Dans son avis sur «le foncier au Maroc», rendu public ce mercredi, le CESE souligne l'importance d'une réforme nécessaire de ce domaine et d'une transparence plus grande au niveau de l'information foncière. Il appelle aussi à l'amendement de l'article 2 du Code des droits réels, surnommé l'«article spoliateur». Saisi par le gouvernement sur le chantier de la réforme foncière au Maroc, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a rendu ce mercredi son avis sur cette question. Intitulée «Foncier au Maroc : un levier fondamental pour le développement durable et l'inclusion sociale», l'étude a été adopté, le 25 décembre dernier, lors de sa 105e session ordinaire du conseil d'Ahmed Reda Chami. Le document, consulté par Yabiladi, rappelle que «le foncier joue un rôle-clé dans le développement économique, la réduction des disparités spatiales et le renforcement de la justice sociale». Il souligne toutefois le «sentiment d'iniquité» qui s'est graduellement développé au sein de la population, à cause des «insuffisances qui caractérisent les règles consacrées par les textes législatifs et réglementaires censés protéger les droits fonciers». Le conseil propose ainsi, compte tenu de ses constats, «quatre orientations stratégiques englobant chacune une série de mesures à même de permettre une modernisation du dispositif global régissant le foncier tout en maintenant les équilibres qui le fondent», détaille le document. La première préconise «l'aménagement des espaces urbains libres de toute contrainte au développement, attractifs pour l'investissement productif et offrant des logements dignes et accessibles» et la deuxième suggère «une réforme progressive du statut des terres collectives». La troisième orientation propose la mise en place d'un cadre juridique régissant le secteur du foncier dans sa globalité, alors que la quatrième vise à «asseoir une gouvernance foncière efficace et efficiente dotée d'un cadre de gestion et d'instruments adaptés aux évolutions de la demande». Réviser l'article 2 de la Loi 39-08 et créer un fonds de garantie pour la spoliation Dans ses propositions, le CESE appelle à la consolidation et l'unification du cadre juridique régissant le foncier, proposant la création d'un «Code foncier» qui «comprendrait les règles communes à tous les statuts fonciers, ainsi que d'autres règles spécifiques applicables à certains types et statuts du foncier». Tout en appelant à moderniser le cadre juridique régissant les statuts fonciers, mettre en place une stratégie de convergence progressive de ces statuts, reformer le cadre régissant l'expropriation et réviser l'arsenal juridique régissant l'immatriculation, le CESE aborde le cas de la spoliation immobilière. L'avis appelle, à cet égard, à «renforcer les dispositions pour lutter contre la spoliation foncière». Le conseil propose de réviser l'article 2 du code des droits réels afin de protéger les intérêts des propriétaires et des acquéreurs de bonne foi. Cet article de la loi 39-08 portant code des droits réels oblige en effet les détenteurs de biens immatriculés à vérifier tous les quatre ans leur propriété auprès de la Conservation foncière, au risque de se la faire ravir par un spoliateur. Avocats, notaires, juristes avaient dénoncé son anti-constitutionnalité et appelé à sa radiation. L'avis suggère la création d'un «fonds de garantie qui servira à indemniser les propriétaires victimes des oppositions et inscriptions non fondées», en plaidant pour la définition des indemnisations au minimum égales aux valeurs des biens spoliés. L'avis reconnaît aussi que l'Agence nationale de la conservation foncière, du cadastre et de la cartographie (ANCFCC) «éprouve des difficultés à généraliser l'immatriculation en zone rurale, à assurer la mise à jour régulière des titres fonciers ou encore à se prémunir contre les dérives de la spoliation». Il y a deux ans, le législateur marocain avait franchi un cap dans la lutte contre la spoliation immobilière, en soumettant les procurations, considérées par certains comme l'un des instruments favoris de la mafia immobilière, à la même procédure que les actes transférant la propriété ou créant, transférant, modifiant ou annulant d'autres droits réels. Un pas que des associations et des avocats de victimes de la spoliation avaient considéré comme «important» mais «insuffisant» pour lutter contre ce fléau.