Mohamed Ben Brahim, un comédien populaire de la vieille garde, au talent confirmé, mais dont les apparitions, à de petites exceptions (ramadanesques) près, se font de plus en plus rares pour des considérations indépendantes de sa volonté. Et pourtant, ce grand enfant à l'accent du terroir -ce qui a fait d'ailleurs son succès- et à la condition modeste au caractère digne et fier, demeure constamment dans la mémoire du public malgré une certaine marginalisation dont il est le plus souvent victime, tant à la télé que sur les planches proprement dites. Aussi bien sur le volet artistique que sur des thèmes n'ayant rien à voir avec le domaine, nous lui avons posé un certain nombre de questions diverses, parfois un peu gênantes, auxquelles B.B a d'ailleurs répondu avec son sourire habituel. Cédons-lui sans tarder la parole. LGM : De prime abord, dites-nous depuis combien d'années vous vous produisez sur scène ? Mohamed Ben Brahim : Cela fait un bon paquet d'années... Disons depuis plus de trois décennies, d'une manière professionnelle bien sûr. De tout ce temps-là, quel est le plus beau souvenir (artistique ou autre) que vous gardez toujours en mémoire ? J'en ai pas mal, mais le meilleur c'est le premier jour où je suis monté sur scène et que j'ai été applaudi par le public. C'était une joie inégalable pour moi. Je n'avais pas dormi ce soir-là, tellement c'était beau ! ...Et le plus mauvais souvenir ? Ah, celui-là ! Mais il y en a plusieurs ! C'est lorsque j'enregistre un travail pour la télé et qu'il ne passe pas ou bien, il passe tout à fait dénaturé. C'est clair : vous avez tant et tout donné au Théâtre, que vous a-t-il donné, lui, en contrepartie ? Matériellement parlant, pas grand-chose mais, moralement, je suis tout à fait satisfait et même comblé. Vous campez, parfois, des rôles d'homme d'affaire, de bonhomme très aisé dans les feuilletons télévisés. Qu'est-ce que cela vous fait intérieurement, vous qui êtes de condition assez modeste ? Cela me travaille un peu et, souvent, j'aimerais bien être en réalité dans la même situation confortable que celui dont j'interprète le rôle. Mais, c'est la vie ! À propos de télévision, vous est-il arrivé un jour de refuser un rôle important qui ne vous a pas plû, pour une question de principes ? Effectivement, cela m'est arrivé plus d'une fois. Avez-vous peu, beaucoup ou pas d'ennemis dans le domaine ? À ma connaissance, je n'ai pas d'ennemis dans le domaine pour la simple raison que je ne fais rien pour mériter leur animosité. Dans la vie, si quelqu'un cherche à vous faire du mal, à vous nuire, est-ce que vous vous empressez de l'affronter de face pour vous défendre ou bien vous cherchez à l'éviter tout en laissant au temps le soin de prendre la revanche à votre place ? De nature assez timide et très calme comme vous le savez, je fais de mon mieux pour l'éviter. Je bats en retraite ! Un mot sur ces trois hommes des planches qui ne sont plus parmi nous et qui sont presque oubliés maintenant : Mohamed Abou Saouab, Larbi Doghmi et El Kenfaoui ? Abou Saouab, j'aimerais qu'on prenne en consiréation sa petite famille laissée à l'abandon. Larbi Doghmi, irremplaçable dans son style. El Kenfaoui, son école est toujours vivante, d'actualité. Si vous n'êtiez pas comédien, pour quelle autre discipline artistique votre coeur aurait-il balancé ? Producteur de films. Vous savez pourquoi ? Pour faire travailler un maximum d'artistes au chômage. Ah ! Si ceux qui ont de l'argent investissaient un peu dans le domaine, tout le monde serait heureux. À propos de choix, entre la Première et la Deuxième chaîne, avez-vous une quelconque préférence ? J'ai une préférence pour...les deux! Vous vient-il à l'esprit d'arrêter de vous produire sur scène et prendre votre retraite artistique ? Si oui, à quel âge ? Ah, cette retraite ! J'y pense. Toutefois ce n'est pas possible. Le vrai artiste reste artiste jusqu'à la mort. Un conseil à donner aux jeunes comédiens qui commencent à se frayer leur chemin ? Travailler avec acharnement et rester modeste. C'est la meilleure qualité pour réussir dans ce domaine. Un artiste prétentieux, ça vous inspire quel sentiment ? Un sentiment de dégoût. Quand on est prétentieux, on devient ridicule devant les gens. Un plaisantin a dit une fois que “dans la vie, il faut choisir entre gagner de l'argent et le dépenser !”. En ce qui vous concerne, quel est le choix à faire? Moi, je veux gagner de l'argent honnêtement et le dépenser utilement. Etes-vous du genre qu'un admirateur puisse aborder facilement dans la rue pour un autographe ou une photo ? Et que pensez-vous de ces “vedettes” qui refusent une si petite et légitime exigence de leur public ? Ceux-là ne savent pas l'estime qu'ils perdent à ses yeux. Quant à moi, je ne leur ai jamais rien refusé. Mohamed Ben Brahim est-il du genre que les critiques négatives ou les mauvaises langues démoralisent facilement ? Non... Un tel comportement ne me démoralise nulllement quand je suis convaincu que je ne le mérité pas. C'est tout. En tant que comédien depuis une longue date, ne remarquez-vous pas que les productions théâtrales se font de plus en plus rares ces dernières années ? En effet. Mais les mêmes troupes théâtrales actives d'antan sont toujours là. Ce sont les moyens matériels qui leur manquent aujourd'hui. Un mot adressé à ceux qui n'aiment pas ce que fait Ben Brahim ? “ioua allah yehdihoum âalya oukhlass !” D'ailleurs, c'est leur droit le plus absolu. Et comme on dit : on ne peut pas plaîre à tout le monde...