La spoliation immobilière est un fléau qui continue d'impacter la vie de centaines de Marocains, installés dans le royaume ou à l'étranger. En effet, des propriétaires de maisons, de terrains et d'immeubles se voient voler leurs biens en toute impunité. Il y a à peu près un mois, l'émission «Faites entrer l'invité» de Radio 2M, en partenariat avec Yabiladi, avait pour thème la spoliation immobilière. L'épisode a connu un tel succès que la chaîne a reçu beaucoup de témoignages, suite à son relai en masse sur les réseaux sociaux. Cette semaine, l'émission hebdomadaire dédiée aux Marocains du monde a été consacrée au même thème, avec l'intervention de deux Marocains résidant à l'étranger, Brahim Abdeljalal, vivant à Nice, et Malika Vedrune, à Toulon, ainsi que Me Abdellatif Yagou, président de l'Ordre national des notaires et Stéphane Vabre, secrétaire général de l'Association pour le droit et la justice au Maroc (ADJM). Dans un premier temps, Fathia El Aouni rappelle que la loi sur la spoliation immobilière est dénoncée par tous et qu'elle «fait d'énormes dégâts chez les victimes, tout en protégeant les 'spolieurs'». Cette loi indique que le propriétaire doit se rendre au moins tous les quatre ans à la conservation foncière, pour s'assurer que son bien lui appartient toujours. De plus, «le transfert de propriété sur le titre foncier n'est attaquable qu'à deux conditions, continue la journaliste : Si le préjudice est causé par un dol ou un faux et le propriétaire a seulement quatre ans pour porter plainte, à partir de la date de l'inscription et non de la découverte du forfait». Mohamed Ezzouak, directeur de publication de Yabiladi, indique que «des centaines d'affaires de spoliation immobilière sont devant la justice. Certains avancent même que ce sont des milliers d'affaires, en justice, tandis que d'autres ne sont pas encore regroupées ou suivies par des associations». Parmi ces personnes spoliées, Brahim Abdeljalal, un septuagénaire MRE qui a décidé d'investir pendant les années 1980 dans un terrain à Casablanca. Après avoir inscrit et enregistré le dossier au sein de la Conservation foncière, il paye les impôts, jusqu'en 1998, où il se rend compte que le terrain ne lui appartient plus. En 2007, il voit un certificat de propriété avec un prête-nom. Le terrain est vendu grâce à une donation. Le septuagénaire doit payer les impôts concernant cette vente. Depuis, il se bat pour récupérer son terrain, où quelqu'un a construit une habitation et y demeure. Vigilance Malika Vedrune est une femme installée à Toulon. Sa famille et 52 autres détiennent un terrain agricole de plus de 1000 hectares à Azrou. L'affaire de spoliation dont elle parle dure depuis 60 ans. Elle la rappelle : «En 2011, on est assignés pour occupation illégale de 'nos' terres sur la base de faux actes 'adoulaires'. La mafia aurait acheté ces terres dans les années 1960. Curieusement, ils ne se sont jamais manifestés, jusqu'en 2011.» L'affaire est portée devant la justice, au tribunal de commerce de Meknès. Malika obtient gain de cause en 2011 et en 2013. «Ils ont fait appel avec d'autres éléments et on a appris que nos terres avaient été vendues en 2016. Depuis, il y a une intervention musclée des forces de l'ordre qui ont expulsé les gens sur le terrain. Certains se sont même retrouvés en prison. Les familles qui vivaient sur le terrain agricoles sont ruinées, sans travail et dans une situation très précaire», ajoute-t-elle. Abdellatif Yagou, président de l'Ordre national des notaires, indique sur les ondes de Radio 2M qu'«il faut être vigilant» et «s'entourer de conseillers dans le domaine» avant d'acheter ou d'investir au Maroc, puisqu'il y a des «mafias qui falsifient les cartes nationales ou les procurations pour les détourner de leurs objectifs». D'autre part il insiste sur le fait de faire la distinction entre l'immatriculation et l'inscription : «L'immatriculation est un acte administratif qui émane du conservateur, c'est un titre définitif et inattaquable.» Les affaires de spoliation immobilière sont très complexes et impliquent souvent plusieurs parties prenantes. Mohamed Ezzouak déclare que les réseaux qui sont à l'origine de ces affaires «ont des connexions et parviennent à falsifier des titres fonciers, via des faux en écriture, ou des fois à faire de faux actes de vente ou de donation devant des notaires, ou parfois par le biais de connexions avec des employés et des responsables de la conservation foncière». Quant à Stéphane Vabre, secrétaire général de l'ADJM, il tente de rassurer en précisant qu'«heureusement, il existe des professionnels de droit de tout ordre qui luttent contre ces méfaits». Ainsi, il veut garder son optimisme : «Les choses sont en train de bouger. Mais ce qu'il faut aujourd'hui, c'est de maintenir cette agrégation des volontés dans le sens de ce qu'avait exprimé Sa majesté le roi.» Pour écouter le replay :