En réponse à la lettre royale sur le phénomène de la spoliation foncière, le ministre de la Justice et des Libertés, Mustapha Ramid, a tenu une rencontre le 17 janvier à Rabat, pour dévoiler le contenu de celle-ci et dans laquelle le Souverain somme le ministre de la Justice de réagir illico presto pour mettre un terme à ce dilemme. Il en ressort que les spoliateurs abusent des lacunes et des vides juridiques en la matière, notamment en ce qui concerne le droit des affaires dont le code des droits réels qui n'a toujours pas fait l'objet d'une traduction officielle. En effet, ce ne sont pas moins de 37 dossiers déférés, ces dernières années, devant les différentes juridictions du Royaume, selon le ministre de tutelle. Il s'agit de 25 dossiers en cours de traitement par les tribunaux de Tanger, Casablanca, Béni Mellal, Kénitra, Safi ..., et 4 affaires de spoliation sont en phase d'instruction, dont 16 devant la Chambre Criminelle et 5 ont fait l'objet d'un pourvoi en cassation. Pour le Premier président près la Cour de cassation, Mustapha Farès, les cas de spoliation recensés par les tribunaux sont plus nombreux. En fait, les efforts pour lutter contre ce phénomène souffrent d'une loi appropriée permettant de l'endiguer. Un constat qui risque de ternir la confiance des acteurs économiques, tout en portant atteinte à un droit constitutionnel en matière du droit de propriété, selon la lettre royale adressée au ministre de la Justice. Par ailleurs, ce phénomène risque d'affecter la trésorerie de l'Etat, tel que le cas, en 2015, lorsque la justice administrative avait condamné l'Agence nationale de la conservation foncière à verser 46 MDH en réparation du dommage causé à un groupe de propriétaires spoliés, dixit Mustapha Ramid. Le modus-operandi des spoliateurs Le mode de fonctionnement typique de ces criminels et leurs façons d'agir consistent en la falsification de procurations ou cartes d'identité, des testaments, avec le détournement d'héritage, qui permettent aux mafias du foncier de rétrocéder, au nom et à l'insu des vrais propriétaires, des biens immobiliers à d'éventuels acquéreurs. Les propriétaires victimes de ces escroqueries sont dans leur majorité des expatriés ou des MRE. Ces derniers sont repérés par une véritable mafia constituée d'organisations professionnelles et de complices à l'étranger. Ceux-ci maîtrisent les failles juridiques et administratives, en profitant de fonctionnaires véreux, qui, contre des sommes d'argent, accomplissent des délits frauduleux pour finaliser de telles opérations foncières. Selon Mustapha Farès, pour procéder auxdites spoliations, des énergumènes détiennent un maximum d'informations relatives à la situation juridique de certains biens, avec la complicité de certains notaires, conservateurs fonciers, ... Selon Me Zineb Laraqui, avocat au barreau de Marrakech : « Les fraudeurs accèdent au système informatique de la Conservation Foncière, repèrent les biens immobiliers dont les propriétaires sont probablement décédés, puis font des recherches sur l'existence d'héritiers ou non. Et ce, avec l'aide de complices, qui falsifient les pièces, car le système foncier est mal outillé contre ce genre de fraude ». Vers une réforme du Droit de propriété Le commun des mortels est assuré que la propriété immobilière est régie essentiellement par la loi n° 39-10 portant code des droits réels. Promulgué en 2011, ce texte a été très critiqué, car plusieurs de ses dispositions rendent facile la spoliation des biens immobiliers et fonciers. Et pour cause, les annulations ou modifications ultérieures ou radiations du titre foncier ne peuvent être opposées ou préjudicier aux tiers inscrits de bonne foi que si le titulaire du droit a subi un préjudice résultant d'une falsification ou faux et usage de faux, à condition toutefois qu'il ait porté plainte dans un délai de quatre ans à compter de la date d'immatriculation objet de la demande d'annulation, modification ou radiation. Ce qui se traduit par le fait que toute personne qui s'accapare un bien immobilier en falsifiant des documents, et donc les registres fonciers, ne sera pas inquiétée si la contestation faite par le véritable propriétaire survient hors le délai de 4 ans. Une aberration ! Est –ce qu'il revient à tout propriétaire dans un tel cas de spoliation de son bien de retirer périodiquement à la Conservation Foncière un certificat de propriété pour vérifier qu'il est encore propriétaire. C'est inconcevable et anticonstitutionnel !