Dans quelques jours donc, ce sera le 1er mai, la Fête du travail, marquée généralement à travers le monde par des défilés, des marches, des slogans, des banderoles de protestations ou de revendications. Les travailleurs se réuniront pour se compter et tester la solidité de leurs forces, la solidarité de leurs rangs. Toujours pour de meilleurs lendemains qui ne chanteront pas nécessairement, mais, du moins, ne sangloteront pas. Le Maroc participera à la Fête avec, cette année 2003, la naissance d'une nouvelle centrale syndicale “sérieuse”, la Fédération démocratique du travail (FDT) qui viendra défiler en même temps que l'UMT de Mahjoub Benseddik, l'UGTM de l'Istiqlal et de Abderazzak Afilal, de la CDT de Noubir Amaoui. Taïeb Mounchid, secrétaire général de la FDT, tout récemment élu, aura ainsi l'occasion de prononcer son premier discours public. J'ai parlé de syndicats “sérieux”. Car au Maroc, il y en a de “bidons” qui ne font surface qu'à l'occasion du 1er mai. Groupuscules fantômes, ils se revendiquent de tellle ou telle obédience “politique” de tel ou tel parti, eux-mêmes faméliques et miséreux. Pensez donc, même Mahmoud Archane a son syndicat ouvrier ! Comme les autres, il “défilera”, revendiquera, protestera. Laissez, laissez jouer les travailleurs : une journée est si vite passée ! Les médias officiels s'en donneront à cœur joie et nous montreront “en boucle” les défilés et les discours de “secrétaires généraux” parfaitement inconnus, émergeant “laborieusement” de 364 journées (l'année moins une !) d'anonymat. Les discours seront beaux et éloquents. On y traitera un peu de tout même de l'unité de la classe ouvrière. Drôle d'unité que celle qui engendre autant de syndicats ! Le ministre de l'Emploi prononcera un discours (intégralement radiotélévisé, un événement !) où il dira tout le bien que pensent le gouvernement et lui-même du rôle de la classe ouvrière, des sacrifices de la classe ouvrière, de la conscience et du sens de la responsabilité de la classe ouvrière. Oui, le pays compte sur elle pour plus de sacrifices encore, pour plus de discipline et d'altruisme. Les travailleurs replieront leurs banderoles, ravaleront leurs slogans et le pas lourd et la voix enrouée regagneront leurs modestes demeures avec le sentiment réconfortant du devoir accompli. Les “petits syndicats”, ceux du 1er mai, disparaîtront comme dans une trappe. On n'entendra plus parler d'eux, une année durant. Et nul ne s'inquiétera de leur soudaine absence. On n'alertera pas les associations de défense des droits de l'homme. On n'accusera pas les “services spéciaux” de les avoir “kidnappés”. A quoi bon, en effet, puisqu'on sait que le 1er mai suivant, ils reviendront nous dire bonjour.