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L'Etat, la stabilité, la liberté


Mahmoud ARCHANE Secrétaire général du M.D.S*
09 Juin 2003
Libre opinion
C'est une onde de choc qui a frappé le Maroc, ce vendredi 16 mai courant : comment de tels actes terroristes, marqués au coin de l'horreur et de la barbarie, ont-ils pu se produire chez nous? Comment une quinzaine de jeunes Marocains, tous issus d'un quartier populaire de Casablanca, ont-ils pu se laisser entraîner dans cette tragédie qui marquera à jamais notre société et notre mémoire collective ? Assurément, il y aura une pierre noire dans notre cheminement qui distinguera entre deux séquences : avant le 16 mai et après.
Nous sommes tous interpellés, responsables, élus, citoyens ; tous, nous devons réfléchir à ce qui vient de se passer mais à condition d'en tirer les enseignements qui s'imposent. Gardons-nous en effet de l'amalgame, de la confusion, de la récupération que tentent de faire de ces actions tragiques certains, ici ou là, bien prompts à se poser de nouveau comme l'expression authentique des aspirations populaires les plus profondes. Posons donc ce qui nous paraît être les bonnes questions pour tenter d'y apporter les réponses conséquentes qui s'imposent.
L'on ne peut, pour commencer, évacuer
ceci : c'est notre société qui a fabriqué ces jeunes terroristes marocains opérant chez nous, aucun d'entre eux n'a eu l'opportunité de sortir de nos frontières -nous sommes donc en face de profils locaux , évoluant et baignant dans notre environnement, parmi nous ou plutôt -comment le nier ? - à côté de nous. C'est un échec, c'est notre échec à tous parce que c'est là le lot de notre développement économique et social ou plutôt de notre mal-développement ? Ce sont en effet certaines options, certains choix qui y sont liés et une grande cécité des décideurs qui ont laissé se développer ces bidonvilles de «non-droit» et qui ne sont que la conséquence de l'exclusion.
On s'est beaucoup occupé des lumières de la capitale économique du Royaume, mais qu'a-t-on fait de ses ombres ou plutôt de ses ténèbres? Le développement se voulait solidaire et inscrit résolument dans une politique d'aménagement du territoire : il nous livre en fait des contre-sociétés de dizaines de milliers d'âmes, à la périphérie de Casablanca et de tant d'autres villes, où règne le «non-droit» avec ses codes et ses aventures incontrôlées et forcément incontrôlables. Comment redresser cette situation et asseoir pour demain, durablement, une autre articulation qui conduise à l'éradication de ce sombre tableau ? Tel est l'enjeu.
Les gouvernements successifs n'ont pas
été - il faut bien le dire - à la hauteur de ces exigences. Aucun d'entre eux n'a sérieusement appréhendé cette problématique : des projets sociaux ont pu être réalisés mais ils ne participaient pas vraiment d'une véritable vision et ne répondaient guère à ses implications: l'édification d'une société accordant une place à tous les siens, les mobilisant dans une dynamique de travail et d'effort, et leur donnant des références
de conduite et de morale. Le cabinet d'alternance de Youssoufi qui avait tant et tant promis pour changer la société n'a fait ni plus ni mieux dans ce domaine. On en attendait des réformes imaginatives, audacieuses mêmes, un volontarisme réformateur pour tout dire - il n'a laissé derrière lui, après pratiquement cinq ans, qu'un bilan globalement négatif dans ce domaine.
D'un autre côté, comment ne pas se demander pourquoi et comment l'Etat a pu laisser faire un tel décrochage : entre ses missions générales d'encadreur, d'aménageur, de développeur et de planificateur et un état de fait, sur le terrain, qui s'apparente à ce qu'il faut bien appeler l'incurie et la démission ; entre ses missions d'ordre public et le laisser-faire couplé au laisser-aller qui articulent des pans entiers de notre société, en particulier dans les zones périurbaines ?
Force est de relever à cet égard que le «nouveau concept d'autorité» prôné par S.M. Mohammed VI, en octobre 1999, n'a pas été correctement appréhendé ni par les administrés ni peut-être par ceux-là mêmes qui, dans le cadre de leurs attributions locales, étaient chargés de l'appliquer. Il ne signifie pas moins d'autorité ; il n'implique pas le recul de celle-ci ni sa décrédibilisation mais autre chose: la proximité, l'écoute des citoyens, la défense de leurs droits, les garanties de leurs libertés, mais sans que cela se fasse au détriment de l'exercice normal de la puissance publique au service de l'intérêt général, par-delà les groupes, les catégories et les lobbies.
Je ne peux pas ne pas mettre en relief comment certains des officines revêtues du label d'ONG et des activistes impénitents ont mis à profit cette nouvelle conception Royale de l'autorité pour mener une campagne insidieuse continue contre l'Etat. Ainsi, aucun corps constitué n'a été épargné ni la justice, ni les agents d'autorité, ni les forces de sécurité. Rien d'étonnant à cela puisque ces professionnels patentés de l'agitation escomptaient délégitimer l'appareil d'Etat présenté comme un ensemble institutionnel structurant du système politique. En d'autres termes, ils ne défendaient pas moins d'Etat comme le propose le libéralisme aujourd'hui, mais l'anti-Etat et ce dans le cadre de la mise en équation du régime.
C'est dans cette même perspective qu'il faut décrypter leurs vociférations hebdomadaires sinon quotidiennes contre ce qu'ils appelaient l'appareil sécuritaire. Menant campagne après campagne, à propos de tout et de rien, ils entendaient créer un climat de défiance de nature à entraver l'action et le rôle de l'Etat dans sa mission de souveraineté entendue en l'espèce comme la nécessité de faire prévaloir l'ordre public et la sécurité des biens et des personnes.
Ils partaient ainsi à l'assaut d'une citadelle présentée comme étant une menace pour la démocratie et les libertés alors que les structures qui la composent ne sont que le légitime déploiement de l'Etat pour la défense de la société, de ses valeurs et de ses référents fondamentaux.
Depuis des années, je n'ai pas manqué de tirer cette sonnette d'alarme : il était urgent de restaurer l'autorité de l'Etat et de faire prévaloir la légalité, de faire respecter l'ordre public, de dénoncer les menées de tous ceux qui se cachent derrière un discours démocratique qui ne trompe plus personne aujourd'hui et n'avaient en fait pas d'autre souci que de miner la crédibilité et la légitimité des institutions politiques et étatiques auxquelles le peuple marocain reste profondément attaché.
A la faveur de l'immense émotion qui s'est exprimée dans tout le Royaume, au lendemain des attentats terroristes de Casablanca, ces mêmes activistes ont tenté de capitaliser la légitime indignation et la révolte des citoyens pour se positionner à l'avant-garde de la mobilisation que nous appelions de nos vœux. Il ne faut donc pas qu'il y ait une telle récupération : depuis longtemps, nous savons qui est qui, où sont les camps des patriotes et où se situent les subversifs.
Le peuple marocain n'est ni myope, ni amnésique : il saura faire le tri entre eux et nous, leurs parcours personnels et politiques et leurs idées les disqualifient depuis longtemps alors qu'ils s'échinent de nouveau, à la faveur de la présente conjoncture, à promouvoir la confusion politique au service de leurs visées d'hier et d'aujourd'hui.
* Mouvement démocratique et social


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