Copropriétaires de la marque «Al Basma», ils sont pris à partie par leurs concurrents. De leur côté les deux leaders estent en justice pour plagiat. Les petites entreprises productrices de mousse pour matelas sont en difficulté. Sur les vingt producteurs existants, cinq entreprises ont fermé, notamment dans les villes de Fès, Marrakech et Tiznit. Les autres unités, raconte Mohamed Benmoussa, directeur général de Frach, «tiennent encore le coup», même si certaines d'entre elles ont de grosses difficultés. Que se passe-t-il dans ce secteur et comment en est-on arrivé là ? Pourquoi les petits mousseurs, qui constituent 40% du marché de la mousse, ferment-ils les uns après les autres ? Répondant à cette double interrogation, le responsable de la société Frach, qui ne mâche pas ses mots, tient pour seuls responsables de cette situation les deux grands du secteur, à savoir Richbond et Dolidol, détenant chacun 30% de parts de marché. Les deux producteurs sont ainsi accusés d'entente sur les prix qui leur permet de contrôler le marché. «Il s'agit d'un véritable monopole du secteur qui porte préjudice aux autres sociétés qui ont aujourd'hui du mal à tirer leur épingle du jeu», dénonce M.Benmoussa. Il accuse les deux opérateurs de plusieurs pratiques déloyales : entente sur la répartition géographique des clients, vente conditionnée mutuelle pour faire pression sur les clients, augmentations de prix concertées… Il faut dire que l'enjeu est de taille : le secteur de la mousse est aujourd'hui estimé à 3 milliards de dirhams par an générés par des ventes atteignant un volume de 24 000 tonnes, et il enregistre une croissance à deux chiffres. Mais la goutte qui a fait déborder le vase, selon les petits producteurs, a été la campagne de communication destinée à sensibiliser la clientèle à l'utilisation de mousse portant le label «Al Basma». Les petits producteurs affirment avoir été outrés de voir ces messages mettre en garde le grand public contre l'utilisation d'autres mousses que celles portant le label Al Basma en barrant notamment d'autres sigles qui se trouvent être ceux des autres producteurs. Or, comme le rappelle Mohamed Benmoussa, «le label Al Basma a été justement créé par Richbond et Dolidol». Un autre chef d'entreprise, Mohamed Lahlou, DG de Flexolit, rejoint M. Benmoussa pour dénoncer ce qu'il qualifie de pratiques déloyales de Richbond et Dolidol. Pour lui, il est clair que «les pratiques monopolistiques des deux fabricants nuisent aux autres entreprises, notamment l'entente sur le prix et les achats groupés». Qu'en pensent les concernés. Chez Richbond, c'est à un autre son de cloche qu'on a droit. Pour le patron de la société, Karim Tazi, «si les petites entreprises ferment, c'est parce qu'il y a une guerre des prix et qu'elles n'ont pas pu répercuter les hausses du coût des matières premières intervenues suite à la flambée du cours du pétrole». Quant aux accusations qui lui sont faites, M. Tazi les rejette toutes en précisant qu'«il ne peut y avoir d'entente, d'aucune nature, avec Dolidol. Et ceci, en raison de la guerre des prix qui nous oppose à ce concurrent». Richbond rejette les accusations en bloc Le patron de Richbond va plus loin en expliquant, à propos de la marque «Al Basma», que les deux leaders du marché ont procédé à la création d'un groupement d'intérêt économique (GIE), qui permet aux deux entreprises de faire des achats groupés ou de promouvoir le label «Al Basma». Le patron de Richbond estime qu'aucune loi n'interdit une telle chose et que sa mise en place visait une seule finalité : la préservation des normes de fabrication et la promotion d'une marque. Pour lui, la création du GIE en question a pour objectif de garantir un minimum de qualité dans le secteur de la mousse. «Les petites entreprises ne pouvant pas baisser le prix ont choisi de baisser la qualité de la mousse», argumente M. Tazi. D'où l'idée de Richbond et Dolidol de «lancer la campagne de communication Al Basma pour promouvoir et consolider le label de qualité». Laquelle campagne a été lancée, rappelle-t-il, par l'Association du confort et de la qualité du sommeil, regroupant les sociétés Richbond, Dolidol et Simmons. En revanche, comme nous le révèle le patron de Richbond, le GIE accuse aujourd'hui les petites entreprises de contrefaçon du label «Al Basma» et a même entamé une action en justice pour plagiat. «Elles ont choisi, pour leurs produits, des sigles légèrement différents d'«Al Basma», ce qui n'est pas normal car elles ont tout simplement plagié le label que nous avons choisi». Pour les responsables de Dolidol, les «accusations qui nous sont portées ne sont qu'une réaction à l'action en justice que nous avons intentée contre les petites entreprises». Ils précisent, par ailleurs, qu'«il n'y a pas de crise dans le secteur, et la seule fermeture qui a eu lieu est due à un conflit social et non à la concurrence des grands». Qui dit vrai ? En l'Etat actuel des choses, il est difficile pour La Vie éco d'accorder crédit à l'une ou l'autre des parties accusatrices, n'étant pas en possession des informations sur les intrants qui composent le coût de revient de la mousse, informations qui permettraient d'infirmer ou de confirmer d'éventuelles actions sur les prix, pas plus qu'elle ne dispose de preuves de la contrefaçon. En tout cas, les accusations mutuelles et les actions en justice laissent croire que l'affaire n'en est qu'à ses débuts. Et il n'est pas impossible que le dossier atterrisse sur le bureau du Conseil de la concurrence. Aux dires des petites entreprises, du moins, le recours à cette instance n'est pas à écarter.