Après l'investissement de Bouskoura, les travaux d'une nouvelle plateforme logistique seront lancés en 2019 à Kénitra. Le groupe est sur le point de se lancer dans le thé et la biscuiterie. Objectif : atteindre un chiffre d'affaires de 10 milliards de DH en 2025. Vous avez annoncé en juillet dernier un investissement de 100 MDH dans une nouvelle plateforme logistique à Bouskoura en vue de doubler vos capacités de stockage. Qu'est-ce qui justifie une telle augmentation de taille ? L'investissement dans cette plateforme a été décidé suite à un exercice de projection dans le futur. Dans le cadre de notre plan de développement, nous tablons sur un chiffre d'affaires à l'horizon 2020 de 5 milliards de DH (contre 2,8 milliards de DH à fin 2016), et ce, seulement avec nos clients actuels, en tenant compte de l'évolution de leur activité. Pour atteindre cet objectif, nos capacités de stockage, s'élevant actuellement à 25 000 positions palette, doivent être doublées. C'est ce qui a motivé l'investissement de Bouskoura. Nous nous sommes également projetés entre 2020 et 2025, et l'objectif est de doubler notre taille et ainsi parvenir à 10 milliards de DH de chiffre d'affaires. Pour cela, nous devons passer à un total de 70 000 positions palette. Il y aura donc un nouvel investissement dans une plateforme logistique en 2019, laquelle devrait être opérationnelle en 2021. Elle sera basée à Kénitra qui devient pour nous un centre nodal du réseau autoroutier marocain nous permettant de servir les zones du Nord et de l'Oriental. Nous attendons que les travaux de l'autoroute reliant la zone industrielle de Kénitra à l'autoroute Fès-Meknès soient achevés pour lancer ce projet. Un chiffre d'affaires de 5 milliards de DH en 2020 à périmètre commercial constant. Envisagez-vous des partenariats supplémentaires avec de nouveaux clients ? Effectivement, en plus de la croissance attendue de l'activité des clients existants, nous travaillons à développer de nouveaux partenariats. Il y a aujourd'hui deux grosses catégories de business sur lesquelles nous ne sommes pas encore positionnés : la biscuiterie et le thé. Pour ce dernier produit, nous venons de prendre une participation de 51% dans le capital d'une jeune start-up dénommée «Salman Tea» à travers laquelle nous nous lançons pour la première fois dans l'agro-industrie. Nous allons importer du thé en grains et en filament pour le conditionner au Maroc. Les machines viennent d'être commandées avec l'objectif de démarrer l'activité en novembre 2016. Ainsi, nous allons faire notre entrée sur un segment important du marché qui pèse 3 milliards de DH avec un objectif d'atteindre 5% à 15% de parts de marché sur les 3 à 4 années à venir. Et dans la biscuiterie ? Nous n'avons pas encore décidé du modèle à adopter (fabrication ou distribution simple). Nous y réfléchissons, nous attendons de voir les résultats de l'investissement dans le thé pour trancher. Par ailleurs, ce que propose le ministère de l'industrie, du commerce, de l'investissement et de l'économie numérique dans le cadre du Plan d'accélération industrielle me semble intéressant. Par conséquent, nous prendrons notre décision également en fonction des incitations que le ministère va accorder aux investisseurs. Votre plan de développement est ambitieux. Pouvez-vous nous raconter comment le groupe Dislog a grandi depuis sa création ? Dislog a été créée en 2004 en tant que distributeur de détail des produits P&G dans les zones rurales et semi-urbaines dans la partie nord du Royaume. En 2007, Dislog s'est transformée en groupe avec le rachat de Comunivers, une filiale de P&G, pour ainsi récupérer la distribution de détail dans le milieu urbain sur la partie nord du pays. A partir de 2008, les activités de cette filiale se sont étendues à la distribution de produits agroalimentaires, puis à la catégorie «non food», avant de s'attaquer à la distribution de gros et semi-gros et d'élargir le réseau de distribution de détail des produits P&G dans le nord du pays. Durant toute cette période et les années qui ont suivi, plusieurs opérations de croissance externe ont eu lieu. En effet, nous avons racheté Comptoir Services, une entreprise de transport, et Building Logistics qui porte nos plateformes de stockage, RQC qui s'occupe du merchandising et du marketing, et en 2015 le groupe UIG et ses filiales Avendis et Avaldis pour reprendre la distribution des produits P&G dans la partie sud du Royaume (hors distribution moderne). Pendant toutes ces années, nous avons également développé nos partenariats avec plusieurs multinationales et leaders nationaux, et lancé nos activités dans plusieurs pays africains. En somme, Dislog est devenu après 11 ans un conglomérat d'entreprises qui opère sur l'ensemble de la chaîne de valeur logistique, commerciale et marketing entre n'importe quelle usine de produits de grande consommation et le consommateur final. Nous avons disséqué cette chaîne de valeurs d'un point de vue stratégique et nous nous sommes dit qu'un produit, une fois sorti de l'usine, doit être transporté, stocké, distribué, merchandisé, customisé (promotions...), marketé... C'est pour cela que nous avons continué à investir dans cette chaîne de valeurs en nous diversifiant vers la communication et les médias. Un mot sur vos activités à l'international ? Dans la distribution, nous opérons en Mauritanie et plus tard au Mali et au Burkina Faso. Sur la partie communication et médias, nous opérons déjà en Algérie, en Tunisie et en Libye, mais aussi en Côte- d'Ivoire, et bientôt directement dans plusieurs autres pays subsahariens. Qui sont vos principaux partenaires aujourd'hui ? Cette taille à laquelle nous sommes arrivés et cette stratégie d'être un opérateur unique en Full Service Provider nous ont permis de signer des contrats de distribution exclusifs avec beaucoup de partenaires importants. Il s'agit, entre autres, de Procter & Gamble, British American Tobacco, Fater qui détient notamment la marque ACE, JDE (Samar, Gaouar et Jacobs), Mars (Mars, Twix, Snickers...), Kellogg's, Well, Duracell… Mais notre fierté c'est d'être aussi le distributeur des plus grandes marques marocaines, notamment Dari Couspate et Aicha. Avec ce portefeuille, nous sommes aujourd'hui à un chiffre d'affaires qui a progressé de manière significative, puisque sur l'ensemble du groupe, médias compris, nous avons atteint 2,8 milliards de DH, et nous allons dépasser la barre des 3 milliards en 2017. Dans la pratique, on le sait, un opérateur ne peut distribuer pour le compte de deux sociétés rivales. Est-ce que le marché est réparti de fait entre les grands distributeurs ? Chaque grande entreprise choisit son propre modèle de distribution. Si l'on prend par exemple P&G, elle avait un modèle qui reposait sur deux distributeurs au Maroc pour ensuite passer à un seul. Et c'est le Groupe Dislog qui a été choisi. Son concurrent qui est Unilever a une stratégie différente, à savoir travailler avec 16 distributeurs régionaux. D'autres comme Nestlé ont choisi un modèle avec 8 distributeurs régionaux. Dans le cas Nestlé par exemple, nous étions l'un de leurs distributeurs sur deux régions. Mais avec l'évolution de la stratégie de Dislog Group et sa volonté de devenir le distributeur unique d'un opérateur, nous leur avons dit qu'on peut accepter de diviser le Maroc en deux, mais pas plus. Nestlé a refusé en motivant sa décision par sa volonté de ne pas concentrer son business sur un ou deux distributeurs. Nous sommes donc partis chercher un autre opérateur et nous avons signé avec JDE, un concurrent de Nestlé qui a naturellement décidé d'arrêter de travailler avec nous et s'est consolidée avec Nestradis qui pèse aujourd'hui 50% de son business. Vous voyez, nous opérons dans un marché dynamique où il y a beaucoup de relations de business. Les chiffres sont gros, les marges sont petites et donc les enjeux sont importants. La concurrence est là, avec des opérateurs importants en termes de métier comme le Groupe Raji ou, en termes de taille, comme Stock Pralim et le Groupe Zine. Aujourd'hui, on se positionne à 4 comme les distributeurs qui font le marché. Parlons un peu plus en détail de votre business. Comment sont organisées vos relations avec vos partenaires ? En amont, nous avons un processus qui s'appelle le Joint Business Plan. Chaque année, nous nous réunissons avec nos partenaires pour faire le bilan des 12 derniers mois et adopter la vision et les objectifs pour les 12 prochains mois. Le Joint Business Plan se fait au niveau stratégique, c'est-à-dire entre présidents. Ensuite, il y a le quarterly business plan entre directeurs généraux qui élaborent le plan de travail du trimestre. Nous avons aussi le monthly business plan entre directeurs commerciaux, et enfin le daily business plan entre chefs de produits pour le day to day business. En aval, il faut savoir que tous les jours, nous avons 800 vendeurs sur le terrain, nous visitons près de 4 500 clients et éditons 3000 factures. Nos vendeurs sont équipés en informatique embarquée qui leur permet de prendre les commandes et d'imprimer une facture ; la commande est automatiquement transférée à l'entrepôt qui prépare la marchandise. Nous sommes donc sur un modèle de prévente où il y a prise de commande et livraison 24 heures plus tard. La facture moyenne est de 1 500 à 2 000 DH. Vous travaillez essentiellement avec les épiceries. Qu'en est-il de la grande distribution? Il y a 30 ans, les épiceries représentaient 100% du commerce. Aujourd'hui le circuit moderne est arrivé à 30% du business. Le Groupe Dislog a toujours travaillé exclusivement avec les épiceries et les grossistes. Mais dernièrement, nous avons étudié d'un point de vue stratégique l'importance de travailler avec le secteur moderne, notamment avec les enseignes les plus importantes du secteur. Depuis un an, nous avons donc investi la distribution moderne, et nous sommes devenus rapidement un acteur important puisque nous sommes déjà le sixième plus grand fournisseur des grandes surfaces avec plusieurs marques de nos partenaires comme Mars, Kellogg's, Delonghi, Fater, JDE... Donc avec des partenaires aux marques puissantes... C'est pour cela que nous sommes rapidement arrivés à la sixième place. Notre ambition c'est d'arriver à la première place d'ici 2020. Nous avons encore beaucoup de travail à faire mais l'ambition est là. Et c'est pour cela que nous investissons dans nos relations avec eux, sur le plan opérationnel certes (présence, visibilité...), mais aussi sur le plan conceptuel en leur apportant des solutions de partenariat win-win au niveau marketing et réflexion stratégique. Les industriels se plaignent souvent de leurs relations avec les grandes surfaces. Comment sont vos rapports ? Je pense qu'aujourd'hui le rapport de force entre nous et les grandes surfaces est équilibré, mais c'est surtout parce que nous avons une culture de coopération constructive. L'objectif est de construire avec la distribution moderne une relation win-win. Est-ce que vous assurez les mêmes prestations à tous vos partenaires ? Depuis notre démarrage, nous avons développé à la fois notre dimension géographique (rural, urbain, circuit moderne...), produit (food et non food) et métier (distribution, logistique, marketing...). Nous avons des partenaires qui nous sollicitent uniquement pour le transport, d'autres demandent seulement le merchandising dans les magasins, tandis que certains exigent toute la panoplie de nos services, du transport de la marchandise de l'usine jusqu'à l'achat de l'espace publicitaire, en passant par l'entreposage, la distribution, le merchandising, la customisation... Comment cela se traduit-il sur le plan financier ? La distribution (achat/vente) représente 90% de notre activité, et les prestations logistiques 10%. Ce qui veut dire que notre besoin en fonds de roulement est énorme et nécessite une gestion rigoureuse. Je peux vous dire que je consacre près de 80% de mon temps à gérer les finances du groupe et nos relations avec les banques. Ces dernières constituent aujourd'hui notre premier partenaire car c'est grâce à elles que Dislog a pu se développer. Elles nous ont fait confiance et ont cru en nos capacités entrepreneuriales et en le sérieux de notre gestion.