agréments ? Un projet de réforme, rappelons-le, avait été élaboré, il y a quatre ans, mais n'a malheureusement pas pu voir le jour en raison du lobbying intense des intéressés. Aujourd'hui, vu la recrudescence des accidents, aura-t-il plus de chance d'aboutir ? Les assureurs sont très peu optimistes eu égard au fait que «le lobbying est toujours très important». Ils considèrent que les pouvoirs publics doivent prendre des mesures courageuses mais s'interrogent sur leurs capacités à agir librement en raison des intérêts en jeu. Focus Le transport routier en chiffres Près de 2 058 entreprises opèrent dans le transport public des voyageurs et seulement 0,6% d'entre elles ont un parc de 10 autocars et plus. Le secteur des transports, marchandises et voyageurs, est dominé par les petites entreprises individuelles. Il compte 6 000 entreprises, emploie 278 800 personnes et représente 6% du PIB. Le transport routier intérieur assure 90% du transport des voyageurs et 75% du trafic des marchandises n