Leur présence épisodique sur le territoire et la valeur élevée de leurs biens font d'eux une cible idéale. Fraude documentaire et failles légales ont également aidé la mafia immobilière à faire main basse sur leurs biens Les retentissantes affaires de spoliation immobilière rapportées par les médias ces dernières années ont révélé l'existence d'une réelle mafia qui œuvre à s'approprier illégalement des biens fonciers. Une bonne partie des victimes se trouve être de la communauté juive marocaine, ce qui n'est pas le fruit du hasard. Selon les représentants de cette même communauté, «les juifs sont une proie facile du fait de leur présence épisodique sur le territoire marocain». En effet, depuis l'indépendance et le contexte tendu du fait de la guerre au Moyen-Orient, une grande partie des juifs marocains a choisi l'exil : France, Canada ou même Israël étant ses principales destinations. Mais cet exil n'a rien d'un déracinement. Bon nombre de biens dans les anciennes «villes françaises» sont toujours la propriété de juifs marocains. L'explosion des prix du foncier a induit l'émergence de groupes, «plus ou moins coordonnés et organisés», selon le ministère de la justice, et logiquement, des biens aussi valorisés et peu occupés ont été leurs premières cibles. La valeur des biens spoliés estimée à près de 500 MDH «Il paraît clair que les actes de spoliation immobilière dépassent le cadre individuel et atteignent le niveau du crime organisé impliquant plusieurs parties qui bénéficient de l'expertise et de l'aide d'intervenants dans le système judiciaire, professionnel et administratif», explique Mustapha Ramid, ministre de la justice, qui s'exprimait lors d'une rencontre organisée sur la problématique de la spoliation immobilière. Mais même si la prise de conscience est là, le champ d'action du ministère demeure restreint. «L'approche judiciaire seule reste insuffisante pour mettre un terme à ce phénomène en dépit de la sévérité des sanctions, ce qui impose la coordination entre tous les intervenants afin de trouver des solutions efficaces et urgentes pour préserver les droits d'autrui et renforcer la sécurité foncière», a-t-il ajouté. Avant la publication de la loi 18/00, imposant l'obligation de passage par un notaire pour toute transaction portant sur un bien immobilier, les contrats de vente étaient sous-seing privés, ce qui encourageait la fraude documentaire. Auprès de l'association des victimes des spoliations (vers laquelle se sont tournés beaucoup de juifs), plusieurs contrats de vente comportent de fausses identités, mais qui ont tout de même été inscrits auprès de la conservation, détournant ainsi les biens de leurs vrais propriétaires. Après l'adoption de la loi 18/00, l'une des plus grandes failles qui profitent aux spoliateurs se trouve désormais dans l'article 2 de la loi 39-08 portant Code des droits réels, et selon lequel «les annulations ou modifications ultérieures ou radiations du titre foncier ne peuvent être opposées ou préjudiciées aux tiers inscrits de bonne foi sauf si le titulaire du droit a subi un préjudice par suite d'une falsification ou faux et usage de faux, à condition toutefois qu'il ait porté plainte en vue de réclamer son droit dans un délai de quatre ans à compter de la date d'immatriculation objet de la demande d'annulation, modification ou radiation». Une disposition qui, selon les juristes, privilégie les droits de l'acheteur de bonne foi d'un bien spolié au détriment de son propriétaire d'origine. D'après l'association, près du tiers concerne des biens de juifs ayant été transférés lors de la période 1990/2000 sous fausse identité. De leur côté, les représentants de la communauté estiment la valeur des biens de juifs spoliés à près de 500 millions de DH. Ils y incluent également les biens contestés par voie de prénotation. Plusieurs recommandations pour lutter contre le phénomène Au terme de consultations menées par le ministère de la justice impliquant entre autres le fisc, la conservation foncière et plusieurs avocats et notaires, le département de Mustapha Ramid a livré dans un communiqué ses recommandations pour lutter contre la spoliation foncière et immobilière. Parmi ses grandes lignes : réviser la loi pour imposer l'obligation d'une procuration rédigée par un avocat et non plus par les administrations, permettre aux conservateurs d'arrêter toute procédure en cas de doute et renforcer le rôle du parquet. Ce dernier devra se constituer partie principale dans tout litige civil ayant trait au sujet, en procédant aux enquêtes nécessaires pour élucider d'éventuels cas de spoliation immobilière. Ce nouveau dispositif exigera de l'Agence nationale de la conservation foncière d'informatiser le système de mise à jour des transactions et de le mettre à la disposition des clients. Ainsi, un propriétaire ne sera plus obligé de se rendre à la Conservation foncière pour s'assurer que son bien immobilier lui appartient toujours. Le ministère de l'habitat a également choisi de prendre les devants en créant une cellule qui «aura pour mission de recevoir les plaintes des victimes d'escroquerie et de dysfonctionnements ayant abouti au pillage de leurs avoirs et de leurs biens immobiliers». Elle se chargera de classer les plaintes et d'assurer la coordination avec les parties concernées ainsi que leur suivi.