Le 11 mars 2004, trois jours avant les élections qui, selon les pronostics, devaient porter de nouveau au pouvoir le Parti populaire (PP) de José María Aznar, un attentat sanglant a fait près de 200 morts et 1 500 blessés à Madrid. Les attentats affreux de Madrid ont été conçus de façon à faire le maximum de victimes possible. Contrairement aux attentats du 11 Septembre, ils ne visaient pas un symbole de la puissance économique ou de l'Etat. Ils étaient dirigés délibérément vers une cible populaire : des habitants de la banlieue de Madrid qui se rendaient à leur travail. Les 10 bombes qui ont explosé simultanément dans 4 trains ont fait 198 morts et près de 2.000 blessés. Tout désignait un groupe islamiste proche d'Al Qaida, mais le gouvernement a persisté à imputer le massacre à l'ETA, le groupe terroriste basque. En effet, le peuple espagnol étant très opposé à la guerre en Irak et à l'engagement du pays dans ce conflit, le PP savait qu'il risquait de perdre les élections si la vérité éclatait. 911 jours exactement après le 11 septembre 2001, les attentats du 11 mars à Madrid portent la marque d'Al Qaïda, avec des attaques simultanées et parfaitement synchronisées de façon à amplifier au maximum «le choc et l'effroi», comme dit George W.Bush. Al Qaïda a mis à exécution ses menaces de frapper les alliés des USA dans l'occupation de l'Irak. Les Espagnols ont payé très cher le soutien de José Maria Aznar à une guerre à laquelle le peuple espagnol était opposé à 90%. Ce que quelques-uns ont gagné sous forme d'honneurs chez l'Oncle Sam et de contrats juteux pour la reconstruction de l'Irak, des centaines de citoyens espagnols innocents auront dû le payer de leur vie et de leur sang. Les observateurs avaient enfin compris pourquoi José Maria Aznar et son ministre de l'Intérieur se sont empressés de désigner immédiatement l'ETA, et à persister malgré la revendication d'Al Qaïda et malgré le démenti formel de l'organisation basque. On a pu aussi noter la façon dont les médias et le gouvernement français ont relayé la manipulation d'Aznar, contre l'évidence des faits. A trois jours des élections générales espagnoles, Aznar sait que les électeurs risquent maintenant de lui faire payer son soutien à Bush. Mais, le 14 mars, les Espagnols avaient également compris que le gouvernement leur mentait et, plus grave encore, qu'il avait tenté de manipuler la presse. Très en colère, ils ont donc voté massivement pour le PSOE, le Parti socialiste. Lors de sa première déclaration officielle, le nouveau chef du gouvernement, José Luis Zapatero, a annoncé l'application d'un point essentiel de son programme, à savoir le retrait des troupes espagnoles d'Irak. Pour certains observateurs, Al Qaïda a réussi son pari en influant sur le résultat des élections. Pour d'autres, la démocratie espagnole en est sortie grandie. Pour la presse espagnole, l'enquête sur les attentats de Madrid s'oriente vers des membres de la mouvance terroriste islamiste marocaine à laquelle ont été imputés les attaques suicides de Casablanca le 16 mai 2003. Les enquêtes menées au Maroc après les attentats de Casablanca ont révélé l'existence dans le pays de plusieurs groupes islamistes radicaux auxquels s'intéressèrent les enquêteurs espagnols après le carnage de Madrid. La Salafia Jihadia est de loin le mouvement le plus souvent cité dans les dizaines de procès qui ont suivi les attentats de Casablanca. Quels étaient les liens entre ce groupe de Casablanca et les trois Marocains suspectés d'être impliqués dans les attentats de Madrid ? Notamment Jamal Zougam, originaire de Tanger, qui a quitté le Royaume trois semaines après la tuerie de Casablanca (Rabat avait alerté Madrid en juin 2003 sur son installation en Espagne, en notant son appartenance à Al-Qaïda). Une troisième structure a été citée par les enquêteurs, le «Groupe islamique combattant marocain» - des intégristes également qualifiés de « Marocains afghans » qui auraient été entraînés en Afghanistan, en contact avec le réseau d'Oussama ben Laden. Huit d'entre eux ont été condamnés en septembre 2003 par le tribunal de Rabat à des peines allant de 6 à 20 ans de prison pour «préparation d'actes terroristes» et «gestion de fonds dans l'intention de les financer». L'un des prévenus, Noureddine Nfia, alias «Abou Mouaâd», aurait, selon le procès-verbal de la police, rencontré en Afghanistan le chef d'Al-Qaïda, Oussama ben Laden et son bras droit Ayman Azzawahri. Un autre prévenu de ce même groupe, condamné à 18 ans de prison, Salaheddine Benyaïch, est le frère d'Abdelaziz Benyaïch, écroué en Espagne. Ce dernier aurait des liens avec l'un des trois Marocains arrêtés à Madrid dans le cadre de l'enquête sur les attentats du 11 mars. L'horreur des attaques perpétrées de manière terroriste et barbare ont fait sombrer l'Espagne dans un désarroi difficilement surmontable. Le choc et l'ampleur d'un tel désastre ont soufflé sur la Péninsule ibérique tel un ouragan de terreur.