Gronde au sein du campus La rentrée universitaire coïncide généralement avec la rentrée politique. En effet, les deux éléments sont indissociables puisque la dynamique politique trouve souvent son prolongement dans l'espace universitaire. Or, si la rentrée politique de cette année se distingue par le déroulement des élections communales dans le cadre d'une nouvelle Charte communale et par les effets des attentats terroristes du 16 mai, la rentrée universitaire, elle, sera influencée par les évolutions du champ politique, mais tout en s'imprégnant de ses propres contraintes liées aux problèmes spécifiques du corps enseignant et de la masse estudiantine. Autrement dit, la prochaine rentrée universitaire donnera le coup d'envoi à une nouvelle étape chargée d'anciens défis, à savoir la réhabilitation des enseignants et l'éradication de la violence dans l'espace universitaire. Aucun corps des fonctionnaires de l'Etat n'a subi autant d'injustice que celle qu'ont connue les enseignants. Vers la fin des années soixante du siècle dernier, l'enseignant-chercheur occupait la troisième place dans la hiérarchie des salaires de l'Etat. Aujourd'hui, il se retrouve à la vingt-huitième place. Pire, certains ont même sérieusement envisagé d'écarter les enseignants du corps des fonctionnaires de l'Etat et de les transformer en simples salariés des universités. Devant cette situation, le Syndicat national de l'enseignement supérieur a été contraint de réagir. A cet effet, la commission administrative du "SNE-Sup" s'est réunie le 13 juillet 2003 pour examiner l'évolution du dossier tout en envisageant de décréter le boycott de la rentrée universitaire dans le cas où les responsables ne réhabilitent pas les enseignants. Ce n'est qu'après cette menace de grève que les autorités ont entamé une série de rencontres avec le syndicat qui ont été couronnées par la réunion présidée par le Premier ministre Driss Jettou. Ainsi, donc, le 5 septembre 2003, les deux parties ont conclu un accord prévoyant la révision du système indemnitaire dans le cadre de la fonction publique et la relance de la procédure de promotion interne des enseignants-chercheurs. Réhabilitation L'accord du 5 septembre peut être considéré comme un premier pas sur la voie de la réhabilitation des enseignants-chercheurs. Mais, les craintes subsistent encore de voir les autorités renier leurs engagements, d'autant plus que par le passé, plusieurs gouvernements avaient violé les accords signés avec le Snesup. C'est pourquoi, certains disent que le récent accord n'est qu'une tentative de sabordage des décisions prises par plusieurs sections régionales du syndicat. En effet, l'accord signé avec Abderrahman Youssoufi en date du 10 juin 2002 n'a jamais été réalisé et Driss Jettou, actuellement, ne fait que satisfaire une partie des revendications après avoir rejeté le projet de son prédécesseur. Mais la menace de boycotter la rentrée universitaire n'est pas uniquement liée à la nécessité de réviser le système universitaire ou de relancer la procédure de promotion interne. Les sections régionales du SNE-Sup considèrent, en effet, que la réforme universitaire annoncée a été élaborée unilatéralement et sans la participation du corps enseignant. Eradication de la violence La nouvelle rentrée universitaire intervient, également, après les événements du 16 mai qui ont secoué Casablanca. Les conséquences de ces attentats se sont fait sentir au sein de l'opinion publique marocaine et certaines élites ont même propagé des discours visant les courants islamistes et appelant à leur éradication sans exception, qu'ils soient modérés ou extrémistes. C'est pourquoi, il y a de sérieuses craintes de voir cette tendance se prolonger à l'espace universitaire qui reproduit, généralement, les contradictions du champ politique, social et culturel. En effet, au sein de l'université coexistent plusieurs organisations estudiantines dont les référentiels divergent sensiblement. Durant les années quatre-vingt-dix, les courants de gauche ont connu un recul sensible de leur popularité, alors que les courants islamistes y ont gagné beaucoup de terrain, notamment le groupe des étudiants d'Al Adl Wal Ihsane et dans une moindre mesure le groupe des étudiants de l'unité et de la communication relevant du Mouvement de l'unité et de la réforme. Les contradictions entre les groupes islamistes ne sont pas moins intenses que celles entretenues avec les courants de gauche. L'exacerbation de ces contradictions avaient fait planer de sérieuses menaces de regain de violence au sein de l'espace universitaire, d'autant plus que les différents groupes n'ont pas été en mesure de gérer les affaires estudiantines démocratiquement. Les liens des groupes estudiantins avec les organisations politiques n'ont pas seulement handicapé leur autonomie, mais les ont transformés en courroies de transmission. Ces derniers temps, les partis politiques ont pris conscience de l'importance de leur présence au sein de l'espace universitaire et ont décrété un retour vers l'université selon une nouvelle stratégie comme l'a envisagé le parti de l'Union socialiste des forces populaires. En effet, le renforcement des courants de la gauche au sein de l'université est une bonne chose, puisqu'il contribue à instaurer l'équilibre et mettre fin à une situation de quasi monopole du courant islamiste. Cependant, il est à craindre que ce retour ne soit accompagné d'un discours éradicateur qui vise à nettoyer l'université des courants "obscurantistes". Cette tendance exprimée au lendemain du 16 mai ne fera qu'envenimer l'atmosphère et pourrait déboucher sur la violence. Par conséquent, éloigner le spectre de la violence constitue l'un des principaux défis à relever. Ce défi est tributaire de la vision qu'ont les différents groupes de l'avenir de l'université et de son rôle dans la société. De même qu'il est tributaire du degré de maturité dans la réflexion pour la gestion des divergences entre les différents courants. Les défis à relever La réhabilitation des enseignants et la lutte contre la violence constituent une partie des anciens défis. Mais le dernier discours du Trône a défini les défis de l'avenir pour que l'université et l'élite universitaire puissent jouer leur rôle dans la propagation des valeurs et des idées de la modernité. Or, ce défi tend à faire de l'université une partie de l'espace global et un outil essentiel pour la production de la culture de la modernité afin de soutenir l'édification du projet de société démocratique et moderne. Et encore une fois, ce défi est tributaire de la vision qu'élaboreront les étudiants et les enseignants pour la consécration de cette culture. Mais en aucun cas, il ne faut s'appuyer sur une vision qui tend à appliquer des règlements de compte politiques.