L'échange d'informations entre les services de sécurité marocains et espagnols en matière de lutte antiterroriste est efficace. Ce n'est pas le cas pour le judiciaire. Pour y pallier, une visite du juge Baltazar Garzon au Maroc serait en cours de préparation. Le célèbre juge d'instruction espagnol, Baltazar Garzon, pourrait se rendre prochainement en visite officielle au Maroc afin de procéder à un échange d'informations avec ses homologues marocains chargés du dossier des attentats terroristes du 16 mai à Casablanca. Cette information, qui n'a pas encore été confirmée par les instances officielles des deux pays, a été rapportée par des milieux proches du dossier des enquêtes menées sur les corrélations existant entre le réseau de la Salafia Jihadiya ayant perpétré les attentats du 16 mai et les cellules d'Al Qaïda démantelées en Espagne. Selon des sources concordantes, les interrogatoires des inculpés dans les actes criminels perpétrés à Casablanca et les détenus dans le cadre des opérations anti-terroristes en Espagne ont révélé l'existence de liens étroits entre les deux réseaux terroristes. Des analyses vont d'ailleurs jusqu'à affirmer qu'il s'agit de la même organisation terroriste. Une hypothèse essentiellement due à l'existence de plusieurs terroristes dont les noms ont été cités par des inculpés à la fois en Espagne et au Maroc. La dernière révélation à ce titre est celle contenue dans le dossier présenté par le juge Garzon devant le tribunal national de Madrid où il poursuit les 35 suspects accusés d'appartenir à l'organisation d'Al Qaïda. Dans ce dossier présenté mardi, le juge Garzon affirme qu'il existe des preuves fondées que "plusieurs membres de la cellule espagnole (démantelée) d'Al Qaïda, dirigés par Imad Eddine Barakat, Abou Dahdah et ayant été en relation avec Amer Azizi, sont impliqués dans les attentats de Casablanca". Selon le juge espagnol, l'ex-dirigeant de la cellule espagnole d'Al Qaïda, qui fut détenu en novembre 2001, Imad Eddine Barakat alias Abou Dahdah avait hébergé chez lui à Madrid le dénommé Salaheddine Benyaïche alias Abou Mouhejen qui a été arrêté par les services de sécurité marocains pour son implication dans les attentats perpétrés dans la capitale marocaine. Par ailleurs, le dossier présenté par Garzon fait état des relations existant entre le dénommé Driss Chebli et les frères Salaheddine et Abdelaziz Benyaïche. Rappelons que ce dernier a été arrêté en Espagne suite à un avis de recherche international lancé par la justice marocaine à son encontre après que son nom ait été cité par plusieurs accusés faisant partie du réseau de Tanger. Ayant la nationalité espagnole, les autorités espagnoles ont procédé à son arrestation mais refusent jusqu'à maintenant d'accéder à la demande d'extradition formulée par le Maroc. La même situation se présente dans le cas d'un autre membre de la cellule espagnole, Driss Chebli, qui a été arrêté pour son rôle d'intermédiaire entre la cellule espagnole d'Al Qaïda et la direction de l'organisation terroriste et pour avoir tenté de faciliter la fuite de certains terroristes impliqués dans les attentats du 16 mai. L'ensemble de ces données contenues dans le dossier présenté par le juge Baltazar Garzon et les données contenues dans les dossiers des procès intentés contre les membres de la Salafia Jihadiya au Maroc contiennent plusieurs données dont les deux parties marocaine et espagnole devront confronter pour pouvoir dégager des conclusions solides sur l'implication de la cellule espagnole et les attentats de Casablanca. Certes, la coopération entre les services de sécurité des deux pays sur ce sujet est jugée efficace de part et d'autre, mais, au niveau judiciaire, il n'existe pas encore de canaux de collaboration adaptés à la nouvelle donne. La visite du juge Garzon pourrait remédier à cette lacune et permettre une meilleure communication de données et une éventuelle célérité dans le traitement des demandes d'extradition.