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Le calligraphe du couloir de la mort
Publié dans La Gazette du Maroc le 25 - 07 - 2005


Rabeh Jawani
Rabeh Jawani est un prisonnier à part. Il arpente le dallage du couloir de la mort depuis plus de cinq ans pour un crime sordide. Il clame son innocence et dit avoir été piégé dans cette histoire. On pourrait lui donner le bon Dieu sans confession à l'entendre parler, mais il n'y a que lui et lui seul qui sache ce qu'il a fait ce jour noir à Oujda où un enfant a été kidnappé, violé et tué. Sans résignation, Rabah Jawani accepte le sort mais précise “qu'il veut se battre pour retrouver la liberté“. Entre temps, il dessine, fait de la calligraphie, pense à une immense exposition de plus de 1000 tableaux pour montrer “au monde son âme sensible “. Nous l'avons rencontré, nous lui avons parlé plus d'une cinquantaine de fois. Il est obsédé par “son art“ et par la liberté. Retour sur l'histoire peu commune d'un homme qui n'a pas “encore compris ce qui lui est arrivé “.
Rabeh est un personnage très particulier. Il peut aisément vous embarquer dans son monde pour peu que vous vous laissez guider par ses soins. Il ne tient pas en place. Dès son arrivée et juste après le sourire de circonstance, il entame son travail de spéléologue dans les âmes des autres. Cela devait être une vieille habitude qu'il a peaufinée derrière les murs de la prison. “Avant de dire quoi que ce soit, je tiens à vous montrer quelque chose. Regardez, jugez-en vous-mêmes, n'est-ce pas un chef-d'œuvre, une trouvaille ? Je suis le seul au monde à avoir pensé à cela. C'est une révolution”.
La grande trouvaille était un ensemble de dessins calligraphiques qu'il a pris soin de présenter de belle manière. On y trouvait de tout, du Coran, des slogans publicitaires, des noms de clubs de sports, des noms d'animaux… le tout décliné selon le même principe scriptural. Il était question donc de pingouin qui servait d'ossature aux textes écrits. “C'est cela la nouveauté dans l'histoire de l'écriture arabe. Personne n'a pensé à cela. Personne n'a osé le faire avant moi. Avouez que c'est beau ! Les pingouins, c'est presque l'espoir. C'est de la pureté, de l'innocence et moi, je suis convaincu que si j'ai l'occasion de montrer cela au monde, les artistes suivront mes traces. Je suis un pionnier à ma façon.” L'entrée en matière est imparable. On peut l'esquiver, mais on est touché par la sincérité du bonhomme. Il croit en ce qu'il fait, il aime ce monde de pingouins, il en vit. C'est toute sa raison d'être dans le couloir de la mort.
Les portes du paradis
Rabeh est un homme de taille moyenne, très mince, la peau mate, le visage passé au soleil de l'hérédité et une allure pour le moins légèrement cocasse. Dans son attitude, il y a quelque chose de superficiel, de surfait, une volonté certaine d'impressionner ou de faire bonne figure. Il sourit. La première fois où nous l'avons rencontré à l'intérieur de la prison centrale de Kénitra, il arborait un sourire de circonstance. Le même sourire qu'il avait accordé à son pote dans le couloir, la même bouche qui se tord légèrement, le même regard espiègle de celui qui en sait beaucoup sur les hommes et qui tient à vous le faire savoir dès les premiers instants. Il s'était rasé de près non pour l'occasion, mais il tenait à faire propre en bas dans le long couloir de l'oubli. La chemise bien qu'usée avait cette couleur qui sentait un homme qui essayait par tous les moyens de s'entretenir. Subitement, Rabeh est un autre homme, plutôt un enfant qui a inventé son propre jouet et qui a jeté aux oubliettes du temps tout ce que la main de l'homme avait jusque-là créé. Les yeux étincelaient, le corps pris dans une tornade de sensations, il avait, pendant cinq minutes, recouvré sa liberté. Il avait fracassé la tête du temps, déjoué les rêts du sort et fait un joli croche-pied au destin. Il jubilait littéralement. “Non, laissez-moi vous montrer ceci, non, cela et ceci encore…”. Nous avons cru que Rabeh n'allait plus en finir. On lui a demandé s'il comptait enregistrer son invention et s'il voulait publier son livre de dessins. “Et comment. Il faut juste que je sorte d'ici ou alors que quelqu'un vienne me voir pour que le monde se rende compte de ce qui j'ai créé. Moi, je n'ai pas perdu de temps ici. J'ai travaillé tous les jours pour mettre au point cette contribution à l'art arabe et humain”. Rabeh était sérieux. Il croyait dur comme fer que c'était donc là la porte de la gloire qui avait ouvert ses battants pour le faire connaître au monde. Il s'imaginait déjà sillonant les capitales arabes et ailleurs en train d'expliquer aux autres théoriciens de la calligraphie arabe le pourquoi du comment et toute l'intelligence cachée derrière ses dessins. Impossible de lui poser une autre question, d'aborder un autre sujet. Il tenait en main son quart d'heure de gloire et il ne voulait plus le lâcher. Cela durait une bonne demi-heure où Rabeh a visité le monde, rendu service à l'humanité, recouvré la liberté et libéré l'art arabe de sa sclérose… L'homme était lancé sur un rêve, un rêve vécu de derrière la mort, là où l'espoir est permis parce qu'il revêt une teinte que nous autres, jouissant d'une liberté autre, ne pouvons imaginer.
Le passé est meurtrier
Quand on discute avec Rabeh, il faut avoir le souffle long. Une haleine de tri-athlète pour pouvoir soutenir la loquacité, l'excitation et les temps morts. Après des dizaines de conversations, de partage de points de vue, de questionnements, d'hésitations, on en vient au chapitre de la vie réelle, la sienne propre, celle qu'il porte dans ses tripes et sur le dos. Là, Rabeh s'est renfermé. Il a retrouvé une mine renfrognée d'un garçon à qui on a retiré son plus beau jouet par un bel après-midi ensoleillé sur la plage. Il avait l'air de dire qu'il ne comprenait pas en quoi sa vie pouvait être plus importante que sa création, que ce don qu'il veut offrir aux humains. Il était presque outré par notre attitude coupant son élan pour le ramener sur terre. C'est à contrecœur que l'on a eu des réponses à nos questions les plus banales. On sait donc qu'il a vu le jour un certain 3 mai 1963 à Douar Jâawira, à Oujda. On sait que son père, Mokhtar, est mort, il y a à peine quelques mois, que sa mère était originaire de Berkane et qu'elle avait 63 ou 65 ans. Il ne savait plus. Il avait loupé en cours de route quelques repères historiques. C'est là que l'un des principaux traits de caractère de Rabeh commençait à se préciser. Le jeu avec la mémoire. Les amnésies volontaires ou accidentelles. La volonté de biaiser, de faire comme si l'oubli avait frappé sans prévenir. Lourd passif à effacer ? Lacunes voulues pour esquiver la vie ? Ou simple arrangement avec soi ? Rabeh se perdait dans les dates. Nous en sommes au volet frères et sœurs, et là les choses se compliquent sérieusement. Rabeh ne sait plus combien ils sont. Dix ? Vingt ? Deux ? pas de frères ni de sœurs ? Il est empêtré dans une sorte de calcul mental pour démêler le vrai du faux. Il se met alors à citer pour lui des noms qu'il efface du même coup n'étant pas sûr de leur existence ou de leur filialité : Ahmed, né en 1958, Zohra en 1965, pour ceux-ci c'est sûr. Rabeh est catégorique. Restent Omar, Mohamed, Fatéma, Rahma, Aïcha, Abdelkrim et deux ou trois autres frères et sœurs dont il a oublié les noms. Oui, un trou de mémoire, un immense trou comme celui de la couche d'ozone qui le sépare désormais de son sang. Impossible à croire, mais tout à fait vrai. Pendant un bref instant, nous avons cru qu'il était en train de blaguer, de s'adonner à un jeu bizarre pour faire l'intéressant. Mais nous avions tout faux. Non, c'était la réalité : Rabeh avait égaré les noms des siens quelque part sur le chemin de sa vie. Et puis, il y a d'autres frères ou sœurs qui sont morts jeunes, l'un à deux ans, l'autre à dix-sept jours en Algérie. C'est là que l'entretien avec lui prend d'autres tournures. Que vient faire l'Algérie dans cette histoire ? “Ah je ne vous ai pas dit, mais nous avons tous vécu quelques longues années à Oran”…Oran alors ! Et la vie du détenu qui se met à défiler par pans entiers oubliés et repris à la mémoire cachée. Il se rappelle soudain qu'il a été au collège Ibn Tachfine qu'il quitte en 1983 donc à vingt ans. On lui fait remarquer qu'il était impossible, à moins d'être le dernier des cancres, de rester au collège jusqu'à un âge aussi avancé. Il fait semblant de ne pas avoir entendu ce que je lui disais et enchaîne sur d'autres souvenirs : l'annexe, le lycée Bouhafs… etc. Il lâche dans la conversation comme s'il s'agissait d'un simple détail anodin qu'il a tout de même vécu presque 35 ans à Oran. Rien que ça, trente-cinq années effacées, mises sur le côté comme s'il s'agissait d'une journée amère que l'on veut oublier pour ne pas avoir à la porter dans sa mémoire. Pourquoi un tel oubli, une telle amnésie ? Rabeh reste de marbre. Il écarquille les yeux comme pour dire : “mais ce n'est rien, pourquoi cela vous choque-t-il que je ne me souviens plus de 35 ans de ma vie. Ça arrive, la preuve !”. Le reste de la rencontre sera mis sur ce compte. Il nous a fallu aiguillonner ses souvenirs pour ne pas lâcher le fil d'Ariane qui pouvait nous aider à trouver une piste fiable sur ce chemin de négations volontaires et de vides non comblés. Il a donc travaillé à Oran avec l'un de ses frères. Lequel? Il ne sait plus. Peut-être Ahmed ou Mohamed. Il a aussi écrit un scénario avec un personnage nommé Houidek à Oran avant d'aller enseigner à l'école Al Fatih d'Oran où il avait un cours de CM2 qu'il dispensait entre 1982 et 1983. Encore un énorme trou de mémoire. S'il a lui-même quitté le collège en 1983 comment aurait-il pu être enseignant la même année ? Il dit que ce n'est peut-être pas la bonne date “mais peu importe. J'ai enseigné, c'est vrai”.
La rançon
Avant de quitter Oran pour revenir au Maroc où il avait de la famille, Rabeh s'était lancé dans le commerce pour très vite se faire une situation. Mais ça n'avait pas marché. Il n'avait pas le cœur d'un bon commerçant : “j'ai tout perdu et puis je buvais, je sortais beaucoup, il y avait les femmes et tout le reste, alors les affaires, ce n'était pas ça du tout”. Rabeh se casse la gueule et décide de rentrer au pays pour se refaire une santé financière. Nous sommes donc en 1988. Le retour se solde vite par une nouvelle période de perdition : les femmes, l'alcool et le capital est très vite englouti. Là non plus les détails de sa vie ne sont pas précis. Il faut l'aider, marcher avec lui au pas pour qu'il s'y retrouve. Presque dix ans où il fonde une famille, devient père de trois enfants, sans jamais trouver un véritable travail. En 1997, il ouvre un nouveau commerce qui périclite encore une fois. Il décide alors de devenir fellah. Retour aux sources, la mère terre, la bonne nourricière qui va le sauver. Ça ne marche pas non plus. Ni les produits alimentaires, son premier business, ni les petits boulots à la petite semaine, encore moins le labeur du sol, rien n'y fait. Rabeh est un artiste et c'est peut-être là le secret de son échec cuisant partout. Ce qu'il fera pendant les deux années qui le séparaient du crime pour lequel il est condamné à mort, il ne le sait pas non plus : “rien, je n'ai rien fait, j'ai bu et j'ai roulé ma bosse et j'ai aussi beaucoup pensé”. Rien de plus. Rabeh risque encore une fois de sombrer dans le vide et l'oubli, mieux vaut nous en tenir à ce qui est sûr et semble couler de source. Pendant tout ce temps où Rabeh ne semblait pas voir la vie filer, il y avait un cousin avec qui il sortait souvent. Le cousin en question s'appelle Jawani Mimoun et purge la même peine à Kénitra dans le même quartier B que son cher cousin Rabeh. Le cousin avait aussi ses loisirs. Il aimait aller chasser la pintade et la perdrix. Un bon pisteur, dit-on, qui adorait les grandes plaines, le vide pour s'adonner à son loisir favori. Mais il avait aussi l'habitude de se faire accompagner par des gamins. La chasse n'avait pas le même goût sans la présence d'un joli petit chérubin pour donner un cachet plus jovial à la fête faite aux oies. Le cousin aimait les gosses, un pédophile invétéré. Rabeh est catégorique là-dessus. Il ne le savait pas, mais il le sait aujourd'hui.
La jungle, la plaine et un coup de fil
Deux mois avant le crime et l'arrestation de Rabeh, Mimoun avait déniché un gosse de 14 ans qu'il emmenait avec lui en dehors de la ville, dans la forêt pour pister les oiseaux. “Un jour il avait offert une perdrix à la famille du gamin pour qu'elle le laisse aller chasser avec Mimoun. Moi, je ne suis jamais allé avec lui. Je l'attendais et on faisait des plats avec le gibier.” Mimoun est venu un jour dire à Rabeh que le lendemain il était de sortie pour aller chasser dans la forêt. Ils se sont donné rendez-vous comme d'habitude à la sortie de la ville au moment du retour du grand chasseur en ville. Rabeh attendait : “je ne savais pas où il était parti chasser, mais je savais comme d'habitude que j'allais le rencontrer à son retour en dehors de la ville. On avait coutume de marcher ensemble avant d'aller préparer le dîner”. La famille qui avait reçu la perdrix est confiante. Elle laisse l'enfant accompagner le maître chasseur. Rabeh, lui, dit qu'il a passé cette journée en ville à attendre la fin de l'après-midi pour aller rencontrer le cousin. Quand ce dernier arrive, il est affolé : “je ne savais pas ce qui s'était passé. Mimoun avait peur et m'avait dit que le gamin était mort et qu'il fallait aller le dire à sa famille”. La chasse a mal tourné. Il y a un gros problème à résoudre. Rabeh se souvient : “je lui ai dit de se calmer et que j'allais arranger tout cela. Je lui ai demandé de me donner le numéro de téléphone de la famille pour lui parler avant d'appeler la police pour régler cette sombre affaire. Mimoun m'a donné le numéro et il est rentré en ville”. Et c'est là que Rabeh, qui a pris le temps de penser à sa misère, à l'argent qu'il avait perdu, aux affaires qui avaient capoté, a une idée lumineuse : “je me suis dit que c'était là une occasion pour se faire de l'argent. J'ai appelé la famille en lui disant que j'étais un grand bandit, un voleur dangereux et que j'avais kidnappé son fils. Je lui ai dit que si elle voulait le récupérer, il fallait me payer une rançon de 16 millions de centimes. La famille a eu peur et m'a dit O.k. Mais je devais encore la rappeler pour être sûr”. Quand on lui pose la question pourquoi il a pensé à un tel scénario, il répond que c'était l'occasion de sa vie. Pourtant un gamin était mort, une vie humaine, un gosse innocent qui est tombé on ne sait où et qu'il fallait au moins avertir les parents affolés. “J'étais sûr du coup“, dit-il très détaché, comme s'il s'agissait de l'un des détails oubliés de sa vie. Entre temps, le cousin était, selon les dires de Rabeh, sûr que les parents avaient été avertis. Et comme il n'a pas vu la police débarquer, il s'était dit que tout allait bien. Sauf que Rabeh, lui, était en train de travailler son scénario. Les parents ont fini par perdre espoir et sont allés avertir la police qu'il y avait une bande de criminels qui avait kidnappé leur enfant et demandait une rançon. Les policiers ont vite appris que l'enfant était parti à la chasse avec Mimoun. On vient chercher le cousin de Rabeh qui raconte toute l'histoire. Le grand déballage devant l'éternel. L'étau se resserre et les portes de l'enfer avaient déjà pointé du nez. Rabeh était encore sur son nuage sûr d'empocher les 16 millions quand la police est venue l'arrêter. Là, la mémoire a été très vite remise en place : il dit tout, raconte comment il avait grossi la voix pour que la famille ne le reconnaisse pas, comment il avait pensé à ce scénario… Rabeh révélait tout ce qu'il avait dans le ventre. Il est sur le champ accusé de meurtre, de kidnapping, de demande de rançon et de constitution d'une bande criminelle. “Je n'ai tué personne, je ne savais même pas où le corps était jeté, mon tort était d'avoir voulu gagner de l'argent pour me refaire une santé.”, raconte-t-il comme si toute cette histoire était étrangère à sa vie. Il est arrêté en juillet 1999 à Hay Si Lakhdar où l'on se rappelle encore des détails de l'affaire de ce garçon, tué et jeté dans un puits, de cette bande qui voulait rançonner les gens et tant d'autres histoires sur l'éventuel viol du gamin par le chasseur qui, voulant masquer son crime, a fini par le tuer et le jeter dans un puits… Rabeh est dans le trou à la prison civile d'Oujda où il passera huit mois avant d'être condamné en 2000 à la peine de mort. Il sera très vite transféré à Kénitra où il est aujourd'hui en train de travailler à d'autres scénarios pour la télévision marocaine : “qui vont révolutionner le paysage médiatique au Maroc“. Sans oublier d'autres inventions comme cette machine qui fera en sorte que la pluie tombera du ciel grâce à l'énergie solaire et d'autres trouvailles de génie que Rabeh nous donnera un jour en tribut pour toute une vie entre amnésie et oubli. Mais, de temps à autre, il a des éclairs de réminiscence. “Non, tout ce que j'ai raconté à la police est faux. J'ai dit des choses dont je ne savais rien. Il fallait parler. J'avais paniqué. Je déballais tout ce que je savais et ce que je ne savais pas. Je parlais, et eux ils notaient. Je ne pensais pas que j'allais sombrer dans le couloir de la mort“. Ce qui est incompréhensible dans ce dossier sur lequel travaillent deux avocats : maîtres Marbouh d'Oujda et Mhamdi de Rabat, ce sont les multiples versions de Rabeh. Une fois, il est décidé à parler, une autre, il a peur. Mais de qui ? Ce cousin qu'il dit l'avoir plongé avec lui pour ne pas purger sa peine, seul en prison? Difficile aussi de croire que Rabeh soit en adéquation avec sa vérité. Peu importe laquelle, il est toujours difficile d'avoir un jugement sur ce qu'il pense, ce qu'il a dans le ventre et ce que l'avenir nous dira de son implication. Cette semaine, il a précisé qu'il voulait tout déballer et dire la stricte vérité. “Oui, je suis innocent. Je n'ai pas tué, je n'ai pas kidnappé, je pensais que c'était une histoire de drogue comme mon cousin me l'avait dit au départ. Il m'avait bien expliqué qu'il voulait faire chanter des trafiquants. J'ai plongé dans l'histoire dans ce sens ? Je ne savais pas qu'il y avait meurtre de gosse et tout le reste“. Que peut encore espérer Rabeh ? Pas grand chose. Une réouverture de son dossier ? Oui, mais les arguments sont très minces et même les avocats ne semblent pas très convaincus. Serait-il innocent du meurtre de l'enfant mais un mauvais plaisantin qui a eu des accointances avec le crime ? Possible. Mais comment le savoir. Sans oublier que Rabeh n'a pas toutes les clefs de son histoire entre les mains. Il pourrait même être un peu à côté de la réalité, vivant sur une route parallèle à quelques encablures de la perte du contrôle sur la vie et ses corollaires. Rabeh n'est pas fou, mais il pourrait le devenir. En attendant il veut exposer ses dessins. Des milliers de dessins dont nous avons une centaine d'exemplaires. Il veut que les revenus de l'exhibition soient versés à une œuvre sociale. Il veut qu'on le laisse exprimer par l'art ce qu'il n'a jamais pu dire par les mots. Ce serait certainement une bonne chose en attendant la vérité.


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