Les opérateurs de la grande distribution ont du mal à positionner leurs produits dits économiques dans leurs rayons. Non seulement leurs produits aux étiquettes « économiques » sont rarement moins chers de 10 % que les autres produits de marque de même nature mais ils peinent à contrôler leur qualité. PE » (Produit économique), «Premier prix », « Aro »… c'est selon qu'on est chez Marjane ou Acima, Aswak Assalam, ou encore à Metro. Pour les opérateurs des enseignes de la grande distribution, tous les moyens sont bons pour atteindre les couches de consommateurs qui, en principe, font leurs courses, au jour le jour, chez l'épicier du coin. A leurs yeux, cela doit passer impérativement par ces labels économiques qui ne sont rien d'autres que des produits d'appels. En effet, si les premiers acteurs de la grande distribution (Marjane et Metro appelé à l'époque Makro) étaient installés en périphérie, depuis une dizaine d'années, la situation a nettement évolué. Les supermarchés ont fait leur apparition en milieu urbain, précisément dans presque toutes les grandes villes et jusque dans les quartiers populaires. C'est ainsi que depuis 2005, Marjane a clairement affiché sa volonté de faire un hypermarché discount pour tous les Marocains. «Nous ne pouvons plus continuer à nous intéresser uniquement aux catégories de clientèle et de pouvoirs d'achat aisés. Pour ouvrir demain deux magasins par an et atteindre rapidement un parc de vingt magasins, il faut inéluctablement s'orienter vers les catégories à plus faible pouvoir d'achat. Marjane doit apparaître comme une enseigne économique », soulignait à Challenge Hebdo Tajeddine Guennouni, président du directoire de Marjane Holding. Depuis, un nom de code est apparu dans les rayons du leader marocain de la grande distribution : PE. Ils sont, selon un responsable de rayon à Marjane, 15 à 30 % moins chers que les autres produits de même nature. Tout en gardant un oeil sur les grossistes et le marché traditionnel (détaillants), car il faut bien rester arrimé aux prix d'un marché qui représente 90 % de la distribution. En guise d'exemple, on peut citer le cas de la farine de marque chez Marjane, dont les prix d'un sac de 5 kg tournent autour de 40 DH. Cette même famille de produits estampillés du label économique « PE » est vendue pratiquement dans les mêmes rayons au même prix mais pour 10 kg. Une maigre différence Toujours est-il que ce n'est pas souvent le cas. C'est même une exception. Les différentes tournées dans les magasins des grandes surfaces nous ont permis de constater que rarement les prix des produits dits économiques sont moins chers de 10 % que les produits de marques. « Cette niche n'est pas encore intéressante pour les industriels. Elle ne le sera que lorsque les enseignes atteindront la taille critique », souligne un acteur du secteur. C'est ainsi que le groupe Azbane qui fournissait des savons à 1 DH à une enseigne de la place n'a pas jugé opportun de reconduire son contrat si bien que les consommateurs s'arrachaient ce produit économique comme des petits pains. Le spécialiste marocain de la cosmétique s'est rendu très vite compte qu'il ne réalisait pas de marge. Malgré tout, à en croire un caissier de Marjane Derb Sultan de Casablanca, l'engouement pour les PE se confirme. Pour les mois de Ramadan, par exemple, «un pic des ventes est enregistré particulièrement pour les féculents, miel et farine», dit-il. Il faut dire que la hausse des prix pousse à croire que l'emballement consumériste pour les PE va s'accroître. Et ceci avant même que les enseignes discount, annoncées ça et là, ne fassent leur entrée sur le marché marocain. Pourtant, au début, les clients ont manifesté des réticences. La tendance a toutefois changé. Chez Marjane, dit-on, les épices PE, par exemple, s'accaparent 25% de parts de marché dans la même famille de produits. Aujourd'hui, cette enseigne, qui partage ce même label avec Acima, n'est pas la seule à se lancer dans l'aventure. Aswak Assalam propose également dans ses rayons un label économique, plus connu sous la dénomination de «Premier Prix». Metro n'est pas également en reste avec son label « Aro ». Pour toutes ces enseignes qui comptent actuellement des dizaines de références de produits économiques, l'idée de base, au-delà des produits de grande consommation (épices, biscuiterie, liquide et entretien), est également de démocratiser certains produits comme les Corn flakes, par exemple, avec une entrée de gamme à moins de 10 dirhams auprès de consommateurs à faibles revenus. Et indirectement à doper leur pouvoir d'achat. Rappelons qu'en France, par exemple, les produits économiques, proposés par les enseignes traditionnelles, sont une contre-attaque commerciale aux chaînes de distribution discount. Quid de la qualité des produits dits économiques? « Certes, l'équation commerciale qualité-prix reste toujours valable. Mais, les centrales d'achat des grandes surfaces n'ont pas les moyens de contrôler la qualité de ces produits auprès des industriels qui les leur fournissent», précise un autre acteur du secteur. Certains fournisseurs n'hésitent pas à en profiter. C'est le cas de cet industriel de savon en poudre qui dit-on est connu dans le secteur pour proposer des produits dont les principes actifs (qui font la lessive) laissent à désirer. Pourtant, généralement, les opérateurs de la grande distribution signent avec leur fournisseur un contrat comprenant plusieurs clauses qui visent sécurité, garantie... L'enseigne s'engage sur des volumes et le fournisseur de produits dits économiques bénéficie de volumes réguliers, d'importantes économies d'échelle (emballage, conditionnement, coûts de publicité…) et une prise de risque minimale. Mais souvent, les fournisseurs sont obligés de tricher sur les ingrédients pour y trouver leur compte. C'est de bonne guerre ! ◆