Le Maroc est à nouveau dans l'œil du cyclone de la nébuleuse de Ben Laden et sa branche armée au Maghreb. Pour faire face au danger, le Maroc a relevé l'alerte au niveau trois et mis sur le pied de guerre, toutes les forces de sûreté et de sécurité du Pays. Le Maroc vit depuis quelques jours sous le spectre de la menace terroriste. La réalité des faits, à la gravité indéniable, est sans commune mesure avec l'impact médiatique de l'évènement. On n'est pas tout à fait dans un climat de psychose terroriste, mais on peut se demander, légitimement, si on n'y va pas droit devant. L'heure est grave et tout ce que le pays compte comme instances spécialisées dans la sécurité, le renseignement et la parade à la subversion interne et externe, est en alerte permanente. Les congés sont suspendus jusqu'à nouvel ordre et les journées de travail sont plus longues que d'habitude, week-end compris. La mobilisation est totale et générale. Les postes frontières, maritimes, terrestres et aéroportuaires, sont sous haute surveillance sans pour autant gêner la fluidité du trafic des usagers en général et les visiteurs étrangers en particulier. C'est que depuis quelques semaines, le Maroc est devenu le point de chute des experts en sécurité d'Europe et des Etats-Unis. Les patrons du FBI et de la CIA, ainsi que les plus hauts responsables de la DST et de la DGSE françaises, sans compter les services secrets italiens et espagnols pour ne citer que ceux-là, ont fait le déplacement. Mais que se passe-t-il au juste pour que le Maroc déclenche cette alerte qui atteint son niveau le plus élevé ? La réponse tient à une seule date: le Vendredi 6 juillet 2007. Chasse aux terroristes Ce jour-là, une réunion à caractère exceptionnel, coprésidée par le ministre de l'Intérieur, Chakib Benmoussa et le ministre délégué à l'Intérieur, Fouad Ali El Himma, a eu lieu avec les responsables sécuritaires du pays, entre autres Charki Draiss de la DGSN, Abdellatif Hammouchi, patron de la DST, Yassine Mansouri, directeur général de la DGED, le général de division Hamidou Laânigri des Forces Auxiliaires, le général de corps d'armée Hosni Beslimane de la Gendarmerie Royale, Abdelaziz Bennani, Inspecteur général des FAR et commandant de la zone sud... À l'ordre du jour : une séance de briefing des services de sécurité sur la menace terroriste jugée très sérieuse, qui pèse sur le Maroc. Suite à quoi, le ministère de l'Intérieur a décidé de relever au «maximum le seuil d'alerte» dans le pays. «Cette mesure a été prise pour contrer l'actuelle menace terroriste avérée contre notre pays sur la base de renseignements fiables» et elle «exige des organes de sécurité, une mobilisation extrême (...) et de redoubler de vigilance», a souligné le ministère dans un communiqué rendu public le jour même. L'information, telle qu'elle a été relayée par la presse durant le week-end, a donné lieu à un déferlement de commentaires et de réactions aux niveaux national et international. Il fallait donc attendre lundi 9 juillet pour y voir plus clair. La Gazette du Maroc et Challenge Hebdo ont été conviés à une autre rencontre, tenue par les deux patrons du ministère de l'Intérieur avec les opérateurs économiques, en vue de les impliquer dans la mise en place d'une politique de sécurité nationale (lire Challenge Hebdo de cette semaine). Des bribes de nouvelles qui ont été distillées au compte-gouttes aux quelques journalistes, permettent à notre publication d'en tirer quelques constats. Tout d'abord, le ministère de l'Intérieur confirme cette information qui tient en haleine l'opinion publique : Le Maroc fait l'objet effectivement d'une réelle menace provenant des terroristes proches de la branche d'Al Qaida au Maghreb islamique. Sentiment de sécurité L'information est aujourd'hui officielle. Ce qui l'est moins, c'est la cartographie des lieux ciblés et le moment de passer à l'acte. «Le niveau d'alerte maximale résulte d'un ensemble d'indices convergents, qui semble indiquer que le Maroc peut être la cible, comme pour plusieurs pays en Europe et au Maghreb, d'actes terroristes, au cours des semaines à venir. Nous considérons, que les indices dont nous disposons, sont suffisamment crédibles pour justifier une mobilisation extrême de l'ensemble de nos forces de sécurité», a déclaré Chakib Benmoussa, en précisant toutefois qu'il n'y a pas de raison de céder à la panique, et d'étayer son argumentaire : «Il ne s'agit nullement de créer une psychose. Les mesures devraient aider à instaurer un sentiment de sécurité auprès des citoyens, des MRE, des touristes présents dans notre pays… même s'ils auront à subir des contrôles plus renforcés». Le fait est que l'affaire de la menace d'Al Qaïda au Maroc ne doit pas partir dans tous les sens. Les services marocains, DGSN, DGST, DGED, Forces auxiliaires, Forces Armées Royales, disposent plus que jamais des moyens nécessaires et efficaces (en structures spécialisées, en compétences humaines, en groupes d'intervention spécialisés et en budget de financement) d'autodéfense face à la violence intégriste. Dans cet immense tourbillon terroriste aux ramifications internationales, le Maroc a montré et a démontré, à plusieurs reprises, ses aptitudes à démanteler les cellules dormantes d'Al Qaida au Maroc. Depuis le 16 mai 2003, Rabat a, en effet, recensé tous ses ressortissants ayant effectué une visite ou même une escale en Afghanistan, en Iran, en Syrie et au Pakistan. Ils sont repérés, identifiés, localisés et pistés par les services de sécurité, comme cela a été le cas des kamikazes du 10 avril de Hay El Farah. Sur ce registre, le ministère de l'Intérieur avance que les services sont sur la trace de 16 activistes jugés extrêmement dangereux et qui font l'objet d'une traque sans relâche. Un travail de tous les instants. Ceux, parmi eux, qui résident au Maroc, ont été interpellés et interrogés au risque, parfois, pour les services de sécurité d'être pris à partie par les organisations des droits de l'Homme qui ont, maintes fois, dénoncé «la crispation autoritaire» au Royaume. «Depuis 1999, les services d'ordre ont réalisé un grand travail d'assainissement, de recensement des personnes affilées au réseau Al Qaida et d'identification du potentiel de la menace terroriste. En 2003, nous avons même été critiqués sur notre manière de faire et sur le nombre de personnes arrêtées… Aujourd'hui, l'histoire nous a finalement donné raison», rétorque, pour sa part, le ministre délégué à l'Intérieur, Fouad Ali El Himma. Et de lancer un appel aux citoyens pour plus de vigilance et de coopération avec les services de sécurité : «L'Etat fait de son mieux, l'Etat a rempli son cahier des charges, maintenant, tout le monde doit s'impliquer, l'effort doit être global. Toute information ou remarque, nous seraient utiles dans des moments pareils…». Et El Himma de conclure sur un ton confiant et serein : «aujourd'hui, nous avons une nouvelle approche. L'Etat parle vrai. Nous avons voulu parler un langage crédible en attendant un retour d'appel. Jusqu'à maintenant, notre démarche a porté ses fruits en déjouant toutes les tentatives d'attentats terroristes». Coopération Le Maroc n'est pas seul sur le front antiterroriste