Les attentats du 16 mai Dans le dossier Al Qaïda en Espagne, qui a mis en évidence l'implication de plusieurs Marocains dans les attentats du 16 mai, nous avons déjà traité de quelques figures incontournables qui ont été de toutes les guerres du Jihad. Mais au-delà des frères Salaheddine et Abdelaziz Benyaïch, il y a d'autres noms qui ont fait partie de la cellule espagnole d'Abou Dahdah et qui ont eu des liens très étroits avec les autres membres qui ont planifié les attentats de Casablanca. Il s'agit de Saïd Chedadi, un autre Tangérois et de Najib Chaïb Mohamed, natif de Nador, qui est un des plus grands spécialistes des explosifs en Europe. Nous retraçons ici quelques étapes importantes de leur carrière qaïdiste avant de revenir dans les prochains numéros sur le détail de leur implication dans le réseau espagnol et ses succursales où les Marocains tenaient des rôles clés. Sur l'échiquier espagnol d'Al Qaïda qui est considéré aujourd'hui selon tous les grands spécialistes comme la base principale du terrorisme en Europe, le rôle joué par les Marocains est immense. Ils ont été de toutes les grandes sorties. Ils ont sillonné le monde pour promouvoir le Jihad de la Bosnie à l'Afghanistan en passant par la Tchétchénie et le Daguestan. Il sont recruteurs, soldats de Dieu, trafiquants d'armes, trafiquants de cartes bancaires, spécialistes en explosifs … etc. Et c'est ce dernier point qui nous intéresse. Najib Chaïb Mohamed, alias Cheikh Najib est considéré par ses pairs comme un as de la détente, un crac en combinaisons chimiques et autres calculs algorithmiques. Jusque-là l'Espagne le poursuit dans le cadre des attentats du 11 septembre 2001 à New York, mais il est aussi établi que cet individu a été l'un des pontes de la cellule espagnole présidée par Imad Eddine Barakat Yarkas, dit Abou Dahdah. Cheikh Najib travaillait sous sa férule aux côtés d'autres Marocains qui sont aussi poursuivis et condamnés pour les attentats du 16 mai à Casablanca. Il ne faut pas être un génie de l'analyse pour établir le lien entre les personnages clés de cet imbroglio qaïdiste entre l'Espagne et le Maroc. Si Chedadi et Cheikh Najib ont travaillé étroitement avec les frères Benyaïch dont Salaheddine a écopé le 29 septembre 2003 de 18 ans de prison ferme pour son implication dans les attentats meurtriers de Casablanca, c'est que le même groupe d'hommes a été mêlé aux préparatifs des attaques kamikazes au Maroc. Dans le cas de Najib Chaïb Mohamed, les soupçons se portent sur son appui logistique en termes d'explosifs qui auraient servi pour perpétrer les crimes terroristes sur le sol marocain. Saïd Chedadi, le Tangérois Il était le gérant des magasins nommés “Zizu” et “Udin” dans la rue Caravaca, numéro 13 à Madrid, situé dans la zone dite des Lavapiès, qui est une sorte de conglomérat dédié au négoce d'articles et habits arabes. Et c'est dans cette ruelle qu'il a été vu à plusieurs reprises en compagnie de Imad Eddine Barakat Yarkas, le chef de la cellule espagnole d'Al Qaïda au moins depuis le milieu de l'année 1999. Pour la justice espagnole, le Marocain “a participé avec Abou Dahdah à la vente des cartes de crédit qui sont chargées de façon illégale, ainsi que dans la collecte de fonds émanant de la Zakat”. L'argent ramassé servait à aider les jeunes combattants qui partaient au jihad, à trouver des logements pour les nouveaux arrivants en Espagne et surtout dans l'envoi de mandats à d'autres “frères” installés dans d'autres pays comme l'Angleterre et la Turquie. C'est d'ailleurs le même Saïd Chedadi qui a réussi l'une des plus spectaculaires collecte de fonds pour la cellule d'Abou Dahdah. Il a fait le tour de tous les commerçants musulmans de la zone Lavapiès à qui il a demandé de participer à un grand bien. L'argent récolté a été envoyé aux moujahidines en Tchétchénie. C'est à cette période qu'une partie de ce butin avait aidé Salaheddine Benyaïch à se sortir de l'enfer tchétchène. Tous les moujahidines arabes de l'époque avaient trouvé un appui dans cette collecte qui tombait à un moment décisif de la guerre “sainte” contre les Russes. C'est entre autres cette action qui a fait de Saïd l'un des principaux hommes de main de Barakat Yarkas. Après ce grand coup de maître, Saïd s'est envolé début 2000, avec une partie de l'argent amassé, vers Londres pour le remettre au chef des moujahidines en Europe, le célèbre Abou Qatada. D'après les services de police espagnole, le vol a eu lieu entre le 5 et le 11 février 2000. Mais le Marocain n'en était pas à son premier voyage pour Londres. Il avait déjà fait d'autres séjours en Grande Bretagne pour rencontrer quelques uns des plus grands extrémistes terroristes islamistes qui étaient aussi tous des moujahidines potentiels. D'ailleurs, les registres des PV de la police espagnole nous montrent une série de conversations téléphoniques avec Abou Dahdah à ce sujet. C'est de cette manière que l'on apprend que le 6 mars 2001 il atterrit à Londres pour ramener “de l'argent à des frères avant d'aller se réunir avec Cheikh Abou Qatada puis d'aller rejoindre Salaheddine Benyaïch condamné à Rabat pour les attentats à 18 ans de prison, le 14 mars 2001”. Entre les deux Marocains les relations sont bonnes et remontent au moins au début de l'année 1999. L'un comme l'autre connaissaient le parcours de chacun et se portaient une très grande estime. C'est à travers Salaheddine qu'il connaîtra l'autre frère Benyaïch, Abdelaziz (demandé lui aussi par la police marocaine pour son implication dans les attentats du 16 mai). Il sera aussi lié à Jasem Mahboule et Wahid Koshaji Kelani et avec un autre Marocain Lahcen Ikassieren, dit Hassan, qui est depuis détenu à Guantanamo après le raid sur Tora Bora, Kandahar et le reste de l'Afghanistan. Plus tard, il fera la connaissance de Amer Azizi et surtout du troisième frère Benyaïch Abdellah qui est mort depuis en Afghanistan. C'est de la même façon que Chedadi est entré en contact avec Abou Abderrahmane, dit le Chauve. C'est le même Abou Abderrahmane qui a été derrière la coordination qui visait les attaques de septembre 2001 aux USA. C'est lors d'une des multiples conversations téléphoniques enregistrées dans le domicile d'Abou Dahdah que l'on apprend que Saïd Chedadi était très féru de l'aviation et qu'il allait un jour “voler comme un oiseau”. Ceci bien entendu en dehors de sa grande spécialité qui est la falsification de documents, de passeports et de cartes de crédit. C'est grâce à lui que des individus comme Farid Boudchicha a eu un passeport et une carte d'inscription consulaire. Il a aussi assuré un permis de circuler daté du 7 juillet 1998 pour le véhicule immatriculé M 2905 HU, une Opel Kadett 1.6 S, qui était au nom de Mohamed Al Moujahed, résidant au 4, rue du Cardenal Herrera Oria, Madrid. Il a aussi établi une autre carte technique pour une autre voiture, une Opel Corsa Immatriculée IB 7044 AZ, datée du 27 janvier 1987. Et à chaque fois, le travail de Saïd était impeccable. Jamais de traces, jamais d'embrouilles, jusqu'au jour où l'étau s'est resserré sur d'autres membres qu'il avait aidés et qui ont conduit la police espagnole à sa capture. Comme en témoignent les dizaines de documents falsifiés pour des noms comme Mohamed Safsaf, natif de Tanger, Abdelilah Belgada, résident à Rabat ou Hala Essenbak Boufares, native de Tétouan…etc. Najib Chaïb Mohamed, l'explosif C'est l'un des personnages les plus en vue du réseau espagnol. Un incontournable qui est passé maître dans les formules chimiques pour confectionner des explosifs. On sait qu'il est natif de Nador et ce n'est qu'à partir de janvier 2000 qu'il a commencé à fréquenter Imad Eddine Barakat Yarkas. Le but de leur relation était d'établir le lien avec ce que l'on appelle aujourd'hui “Les frères de Belgique”. A l'époque il y avait un Libanais qui supervisait la cellule belge. Il s'agit de Nabil Sayadi, alias Abou Zeineb, un ex-moujahid de Bosnie qui était aussi le directeur d'une ONG islamique installée en Belgique. C'est à cette époque aussi qu'un individu de nationalité marocaine prend contact avec Abou Dahdah pour l'informer que “les frères étaient tous bien et qu'il y avait d'autres nouveaux visages qui seront de beaucoup d'utilité”. Cette même personne qui a joué un rôle capital dans les affaires d'Al Qaïda en Europe n'a pas voulu communiquer son numéro de téléphone à Abou Dahdah pour des raisons de sécurité. Ceci dit, le mystérieux personnage dira à son acolyte espagnol de demander à Cheikh Najib qui sait tout. Jusqu'à ce jour, cette personne reste inconnue. Plus tard, au début de juin 2000 Najib voyagera en Angleterre pour rencontrer Abou Abderrahmane qui est un disciple d'Abou Qatada et le pont entre les deux versants oriental et occidental de l'organisation de Ben Laden. Les deux Marocains Saïd Chedadi et Najib ne se rencontreront que vers mars 2001 à Madrid suite à la visite d'Abou Abderrahmane à Abou Dahdah. Ils se sont tous vus au restaurant Al Hambra à Madrid. Selon les rapports de la police espagnole, il apparaît que les contacts directs de Najib ont été Imad Eddine Barakat Yarkas, Jasem Mahboule, Saïd Chedadi et Luis José Galan Gonzales en Espagne, Omar Mahmoud Othman, alias Abou Qatada, Cheïkh Hassan et Nabil Sayadi dans le reste de l'Europe. Ce qui vient corroborer la thèse qui veut que Najib soit aussi le coordinateur entre les différents groupes européens où il a multiplié les rencontres avec d'autres individus d'origine marocaine. C'est par lui que l'une des plus grandes cassettes du jihad a fait le tour de toutes les cellules en Europe. Il s'agit de “Russian's Hell 2000, Property of Islamic Republic of Caucasus” où l'on voyait des passages de la bravoure des soldats du jihad accompagnés de chansons patriotiques. Il sera aussi derrière la diffusion d'autres cassettes sur le jihad comme celles trouvées par la police marocaine après les attentats de Casablanca. On le verra aussi distribuer d'autres documents comme “Le manifeste de la nation musulmane pour l'établissement de la résistance islamique internationale”, “Entre deux méthodes”, un livre écrit par Abou Qatada Al Filistini, qui est un livre qui distingue entre les véritables et les faux salafistes et qui a fait partie du savoir des salafistes au Maroc, un communiqué de presse numéro 5 du Groupe islamique combattant, une photocopie d'un livre intitulé “Une nouvelle vision des débiles et des modérés” qui est du même Abou Qatada et qui fait allusion à d'autres figures de la théorie islamiste comme Mohamed Qotb, Mohamed Sror Ibn Nayef Al Abeden, Abdelkrim Moutii, Mohamed Nasr Eddine Al Albani et une organisation du nom de Hizb Attahrir. Notes sur les explosifs Mais le gros du travail de Najib reste sa maîtrise de la chimie et des matières premières pour la fabrication d'explosifs. Quand la police espagnole a perquisitionné chez lui, elle a trouvé plusieurs notes et documents où le Cheikh avait détaillé certaines combinaisons pour affiner son savoir-faire en déflagrations mortelles. C'est ainsi que l'on a trouvé ce qui suit : Méthode 31 : l'oxyde d'acétone 33% H 20+ acétone : ce qui donne un mélange liquide Proportions : Après il faudra ajouter lentement de l'acide chlorhydrique (sulfate) Refroidir le mélange dans un baril d'eau froide durant la réaction chimique en tournant continuellement. Le matériel est sensible entre la superficie et l'explosion. Le mélange (composé lentement) + sucre (granulé très fin) 75% de mélange et 25 % de sucre Ceci n'est qu'une formule parmi tant d'autres où Cheikh Najib maniait les produits chimiques avec dextérité : le fulminate de mercure, l'acide nitrique, le mercure, l'alcool (éthanol)…etc. Ce sont là des trouvailles qui avaient servi dans des attaques lors des combats des moudjahidines. Najib Chaïb Mohamed serait aussi derrière d'autres envois où les combattants se seraient servis de ses formules pour mettre au point plusieurs bombes artisanales et plus sophistiquées qui auraient été utilisées en Tchétchénie, en Bosnie et même en Afghanistan. Reste que son nom est toujours lié à tous les autres Marocains qui sont impliqués dans les explosions de Casablanca. Selon toute vraisemblance, c'est le même Chaïb Najib qui aurait aidé les salafistes marocains à trouver les formules exactes pour leurs bombes. Pour le moment, les deux Marocains ne sont poursuivis que pour leur participation aux attentats des USA, mais les liens avec les terroristes impliqués dans les événements du 16 mai sont avérés et il faudra attendre la suite des enquêtes pour voir ces deux grandes figures de la cellule espagnole d'Abou Dahdah venir s'ajouter aux autres noms déjà écroués au Maroc. On apprend que le 6 mars 2001, Saïd Chedadi atterrit à Londres pour ramener de l'argent à des frères avant d'aller se réunir avec Cheikh Abou Qatada puis d'aller rejoindre Salaheddine Benyaïch, condamné à Rabat pour les attentats du 16 mai à 18 ans de prison. C'est par Najib que l'une des plus grandes cassettes du jihad a fait le tour de toutes les cellules en Europe. Il s'agit de “Russian's Hell 2000, Property of Islamic Republic of Caucasus” où l'on voyait des passages de la bravoure des soldats du jihad, accompagnés de chansons patriotiques.