Le long règne de feu Hassan II, 38 ans durant, a été jalonné de faits marquants qui ont posé les jalons d'un Etat moderne, réunifié et engagé sur la voie de la transition démocratique. L es observateurs pourront toujours mettre en avant la «faiblesse» du bilan économique et social de feu Hassan II, il n'empêche qu'entre les règnes de Mohammed V et Mohammed VI, celui d'un grand visionnaire et d'un génie leader était rendu indispensable par le contexte général d'un pays confronté à une succession de crises politiques internes et externes, mettant la réactivité du Royaume à rude contribution. En d'autres termes, il fallait « une main de fer dans un gant de velours » pour aplanir les contradictions majeures qui menaçaient la stabilité durable du pays et de ses institutions. Et c'est dans ces multiples face-à-face, des duels impitoyables qui s'enchaînaient les uns après les autres, que la lucidité, le courage et la volonté du Souverain furent déterminants pour triompher des adversités et des défis. Lorsqu'on se remémore l'une de ses dernières allusions à la continuité dynastique, «J'ai assuré la pérennité de la dynastie alaouite pour 400 ans», que l'on comprend l'œuvre colossale abattue par un Monarque passé maître dans l'art de «viser le bout de la piste pour atterrir», métaphore qu'il affectionnait en l'empruntant au pilotage aéronautique. Un Roi patriote et engagé Déjouer deux tentatives consécutives de coups d'Etat et de rébellion armées, faire face aux complots tramés par les opposants «républicains» et étrangers, mener une guerre contre les algéro-séparatistes pendant plus de 15 années, engager audacieusement le Maroc dans une Union arabo-africaine avec la Lybie qui lui a valu toutes les hostilités occidentales, Etats- Unis en tête, sans compter le resserrement des liens de coopération bilatérale avec l'ex-URSS en pleine «guerre froide» faisant rage entre superpuissances des deux blocs antagoniques de l'époque, en signant «l'accord du siècle» avec les Soviets, conduire le Comité Al Qods Acharif en désaccord total avec les impérialo-sionistes, autant de faits historiques plaidant incontestablement pour un Roi non aligné, farouchement indépendant et intraitable défenseur de la cause des mouvements de libération en Afrique et dans le monde, l'ANC d'un certain Nelson Mandela en tête après que son père, feu Mohammed V ait consenti d'énormes sacrifices pour l'indépendance de l'Algérie. Mais le génie visionnaire d'un Roi totalement acquis à la cause de son pays et au service de son peuple «sans être le serviteur de personne», comme il aimait à le rappeler pour signer, encore une fois, son esprit d'indépendance et de liberté d'action, a atteint sa maturité en signant, au moins, deux réalisations majeures. Primo, il est pionnier dans la politique des barrages dont les retombées sur l'agriculture et le monde rural n'ont pas encore donné leurs pleins fruits. Et c'est à juste titre, d'ailleurs, que la communauté internationale a salué cette perspicacité Royale en instituant le Grand Prix Hassan II de l'Eau, décerné périodiquement dans les grands forums et congrès mondiaux en la matière. Deuxio, si la «longue marche » du grand timonier chinois, Mao Tsé Toung était une opération de résistance pour l'indépendance contre l'occupant japonais, en revanche Hassan II a étonné le monde entier en réussissant la «Grande Marche verte» qui mobilisa 350 000 volontaires civils de toutes les régions du Royaume, en novembre 1975 pour récupérer pacifiquement les provinces marocaines du Sud sous le joug espagnol. C'était bien la première fois qu'un territoire fut décolonisé sans échanger un seul coup de feu. Il est vrai que bien des violations des droits de l'homme étaient commises au moment de l'exacerbation des conflits entre l'Etat et les acteurs politiques, mais le mérite de feu Hassan II, même si l'évènement se produisit vers la fin de son Règne, a été d'assainir les conditions du terrain politique en substituant à la sempiternelle confrontation entre le régime et l'opposition, l'alternance consensuelle préparant la voie à la transition démocratique annoncée par le premier gouvernement de gauche, conduit par les socialistes en novembre 1998. Auparavant, le Roi défunt avait lancé l'initiative d'une réconciliation nationale en ouvrant le chemin à l'indemnisation des victimes des années de plomb. Enfin, la fibre sociale de Hassan II n'est pas en reste, puisqu'il est le fondateur des premières campagnes nationales de lutte contre la pauvreté.