‘Maitre Leghlimi, qui défend des victimes de la spoliation immobilière, fait le point sur l'état d'avancement des dossiers les plus effarants.' L'Observateur du Maroc et d'Afrique : Quelle ampleur prennent aujourd'hui ces affaires de spoliation immobilière ? Leghlimi Messaoud : Sur les 1.000 victimes répertoriées partout au Maroc, plus de 200 concernent Casablanca. Nous travaillons en parfaite collaboration avec le cabinet français Me Viviane Sonier. Nous avons le cas d'une entreprise spoliée, un dossier de 20 villas à Bourgogne, l'affaire de la villa «Rêve de crabe», la villa Chetrit ... ce qui est frappant, c'est que certains noms reviennent systématiquement dans divers dossiers. C'est une vraie mafia, une machine bien rôdée qui use de l'argent pour faire trainer les dossiers et abuse de son pouvoir pour s'enrichir par des falsifications d'actes d'achats. Quel est le modus operandi de cette « mafia » ? Pour la majorité des cas, il s'agit de spoliations basées sur de faux héritiers, de faux actes notariaux et de contrats de vente signés par des morts. Par exemple, une personne se présente comme héritière, propriétaire ou représentant légal du bien, le vend à l'un des mafieux de la bande qui fait appel au notaire et conservateur pour inscrire la vente et la mise à jour du titre foncier. Ils ont des complices partout : notaires, fonctionnaires dans la Conservation foncière ou encore dans les tribunaux. L'expulsion des véritables propriétaires se fait ensuite sur la base de faux actes avec une étonnante facilité. Combien de dossiers sont résolus pour le moment ? Toutes les affaires sont toujours en cours. Nous avons beaucoup de jugements de première instance. Le verdict dans l'affaire « Villa Brissot » est historique. Les 6 accusés dont Mustapha H., impliqué dans au moins 6 autres affaires de spoliation immobilière, et un notaire ont écopé de lourdes peines allant de 7 à 12 ans de prison ferme, pour avoir détourné l'héritage d'un couple de juifs marocains dont le véritable héritier résidait en France. Pareil, dans le dossier «Bestieu», Karim. A et Benlkacem. L, viennent d'être condamnés à 10 ans de prison ferme pour avoir usurpé l'identité d'un notaire français. Toutes ces affaires datent d'avant 2011. Le problème se pose pour celles antérieures à cette date et se pose aussi au vu de la loi 08-39 des droits réels votée dans la foulée en 2011. Ce texte stipule qu'au cas où la propriété est transférée à une tierce personne par un acte falsifié, le véritable propriétaire n'a que 4 ans pour dénoncer l'opération, sinon il perd son bien. Cette loi n'arrange pas les choses, bien au contraire, elle encourage l'ampl ification de la spoliation. Par contre, nous ne pouvons pas, Me Sonier et moi-même, être ingrats envers les enquêteurs et les juges qui ont rendu espoir aux victimes. N'avez-vous pas peur ? Je reçois tous les jours des intimidations et des menaces, mais je compte aller jusqu'au bout, coûte que coûte, pour faire valoir le droit des victimes. Cela fait partie de mes valeurs ✱