Le Festival International du film de Marrakech a tourné une autre page, mercredi 8 octobre sous la lune, dans l'enceinte du Palais Badii. Il y a eu des étoiles, des stars, des constellations, des visages enflammés, des rires, des sourires, du bonheur, des larmes, des mains qui se donnent, des cœurs qui s'ouvrent et un public marocain qui est le plus beau du monde. Sans lui Marrakech et son festival n'auraient aucune raison d'être. Et sans le Festival, ce même public aura manqué de grands rendez-vous avec l'histoire. Marrakech, une affaire de passion, une histoire d'amour et une promesse de lendemains meilleurs. Merci le Maroc. Cette terre d'accueil qui a su donner l'amour comme réponse aux clivages et à la haine. Merci à Sa Majesté le Roi Mohammed VI qui a initié ce projet pour offrir à son peuple le rêve, la passion, l'amour de soi, le respect de ses acquis et la volonté d'être meilleur. Merci aux Marocains qui ont su vibrer avec le monde sans lui demander des comptes, sans l'astreindre à une quelconque signification sans recul ni distance. Merci à la mémoire de Daniel Toscan du Plantier qui arpentait les scènes et les écrans pour nous dire son amour de ce pays qui le lui rend pleinement. Merci à la fête qui a su prendre, spontanément, pour remplir les cœurs d'amour et de sérénité… Merci à Neila et ses filles qui étaient là pour porter le plus dur et gérer les instants parfois difficiles. Le monde est magnifique Dès l'ouverture, il y a eu cette sensation que le cinéma n'était pas une affaire de frontière. Les images ont cette magie de transgresser les barrières, de violer les lisières, d'aller au-delà de ce qu'elles portent dans leurs strates. Le soir au Palais Badii, l'histoire était là avec un zeste d'avenir qui tenait dans chaque minute de nuit en plus pour préparer le lendemain. Le Festival prenait ses marques, annonçait son ouverture, faisait défiler sa cohorte de bacchantes, de saltimbanques qui disent l'amour malgré le drame, malgré la tragédie, malgré l'horreur des guerres, malgré l'intolérance, malgré le refus de l'autre et la fermeture. C'est à ce niveau-là que Marrakech a marqué cette année un tournant capital pour son histoire ultérieure. Il est clairement apparu que le choix des films à voir n'était pas un simple hasard de sélection. Il était évident que la thématique était précise, voulue, étudiée pour répondre à l'air du temps, lui faire un joli pied de nez, forcer sa dureté à fondre sous la chaleur du partage. Il était d'autant plus sûr que ce festival avait une âme qui refusait de se laisser faire. Du premier film en compétition au dernier, le même ton, le même message caché, la même exigence de soi, le même cri. De “Baboussia” aux “Yeux Secs”, de la Russie au Maroc en passant par “La première lettre” iranienne, le Feu bosniaque, la Havane cubaine, “la Raja” marrakchie, le Sénac algérien, le samouraï aveugle japonais, le délire indien, la gifle américaine… le même décor intérieur, le même besoin de voir le monde différent, changé et non tronqué. En voyageant à travers les cultures, en empruntant au destin du monde ses noirs désirs, on se trouve de plein fouet face à ce qui monte en nous, à nos désirs secrets ou hilarants, à notre peur, notre fragilité, notre volonté certaine de ne pas plier l'échine et servir de passerelle à l'horreur. Courage, audace, fierté D'un film à l'autre, d'un personnage à son double, d'une langue à son complément humain, il y a eu ce creuset par où passait le message du Maroc au reste du monde. Non pas que Marrakech se soit transformée en une tribune politique, non pas que l'engagement ait pris sous le soleil une teinte revendicatrice, non, juste l'art qui remplit aussi l'une de ses fonctions qui est d'apporter des réponses, mêmes inachevées, aux grandes interrogations de l'être. Juste la culture, dans son sens noble, qui se fait un pont entre des univers divers, disparates, divergents pour saluer l'humain là où il continue à prendre racine. Marrakech a réussi ce pari de donner au monde un langage de rechange, une alternative à la douleur muette, une approche autre de la lutte pour préserver le beau en nous. Avec courage, audace et fierté le Maroc passe son message au monde, en toute simplicité, sans ambages : il n'y a que l'amour qui puisse sauver les hommes. Il n'y a que l'ouverture vers les autres, tous les autres qui ait le pouvoir réel de nous assurer la pérennité dans un monde fou. Il n'y a que l'échange pour que nous puissions nous connaître sans préjugés ni partis pris. Le Festival tourne une page qu'il a pris le soin de bien lire. Le Festival ouvre une autre sur laquelle, tous les Marocains sont appelés à écrire avec leurs êtres les rêves de demain.